Question de M. REQUIER Jean-Claude (Lot - RDSE) publiée le 31/01/2014

Question posée en séance publique le 30/01/2014

Concerne le thème : Le déficit démocratique de l'Union européenne

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, des Ukrainiens se révoltent parce que leurs dirigeants ont soudainement tourné le dos à l'Europe. À des milliers de kilomètres, vers le sud, ce sont des migrants du continent africain qui continuent d'affluer, au péril de leur vie, sur l'île de Lampedusa, la porte méditerranéenne de l'Union européenne. Le contraste est saisissant entre ceux qui rêvent de l'Europe, l'espace de leurs espoirs, et ceux qui y vivent mais ne perçoivent plus ni rêve ni idéal européens.

Une récente étude dresse un constat sans appel : 70 % des Français sont prêts à limiter les pouvoirs de l'Europe. Et que dire des sondages qui placent les extrêmes en tête des prochaines élections européennes ? Dans les urnes, l'Union européenne est devenue le triste défouloir des votes protestataires, le réceptacle de toutes les contestations.

Nous ne pouvons pas laisser perdurer ce sentiment de défiance. L'Europe a atteint un niveau de déficit démocratique qui la met en danger. Relancer le chantier européen, c'est d'abord redonner du souffle à son idéal démocratique ; ce doit être une priorité.

Comment ne pas évoquer le mode actuel de désignation de nos représentants au Parlement européen ? Le découpage artificiel en huit régions n'a pas tenu ses promesses, tant s'en faut : c'est un fiasco ! Le taux d'abstention augmente à chaque scrutin, et frôle désormais les 50 %. Surtout, le plus grave, c'est le délitement croissant du lien entre parlementaires européens et citoyens. Y en a-t-il encore un, d'ailleurs ? Rares, très rares sont les Français qui connaissent le nom d'un député européen.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, les radicaux souhaitent le rétablissement d'une circonscription unique. Nous ne sommes pas les seuls, puisque notre proposition de loi a été largement adoptée par le Sénat en 2010, avec le soutien des groupes socialiste et CRC, ainsi que de l'UDI-UC.

Pour combler le déficit démocratique de l'Union européenne et de ses institutions, ne faut-il pas d'abord commencer par renforcer le lien entre les citoyens et leurs représentants à Bruxelles et à Strasbourg ? Comment rendre les députés européens plus visibles, plus légitimes, plus représentatifs, donc aussi plus forts face à la Commission européenne, et plus encore face à la technostructure européenne qui fait tant de ravages ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. Alain Gournac applaudit également.)

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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 31/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2014

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je connais l'attachement viscéral de votre famille politique au principe d'une circonscription unique pour les élections européennes ; je respecte bien évidemment cet attachement.

En France, nous avons expérimenté deux modes de scrutin pour les élections européennes : une circonscription unique de 1979 à 2003 - je m'en souviens bien, puisque j'ai moi-même été candidat sur une liste nationale -, et des regroupements régionaux depuis lors. Malheureusement, force est de reconnaître qu'aucune de ces formules n'a permis de limiter la désaffection de nos concitoyens à l'égard des élections européennes.

Nous en arrivons à un curieux paradoxe : l'abstention augmente au fur et à mesure que les pouvoirs du Parlement européen s'accroissent. Ce mal ne touche pas seulement la France. Il affecte de nombreux pays de l'Union européenne. C'est donc ailleurs que dans le mode de scrutin qu'il faut chercher ses causes.

La fonction de député européen n'est pas une fonction facile. L'influence au Parlement européen ne se décrète pas ; elle s'acquiert par une présence forte sur les dossiers, par une capacité à négocier avec des élus de pays différents, donc de cultures et de sensibilités politiques différentes. Il est également difficile de faire vivre le débat européen dans nos régions.

La complexité du système décisionnel européen est réelle, mais ne l'exagérons pas. Finalement, l'Union européenne est aux États ce que l'intercommunalité est aux communes : nous avons en partage une maison commune, avec des règles du jeu qui permettent de construire des compromis et de faire émerger un intérêt général tout en respectant chaque composante.

Ce n'est pas par un mécano institutionnel que nous redonnerons confiance en l'Europe. Nous avons besoin de politiques européennes qui répondent aux aspirations des citoyens, de mesures ambitieuses, d'une Union européenne plus intégrée, plus solidaire, plus prospère et plus juste. C'est ce que nous nous employons à faire sous l'impulsion du Président de la République. Sans doute est-ce parce qu'ils ont cette belle image de l'Europe que des milliers de personnes manifestent à Kiev dans l'espoir de nous rejoindre un jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. En tant qu'élu, j'ai participé à de nombreuses inaugurations ; j'y ai rencontré beaucoup de maires, de conseillers généraux, de conseillers régionaux, de députés, de sénateurs, de préfets, de sous-préfets, mais hélas très peu de députés européens, même lorsque l'Union européenne apportait de très fortes contributions au projet.

Il est vrai que le Lot - tout comme l'Ariège, monsieur le président - est loin de Bruxelles et de Strasbourg, bien que Maurice Faure, le dernier survivant parmi les signataires du traité de Rome, vive encore dans ce département.

Je demande simplement aux futurs députés européens de se montrer davantage sur le terrain,...

M. Alain Gournac. Voilà !

M. Jean-Claude Requier. ... afin que l'on puisse les rencontrer, car ce sont eux qui incarnent l'Europe. J'aimerais également qu'ils promeuvent l'idée européenne, qui est vraiment une belle idée, avec davantage de cœur et de passion. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. - M. Alain Gournac applaudit également.)

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