Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 27/03/2014
Mme Françoise Laborde attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la survivance en droit français du délit de blasphème dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Sur le reste du territoire, la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse a abrogé ce délit du droit français. Ce dernier est, de surcroît, contraire aux articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Cependant, depuis la rétrocession des départements d'Alsace-Moselle à la France, à l'issue de la Première Guerre mondiale, un droit local propre à ces trois départements a été créé. Ce régime juridique, issu principalement de la législation allemande et des lois françaises antérieures à 1870, prévoit notamment, à l'article 166 du code pénal d'Alsace-Moselle, qu'est passible d'un emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois ans, « celui qui aura causé un scandale en blasphémant publiquement contre Dieu par des propos outrageants, ou aura publiquement outragé un des cultes chrétiens ou une communauté religieuse établie sur le territoire de la Confédération ». Si ces dispositions n'ont pas été appliquées depuis 1918, il apparaît aujourd'hui que l'article 166 est invoqué dans certains contentieux. Or, si le droit français protège les victimes de discrimination, d'actes de haine ou de violence, en raison de leur appartenance religieuse, de leur origine, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, la persistance d'un délit de blasphème ne saurait venir limiter la liberté d'expression. Elle lui demande donc si le Gouvernement entend modifier, sur ce point, le droit local alsacien et mosellan.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/12/2015
Même si les dispositions de l'article 166 du code pénal allemand de 1871 réprimant le délit de blasphème avaient été provisoirement maintenues dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin par un décret du 25 novembre 1919, et qu'elles n'ont depuis lors jamais été expressément abrogées par le législateur, cet article n'est aujourd'hui plus applicable sur notre territoire. En effet, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012 dont il résulte que l'absence de version officielle en langue française d'une disposition législative est contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité de la loi, il a été procédé, par deux décrets n° 2013-395 du 14 mai 2013 et n° 2013-776 du 27 août 2013,à la publication au recueil des actes administratifs des préfectures de ces départements de la version officielle en langue française des lois et règlements locaux qui y avaient été maintenus en vigueur. La traduction de l'article 166 n'a toutefois pas été publiée, cette disposition, tombée par ailleurs en désuétude, devant en effet être regardée comme implicitement abrogée car contraire aux principes fondamentaux de notre droit. Du fait de cette absence de traduction, cet article ne peut dès lors plus être appliqué par les juridictions françaises dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.
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