Question de M. POINTEREAU Rémy (Cher - UMP) publiée le 14/02/2014

Question posée en séance publique le 13/02/2014

Concerne le thème : Pratiques et réalités agricoles et code de la propriété intellectuelle

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi étroitement circonscrit, il est inévitable que les différentes questions se ressemblent.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est toujours la même question !

M. Rémy Pointereau. En écoutant vos réponses, monsieur le ministre, nous avons bien compris que le gouvernement auquel vous appartenez n'est pas favorable à la brevetabilité des gènes « natifs », c'est-à-dire des gènes qui sont découverts à l'intérieur d'une espèce. Telle est également, depuis 2011, la position des semenciers français.

Dès l'origine, le Sénat a posé des questions au sujet de la brevetabilité des inventions biotechnologiques introduites dans les variétés végétales. Ainsi, nous avons fait reconnaître « l'exception de sélection » dans le cadre de la transcription de la directive 98/44/CE sur les inventions biotechnologiques ; ce principe a été repris dans le cadre du brevet unitaire européen par le précédent gouvernement, mais aussi, heureusement, par le gouvernement actuel.

Un problème persiste néanmoins en ce qui concerne les gènes natifs et le brevet sur ces gènes. En effet, un obtenteur qui intégrerait un gène breveté dans sa variété serait dans l'obligation de s'entendre avec le propriétaire du brevet pour faire l'exploitation commerciale de celle-ci : or, comme vous vous en doutez, ce serait très difficile.

Au-delà des déclarations de principe, quelles démarches comptez-vous entreprendre, monsieur le ministre, pour introduire dans la loi française et dans la réglementation européenne le principe de non-brevetabilité des gènes natifs ?

- page 1677


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée le 14/02/2014

Réponse apportée en séance publique le 13/02/2014

M. Stéphane Le Foll, ministre. Au sujet des gènes natifs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à être extrêmement précis, car votre travail dans ce domaine illustre l'expertise aiguë dont sait faire preuve votre noble assemblée.

Une discussion est en cours à l'échelle européenne à propos des semences. De fait, dans ce domaine, la législation ne pourra pas être purement nationale.

Monsieur Pointereau, vous avez eu raison de soulever la question des gènes natifs, car c'est un problème sérieux. Dans le cadre des travaux qui ont été entrepris par le Haut Conseil des biotechnologies et avant le colloque qui sera organisé en avril prochain, auquel participeront notamment le Groupement national interprofessionnel des semences et plants et la Confédération paysanne, nous devrons tirer les conclusions des travaux qui sont en cours, en particulier sur la question des gènes natifs.

À propos du brevetage de ces gènes, nous devons conduire à l'échelon national un travail d'anticipation et de réflexion approfondie sur l'articulation des brevets des certificats d'obtention végétale, afin d'être en mesure de faire entendre notre voix à l'échelle européenne. En effet, c'est à cette échelle, grâce à la législation communautaire, que la question devra être traitée.

Il faut éviter que l'on puisse trouver un végétal en quelque endroit du monde, intégrer sans innovation véritable l'un de ses gènes dans une autre plante et, après avoir déposé un brevet, considérer qu'on a un droit de propriété. Il y a là un vrai problème ! (Mme Annie David acquiesce.)

Ce problème, nous allons en discuter. Ensuite, il faudra que nous soyons suffisamment forts pour peser à l'échelle européenne, afin de prévenir les risques que vous venez de signaler, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir constaté que le Sénat était une chambre d'experts,...

M. Stéphane Le Foll, ministre. L'évidence s'impose !

M. Rémy Pointereau. ... mais je pense que vous le saviez déjà ! (Sourires.)

La loi sur les certificats d'obtention végétale, dont j'ai été le rapporteur, constitue une bonne boîte à outils pour protéger la recherche en création variétale. De fait, elle permet un accès totalement libre à ces variétés, de sorte que quiconque peut créer de nouvelles variétés à partir de variétés déjà commercialisées. Ainsi, tout le monde se trouve sur un pied d'égalité.

Au contraire, le système du brevet bloque l'accès aux variétés, empêchant la création de variétés nouvelles ; à la vérité, il n'est adapté que pour les OGM, qui sont de véritables inventions, puisqu'ils résultent de l'introduction dans un végétal d'un gène commandant, par exemple, un insecticide ou la résistance à un herbicide.

Il faut que les chercheurs, les sélectionneurs et les agriculteurs jouent gagnant-gagnant. Pour cela, il convient de favoriser la recherche, d'autant plus que la nécessité de nourrir la planète entraînera des besoins croissants. Il importe aussi que chaque acteur puisse percevoir une juste rémunération.

Le système de protection de l'obtention végétale encourage davantage la recherche variétale que le brevet : il permet de protéger sans confisquer !

- page 1677

Page mise à jour le