Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 17/01/2014
Question posée en séance publique le 16/01/2014
Concerne le thème : Devenir des élections prud'homales
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser que les propos que je tiendrai dans ma question n'engagent que moi, et aucunement le groupe auquel j'appartiens.
Les conseils de prud'hommes, cela a été rappelé, ont été créés en 1806, et c'est en 1848 que l'institution est devenue paritaire.
Monsieur le ministre, vous souhaitez modifier le mode de désignation des conseillers prud'homaux par voie d'ordonnance. Cette évolution s'appuierait sur la loi du 20 août 2008 sur la représentativité des syndicats. On peut s'étonner de cette éventuelle évolution, car si la représentativité donne la capacité de signer des accords, il en va tout autrement de l'exercice prud'homal, qui est un exercice de justice rendue au nom du peuple français. Son accès à tous doit être maintenu.
Limiter le panel de représentativité pourrait affaiblir la légitimité des prud'hommes. Monsieur le ministre, est-il judicieux de prendre le risque de voir se créer un corps de conseillers quasi inamovibles nommés par leurs organisations ?
M. Robert Hue. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par ailleurs, comment sera évaluée la représentativité patronale, notamment dans la phase intermédiaire ? Il en résultera jusqu'en 2017, si j'ai bien compris une disparité des modes de désignation entre les deux collèges.
Quel serait l'échelon de référence pour le calcul de la représentativité, qui, à mon sens, doit rester au plus près du ressort de chaque conseil de prud'hommes ?
Monsieur le ministre, comme l'a fait Jean Desessard, j'attire votre attention sur le fait que les demandeurs d'emploi ne sont pas pris en compte dans le cadre de la loi du 20 août 2008, alors qu'ils peuvent actuellement participer aux élections et être élus au conseil de prud'hommes. Vous risquez ainsi de mettre à l'écart de ce processus démocratique toute une partie de la population particulièrement concernée.
On nous dit que les élections prud'homales n'ont pas mobilisé. C'est vrai : en 2008, on a compté 4,8 millions d'électeurs. Toutefois, pour les élections qui ont déterminé la représentativité des différentes organisations syndicales, on n'en a compté que 5,4 millions. Par conséquent, cet argument peut être retourné : entre 2008 et 2013, l'écart de participation est faible.
Aussi, monsieur le ministre, je me pose cette question : est-il judicieux, s'agissant d'un sujet qui touche à notre démocratie sociale et qui mérite de faire l'objet d'un large débat, de procéder par ordonnance ? Ne serait-il pas plus judicieux, car l'urgence n'est pas manifeste, que cette réforme fasse l'objet d'un projet de loi débattu par le Parlement ? Ce dernier ne doit pas être dessaisi sur un sujet aussi important que la justice au travail. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Quand on a besoin d'une ordonnance, c'est qu'on est malade ! (Sourires.)
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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social publiée le 17/01/2014
Réponse apportée en séance publique le 16/01/2014
M. Michel Sapin, ministre. L'avantage de ce système des questions cribles thématiques, c'est que j'ai le sentiment d'avoir progressé dans mon argumentation. (Sourires.) Néanmoins, les questions étant écrites à l'avance, elles ne peuvent pas tenir compte des réponses que j'ai déjà apportées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère que vous avez avancé dans la compréhension de la volonté gouvernementale, qui bien sûr n'est absolument pas de délégitimer les conseils de prud'hommes à la suite d'un taux de participation de 25 % qui est trop faible ; c'est même tout le contraire !
Monsieur Desessard, la participation des chômeurs que vous évoquiez n'est que de 5 %, c'est-à-dire qu'elle est très basse. C'est bien la preuve que les chômeurs se sentent en quelque sorte exclus de la communauté de travail.
Je souhaiterais maintenant revenir sur un point que j'ai développé en répondant à M. Hue. Confier un tel pouvoir aux organisations syndicales représentatives - ou patronales, dès lors que le système de mesure de la représentativité patronale que je vous proposerai dans la loi aura été mis en place -, c'est montrer la confiance que nous manifestons à leur égard.
Vous craignez l'instauration d'une sorte de corps indépendant ou inamovible. Toutefois, par qui sont désignés les conseils de prud'hommes ? Pensez-vous que, à chacun de leur renouvellement, ce soit le chamboulement général ? Pas du tout !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si, c'est possible !
M. Michel Sapin, ministre. Quand des personnes compétentes siègent au sein des conseils de prud'hommes, les organisations syndicales sont les premières à souhaiter qu'elles se présentent une nouvelle fois en vue de leur réélection. Par conséquent, on constate aujourd'hui une très grande stabilité des conseils de prud'hommes, ce dont je me réjouis d'ailleurs.
Pour ma part, je ne crains rien de la part des organisations syndicales, et si, d'un côté ou de l'autre de l'hémicycle, quelqu'un venait à mettre en cause leur légitimité, je commencerais à m'inquiéter. Ce n'est pas mon cas aujourd'hui : je suis le ministre du dialogue social, je fais totalement confiance à toutes les organisations syndicales pour procéder à la désignation de personnes compétentes, appelées à représenter les salariés au sein de ces conseils de prud'hommes auxquels nous sommes tous très attachés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, nous progresserions encore davantage dans l'argumentation si la discussion portait sur un projet de loi.
Mme Isabelle Debré. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans votre texte, dix points méritent d'être débattus.
Quant à la représentativité, je ne vous apprendrai pas que, dans le ressort d'un conseil de prud'hommes, ce n'est pas obligatoirement la représentativité nationale qui s'applique. En outre, certaines organisations, à l'instar des représentants de l'économie sociale et solidaire qui pourront seulement siéger au sein des conseils de prud'hommes, ne pourront jamais, de par leur nature, être représentatives au niveau national. (M. Jean Desessard applaudit.)
Par conséquent, je pense vraiment que nous sommes au cur d'un vrai débat démocratique,...
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... qui devrait à mon avis passer par le Parlement.
Je dirai un dernier mot sur les économies envisagées. Le chiffre avancé serait de l'ordre de 91 millions d'euros. Ce n'est pas une économie judicieuse quand il s'agit d'assurer la réelle représentativité des salariés, mais aussi des entreprises, car, en dépit de vos efforts, monsieur le ministre, je n'ai toujours pas de réponse sur la représentativité des employeurs : comment va-t-elle fonctionner, dans quels délais, et que se passera-t-il entre-temps ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
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