Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 18/10/2013
Question posée en séance publique le 17/10/2013
Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La laïcité est chère aux membres du groupe du RDSE et à la famille politique des radicaux à laquelle j'appartiens. Pour nous, elle n'est certainement pas liberticide ; au contraire, elle est émancipatrice.
Aujourd'hui, la bataille judiciaire, j'ai envie de dire le « feuilleton judiciaire », autour de la crèche Baby Loup de Chanteloup-les-Vignes et du licenciement de l'une de ses employées en raison du non-respect du règlement intérieur a connu un nouvel épisode : la cour d'appel de Paris a renvoyé ce matin son jugement définitif au 27 novembre 2013. Sans entrer dans des polémiques, nous ne pouvons oublier cette crèche, l'excellence reconnue de son travail et son combat militant en faveur du principe républicain de la laïcité.
Cette affaire nous oblige tous à nous interroger, parlementaires, élus et membres du Gouvernement : dans notre République, il serait possible de créer une crèche confessionnelle, comme il en existe déjà, mais pas une crèche clairement laïque ?
Au-delà de ce cas bien particulier, la question qui se pose est une question politique d'intérêt général : faut-il, oui ou non, étendre la neutralité religieuse aux crèches collectives de type associatif, familial ou encore entrepreneurial, qui s'occupent des enfants de moins de trois ans ? Le 28 mars 2013, le Président de la République a répondu à cette question par l'affirmative lors d'une interview télévisée devant les Français.
Alors que les enfants sont protégés contre toute forme de prosélytisme à l'école, ils ne pourraient pas l'être dans les crèches collectives privées qui touchent des subventions publiques ?
Comme vous le savez, sur cette question précise de l'accueil collectif des petits enfants, les membres de mon groupe et moi-même préférons l'option législative : c'est à la loi de la République et aux parlementaires de trancher cette question ! La proposition de loi que nous avions déposée et qui a été adoptée par le Sénat le 17 janvier 2012 apporte une réponse et constitue une base de travail que la navette parlementaire pourrait améliorer.
Très récemment, l'Observatoire de la laïcité, dont je suis membre, a préconisé, quant à lui, le recours à une circulaire interministérielle plutôt qu'à la loi. Cette circulaire devrait donner « des outils permettant aux crèches [
] d'édicter [
] des règlements intérieurs limitant l'expression religieuse [
] de leurs salariés ». Les membres de mon groupe et moi-même ne partageons pas cette position et, comme d'autres membres de l'Observatoire, je n'ai pas approuvé cet avis, car l'absence de cadre législatif laisserait une trop large place à l'interprétation.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Allez-vous renoncer à légiférer sur cette question ou bien, comme l'a annoncé le Président de la République, le Gouvernement va-t-il prochainement soumettre un projet de loi au Parlement pour mettre un terme définitif à cet imbroglio judiciaire et, surtout, permettre l'application pleine et entière du principe de laïcité ? (Applaudissements sur les travées du RDSE. M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
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Réponse du Ministère chargé des relations avec le Parlement publiée le 18/10/2013
Réponse apportée en séance publique le 17/10/2013
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, en installant l'Observatoire de la laïcité, le 8 avril 2013, le Président de la République lui a demandé d'éclairer le Gouvernement sur l'encadrement du fait religieux dans les structures qui assurent une mission d'accueil des enfants, telles que la crèche Baby Loup que vous venez de citer.
Cette approche objective et transpartisane était indispensable. La laïcité est en effet l'un des fondements de notre pacte républicain, j'ai envie de dire qu'elle en est même le fondement. Elle est profondément ancrée dans l'histoire de notre pays, mais elle est trop souvent instrumentalisée dans le débat politique.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il paraissait essentiel d'instaurer les conditions d'un dialogue apaisé et constructif sur ces questions lourdes et complexes. Le Gouvernement se réjouit donc du travail considérable accompli par l'Observatoire de la laïcité depuis le mois d'avril dernier et tient à remercier son président, M. Jean-Louis Bianco, ainsi que l'ensemble de ses membres de leur contribution à ce débat.
Au terme d'une analyse juridique, l'avis rendu par l'Observatoire précise que le droit actuel permet de répondre aux interrogations posées.
En ce qui concerne le service public, l'Observatoire de la laïcité rappelle que l'obligation de neutralité s'impose à tous les agents. Afin que ces règles soient respectées et mieux comprises, l'Observatoire recommande que les administrations publiques élaborent des chartes de la laïcité, sur le modèle de la charte de la laïcité à l'école, adoptée au mois de septembre dernier.
En ce qui concerne le secteur privé et, plus généralement, le monde du travail, puisque la question distinguait les deux situations, l'Observatoire suggère qu'une circulaire gouvernementale rappelle le cadre dans lequel un employeur peut restreindre l'expression religieuse et le port de certaines tenues vestimentaires. Ces restrictions pourraient faire l'objet de guides labellisés par l'Observatoire lui-même.
Il faut rappeler, car vous avez omis cette précision, madame la sénatrice, que, dans les situations du type de celle de la crèche Baby Loup, l'Observatoire de la laïcité recommande aux autorités publiques concernées de recourir plus largement à la délégation de service public, quand la crèche ne souhaite pas modifier son règlement intérieur.
Conformément à sa volonté initiale, confortée par cet avis de l'Observatoire de la laïcité, le Gouvernement va poursuivre sa réflexion dans un esprit d'apaisement et de responsabilité, dans le souci constant du respect des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
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