Question de Mme BRUGUIÈRE Marie-Thérèse (Hérault - UMP-A) publiée le 08/05/2014
Mme Marie-Thérèse Bruguière attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les graves manquements dénoncés, le 23 avril 2014, par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, relatifs aux événements qui se sont déroulés au quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone. Ces violences qui impliquent des mineurs sont très sérieuses et inquiétantes. Face à ce phénomène, l'administration pénitentiaire semble désemparée. Aussi lui demande-t-elle les suites qu'elle entend donner, notamment sur deux recommandations du rapport touchant, l'une, à la prise en charge éducative et, l'autre, au nécessaire devoir d'alerte de l'autorité judiciaire.
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 21/05/2014
Réponse apportée en séance publique le 20/05/2014
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Madame la présidente, monsieur le ministre, je regrette que l'emploi du temps de Mme Taubira, garde des sceaux, ne lui ait pas permis d'être présente aujourd'hui pour répondre à cette question importante relative à la situation des mineurs emprisonnés.
En effet, à la suite des recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives au quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, dans l'Hérault, je souhaiterais revenir sur la situation des mineurs emprisonnés.
J'ai été choquée d'apprendre, comme beaucoup de personnes ayant suivi les informations, cette manifestation de violence gratuite dans une institution publique. Certes, je ne suis pas naïve et j'ai bien conscience que, si ces adolescents arrivent dans ces établissements, c'est qu'ils présentent des problèmes sérieux.
Toutefois, je rappelle que, entre janvier 2013 et février 2014, vingt-quatre cas de violences graves ont été recensés dans la cour de promenade des mineurs, dont 13 % ont moins de seize ans. Plus d'un tiers de ces faits impliquent des enfants arrivés la veille ou l'avant-veille dans l'établissement. Ces actes s'assimileraient donc à un rite de passage- presque un bizutage -, lors de l'entrée en prison.
Aussi, je souhaiterais faire deux remarques à la suite des recommandations que je viens d'évoquer.
En premier lieu, je considère qu'il est de mon devoir de relayer ces recommandations, pour qu'on ne puisse pas dire plus tard qu'on ne savait pas. Au demeurant, ce qui émane de ce rapport, c'est la difficulté d'obtenir les informations nécessaires à l'établissement des faits, comme si notre société s'était accoutumée à ces manifestations de violence et banalisait le recours par les mineurs à la brutalité. Faute de pouvoir remédier à ces situations, on les minimise, alors même que la persistance de pratiques violentes au sein de ces quartiers des mineurs met très sérieusement en péril l'intégrité corporelle des jeunes incarcérés. Une fois sortis de prison, certains d'entre eux restent traumatisés, ce qui peut compromettre leurs chances de réinsertion.
En second lieu, il semblerait que, face à ces manifestations de violence, les procédures mises à la disposition du personnel pénitentiaire soient inadaptées.
En effet, toujours d'après le rapport, il apparaîtrait que ces actes sont beaucoup plus nombreux que ceux qui sont dénoncés, car toutes les violences ne feraient pas l'objet d'un compte rendu d'incident. Comme je l'ai dit, les faits ont lieu hors des cellules, lors des déplacements dans la cour de promenade, placée sous caméra de surveillance fixe, mais sans personnel présent. Aussi, des témoignages recueillis établissent que de nombreux incidents pourraient échapper à la vigilance des gardiens.
De plus, les modalités d'intervention des surveillants, dont l'intégrité physique doit être préservée, sont lourdes et lentes. Les procédures disciplinaires sont trop longues, les délais de convocation devant la commission de discipline pouvant atteindre plusieurs mois, ce qui, compte tenu de la durée moyenne de détention des enfants, garantit l'impunité aux auteurs des violences.
Enfin, je sais que Mme la garde des sceaux a été destinataire de ce rapport ; elle a demandé qu'une enquête soit réalisée afin de connaître les dysfonctionnements de l'institution, ces faits n'étant malheureusement pas nouveaux puisqu'ils ont déjà été dénoncés en 2009 à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône. Aussi, je serai particulièrement attentive à la suite que vous apporterez à au moins deux des recommandations de ce rapport.
La première concerne la prise en charge éducative de ces enfants, qui doit inclure une éducation aux règlements, au respect mutuel, ainsi qu'une incitation aux dénonciations de toutes ces pratiques et rites d'un autre âge.
La seconde recommandation a trait à la question du signalement à l'autorité judiciaire par les médecins ayant constaté les conséquences corporelles d'agressions. La possibilité offerte aux médecins de signaler les cas de sévices ou de mauvais traitements devrait être une obligation s'agissant des enfants incarcérés, isolés de leurs familles et, pour beaucoup, ayant peur de se plaindre. Il s'agit de lutter contre ce sentiment de résignation face aux agressions constatées au motif que ces enfants seraient naturellement portés à la violence.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Benoît Hamon,ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de Mme la garde des sceaux qui regrette de ne pouvoir être présente ce matin au Sénat et m'a demandé de vous faire part de sa réponse.
À la suite des événements survenus dans le quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, il n'est pas question pour le Gouvernement de chercher à relativiser, à dissimuler ou à banaliser les faits de violence constatés.
Aussi, par courrier en date du 25 avril 2014, Christiane Taubira a répondu au Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour lui indiquer les initiatives qu'elle avait prises afin de répondre à la gravité de la situation dans ce quartier marqué par des violences commises entre mineurs détenus, que vous avez, à juste titre, signalées.
Mme la garde des sceaux a saisi, dès le 17 avril, les inspections des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse, pour répondre rapidement à la situation de ce site. Sans attendre les conclusions de cette mission qui a débuté, et pour prévenir toute situation de violence, des dispositions ont été prises sur la cour de promenade : modification du planning, un créneau horaire étant désormais réservé aux seuls arrivants, de façon à réduire les tensions et d'éviter tout passage à l'acte violent ; travaux de sécurisation pour éviter tout contact entre majeurs et mineurs et sécuriser la cour des mineurs ; présence de personnels, puisqu'un gradé sera très prochainement affecté dans ce quartier pour asseoir l'autorité d'un membre de l'encadrement.
De plus, dans l'attente de l'ouverture du quartier des mineurs de vingt-cinq places à la maison d'arrêt d'Aix-Luynes, prévue fin 2015, Mme la garde des sceaux a décidé d'ouvrir temporairement un quartier pour mineurs au centre pénitentiaire de Toulon-la-Farlède de vingt-cinq places, dès juillet 2014, afin de remédier au manque de places pour mineurs dans les établissements du grand Sud-Est, qui contribue inévitablement à aggraver les tensions.
Concernant les deux recommandations qui vous préoccupent tout particulièrement, sachez d'abord que, pour mettre un terme au sentiment d'impunité qui pourrait régner parmi les jeunes détenus, Mme la garde des sceaux a fait mettre en place une commission de discipline spécifique pour les mineurs détenus, pilotée par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse, qui agit désormais en temps réel.
Parallèlement, le procureur de la République de Montpellier veille à ce qu'une enquête pénale soit systématiquement diligentée à la suite de la commission d'une infraction pénale caractérisée. La réponse pénale est empreinte de la plus grande efficacité dès lors que les auteurs sont identifiés.
Ma collègue Christiane Taubira est aussi consciente du travail éducatif à mener auprès des mineurs. C'est pourquoi la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse continuera à uvrer dans ce sens non seulement au moyen d'entretiens éducatifs et d'activités portant sur des questions essentielles comme le respect de l'autre, la distinction entre l'auteur et la victime, ou encore les addictions, en lien avec les associations compétentes dans ce domaine, mais également grâce à un important travail réalisé avec les familles, dans les locaux administratifs et au domicile familial.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse sur un sujet aussi difficile. Mon collègue Robert Tropeano, ici présent, et moi-même, tous deux élus du département de l'Hérault, espérons maintenant des solutions, lesquelles passent, comme vous l'avez dit, par le respect de l'autre et une grande implication dans l'éducation de ces jeunes. Nous resterons vigilants sur ce dossier.
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