Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 21/02/2014
Question posée en séance publique le 20/02/2014
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le Premier ministre, nous avons, malheureusement, quatre ans de retard, quatre ans au moins.
M. Alain Fouché. Ça commence bien !
M. Jean-Vincent Placé. Je veux parler de la protection de la biodiversité !
L'Union internationale pour la conservation de la nature, l'UICN, avait fait démarrer en 2010 le « compte à rebours pour enrayer la perte de biodiversité ». Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Des grands prédateurs « la grande faune charismatique » aux insectes, tous mammifères, reptiles, poissons, oiseaux, végétaux... comptent des milliers d'espèces et de sous-espèces en voie de disparition. (Marques d'ironie sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Les écolos aussi !
M. Jean-Vincent Placé. Il s'agit d'une hécatombe silencieuse, et je ne suis pas sûr, chers collègues, qu'il y ait tant que cela matière à rire.
M. Alain Fouché. On ne rit pas, on écoute !
M. Jean-Vincent Placé. Sur plus de 71 000 espèces étudiées, plus de 21 000 figurent sur la liste rouge mondiale des espèces menacées établie par l'UICN.
La France, avec ses outre-mer, compte parmi les dix pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces menacées sur son territoire. Nous sommes les témoins d'un effondrement des dynamiques naturelles.
Aux esprits taquins que j'aperçois sur les rangs de l'opposition (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.), plus attentifs peut-être aux portefeuilles à court terme qu'à la beauté de la nature, et qui ne verraient dans ce sujet qu'une « danseuse » des écologistes, je rappellerai que ce sujet touche aussi la santé, l'alimentation et l'économie dans son ensemble.
La biodiversité rend des services innombrables : pollinisation, purification de l'eau, rafraîchissement de l'air...
Un sénateur du groupe UMP. C'est une question d'actualité ?
M. Jean-Vincent Placé. Si vous dégradez un milieu naturel ainsi que l'ensemble de ses fonctions, le service à financer pour le remplacer sera bien plus onéreux que le coût des aménagements nécessaires à sa préservation. Agissons donc pour cette « biodiversité positive ».
Il s'agit d'une responsabilité qui nous engage, et le Gouvernement le sait. J'en veux pour preuve les engagements qu'il a pris sur ce sujet, notamment celui de la création de l'Agence nationale de la biodiversité en 2014. C'est ce que vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, lors de la deuxième conférence environnementale. Nous en avons pris bonne note et je m'en réjouis.
Mme Catherine Procaccia. La question !
M. Jean-Vincent Placé. Vous l'avez compris, la biodiversité nous préoccupe et le temps presse. (Oui ! sur les travées de l'UMP.) Les associations s'inquiètent d'un agenda parlementaire chargé et veulent être rassurées sur le fait que cet enjeu sera examiné prochainement.
Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante
(Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Quelle impatience ! Il est vrai qu'après avoir fait si peu pendant dix ans, vous avez des raisons d'être impatients !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Vincent Placé. Qu'en est-il de la loi-cadre sur la biodiversité ? Quel en est le calendrier ? La représentation des associations de protection de l'environnement ne court-elle pas le risque d'être affaiblie dans ses instances de décision ? Quand l'Agence nationale pour la biodiversité verra-t-elle le jour et quels seront son périmètre et ses moyens ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 21/02/2014
Réponse apportée en séance publique le 20/02/2014
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Placé, votre question est tout à fait justifiée, et je vous remercie de me l'avoir posée... (Sourires.)
M. Alain Fouché. Vous pouvez donc faire preuve d'un minimum de gratitude !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. D'un maximum de gratitude ! (Nouveaux sourires.)
Si, depuis 1976, plusieurs lois ont contribué à la protection de la biodiversité, ce sera en effet la première fois qu'une loi y sera spécifiquement consacrée.
Vous l'appelez de vos vux et vous avez parfaitement raison. Vous savez que le Gouvernement accorde beaucoup d'importance à ce projet, qui permettra de promouvoir en France une vision dynamique de la biodiversité et de notre patrimoine naturel, aussi bien dans l'Hexagone que dans les outre-mer.
Le projet de loi, actuellement en cours d'examen au Conseil d'État, sera présenté par Philippe Martin en conseil des ministres au mois de mars prochain. Ce texte chemine donc de manière sûre, et le Gouvernement s'est engagé à ce qu'il soit examiné par le Parlement avant la fin du printemps.
Le premier objectif de ce projet de loi, monsieur le sénateur, sera de renforcer nos politiques de protection. Cela signifie de nouveaux moyens pour les parcs naturels régionaux et pour le Conservatoire du littoral, mais aussi de nouvelles réserves halieutiques et un meilleur encadrement des activités en mer.
Vous m'avez également interrogé sur la place des ONG dans ce processus : la concertation avec ces organisations est en effet absolument nécessaire, et elle est d'ores et déjà engagée. Chacun reconnaît que les ONG doivent trouver leur place dans le dispositif. Nous devons faire en sorte que les associations de protection, très nombreuses et très actives, disposent de la meilleure représentation possible, de même que les collectivités locales, sans oublier les acteurs économiques et scientifiques.
C'est la raison pour laquelle nous avons l'intention de créer un conseil unique chargé de la biodiversité, là où plusieurs instances agissent aujourd'hui, parfois sans cohérence, et sans que la loi leur confère un réel rôle d'accompagnement des décisions publiques. Ce regroupement devra se faire au niveau national, mais aussi au niveau régional.
Enfin, comme je l'ai annoncé lors de la conférence environnementale, nous allons reprendre un chantier qui avait été engagé par nos prédécesseurs, avant d'être finalement abandonné, celui de la création d'une agence française de la biodiversité, issue du rapprochement de plusieurs acteurs existants : c'est aussi une question de cohérence, d'efficacité et de bonne gestion des moyens.
Ainsi, l'Agence des aires marines protégées, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, le service du Muséum d'histoire naturelle et bien d'autres organismes contribueront à créer une agence forte, dotée d'environ 1 200 agents, qui auront les moyens de fournir aux acteurs non seulement les données, mais aussi l'expertise dont ils ont besoin pour faire des choix, notamment dans les territoires.
Cette agence sera en outre dotée des moyens financiers lui permettant de soutenir également des projets grâce au programme des investissements d'avenir. Je me souviens d'ailleurs, monsieur Placé, que vous aviez apporté votre concours à la réflexion qui avait précédé l'adoption du nouveau programme des investissements d'avenir : vous aviez plaidé pour des investissements susceptibles de soutenir des programmes d'accompagnement pour le maintien et la préservation de la biodiversité, mais aussi de la transition énergétique.
M. Alain Fouché. Ça peut ouvrir des perspectives, monsieur Placé ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L'ensemble est donc cohérent : la transition énergétique figure au cur du projet du Gouvernement, et la biodiversité en constitue également l'un des éléments prépondérants. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)
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