Question de Mme GARRIAUD-MAYLAM Joëlle (Français établis hors de France - UMP) publiée le 29/05/2014
Mme Joëlle Garriaud-Maylam interroge M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la compatibilité avec le respect du droit de vote des Français de l'étranger du dispositif visant à éviter le double vote dans l'Union européenne.
À moins d'une semaine de l'élection européenne, des milliers de Français résidant dans un État tiers de l'Union européenne ont reçu de leur consulat un message les informant qu'ils ne seraient pas en mesure de voter pour une liste française, étant enregistrés par leur pays de résidence comme votant pour une liste locale. Nombre d'entre eux s'étaient pourtant bien inscrits auprès de leur consulat avant la date limite du 31 décembre 2014, pour voter pour une liste française.
Cette situation ubuesque s'explique par le manque de coordination des États membres en matière électorale. Des Français votant aux élections locales dans leur État de résidence auraient ainsi été inscrits, contre leur gré, sur ces listes électorales locales pour les élections européennes.
Au titre de l'article 2 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 les électeurs français qui sont admis à exercer leur droit de vote dans un autre État de l'Union européenne ne participent ni au scrutin en France, dans le lieu où ils peuvent avoir une résidence secondaire et voter pour les élections locales, ni à celui organisé dans les postes consulaires. En application de l'article 13 de la directive 93/109/CE du Conseil, du 6 décembre 1993, c'est l'État membre de résidence qui transmet à l'État d'origine les informations relatives aux ressortissants inscrits sur les listes électorales, ce dernier étant tenu de prendre les mesures appropriées afin d'éviter le double vote.
Le travail de coordination des listes électorales à l'échelle européenne est rendu difficile par la non-coïncidence des dates de clôture des listes électorales. Pour les élections européennes de mai 2014, les listes électorales françaises ont été arrêtées au 31 décembre 2013, tandis qu'il était encore possible de s'inscrire début mai en Allemagne ou au Royaume-Uni.
Afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise, elle demande une harmonisation des dates de clôture des listes électorales à l'échelle européenne, suffisamment en amont du scrutin pour permettre la coordination internationale et l'information des électeurs.
Si l'inscription sur une liste électorale de l'État de résidence prime sur l'inscription sur la liste électorale consulaire (LEC), elle estime aussi qu'il est de la responsabilité du réseau consulaire français d'informer les électeurs de cette spécificité suffisamment en amont de la date de clôture des listes.
Enfin, elle demande qu'un mécanisme soit mis en place, en coordination avec les autorités locales des autres États membres, pour permettre la réintégration sur la LEC, le jour du vote, de Français s'engageant à ne pas voter dans leur État de résidence pour les élections européennes.
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Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international publiée le 03/07/2014
Les élections européennes organisées dans le réseau consulaire français les 24 et 25 mai 2014 ont mis en évidence l'insuffisance du dispositif de prévention du double vote prévu par la directive européenne du 6 décembre 2013. À défaut d'une mise en commun des listes électorales européennes et d'une synchronisation de leurs dates de clôture, il paraît impossible d'éviter un certain nombre de situations de déni de droit de vote. Au surplus, l'examen des recours a montré que certaines mentions « vote localement », apposées sur les listes électorales consulaires (LEC) à la demande de l'INSEE, ne se référaient pas à une inscription sur la liste complémentaire de l'État de résidence actuelle de l'électeur, mais résultait de son inscription dans un autre État membre, où il avait résidé antérieurement et où il avait été inscrit, parfois à son insu, sur la liste complémentaire locale. Ce défaut d'actualisation des listes destinées aux étrangers communautaires n'est pas imputable aux autorités françaises. Il peut parfois résulter d'un manque d'information des électeurs par leur État de résidence, ou d'un oubli de ces derniers de signaler leur départ. Ce dernier cas de figure est celui qui avait généré, à l'occasion des deux dernières élections présidentielles, le recours à une procédure dérogatoire d'urgence permettant à des expatriés de retour en France, de voter dans leur mairie après avoir été inscrits sur la LEC. Par ailleurs, autant le droit électoral français prévoit des voies de recours en cas de contentieux sur les listes électorales, autant le dispositif européen prive l'électeur de toute possibilité de faire rectifier sa situation, le tribunal d'Instance du 1er arrondissement de Paris, compétent pour ordonner des inscriptions sur la LEC, ne disposant d'aucune compétence pour intervenir sur les mentions relatives à des électeurs déjà inscrits sur ladite LEC. L'imperfection de ce dispositif, la diversité des droits électoraux dans l'Union européenne, l'impossibilité de prévenir le double vote pour les nombreux binationaux, mises en regard avec un taux d'abstention historiquement élevé (91 % dans l'UE), amènent à s'interroger sur le principe même de permettre aux Français installés en Europe de voter pour des députés de la région Paris-Île-de-France. Dans un esprit européen assumé, il serait sans doute plus approprié de les inviter à voter là où ils ont choisi de mener leur vie professionnelle et familiale et de participer à l'économie du pays.
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