Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 13/06/2014

Question posée en séance publique le 12/06/2014

Concerne le thème : Les territoires ruraux et la réforme territoriale

M. Jacques Mézard. C'est à la demande du RDSE que la conférence des présidents a accepté d'inscrire à l'ordre du jour des travaux du Sénat les questions cribles thématiques sur les territoires ruraux et la réforme territoriale.


M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !


M. Jacques Mézard. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, la question est de savoir comment vous entendez concilier la fusion des régions, laquelle entraîne l'éloignement des métropoles pour nombre de territoires, avec le besoin de proximité, d'autant que vous proposez en même temps la suppression des conseils généraux. Ce type de proposition est assez surréaliste ! Vous savez que, dans nos territoires, le sentiment d'abandon est de plus en plus prégnant.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai lu dans le journal La Montagne paru ce jour que, selon vous, tous les parlementaires auvergnats étaient favorables à la fusion de la région Rhône-Alpes avec l'Auvergne. Je suis là, en face de vous, et je tiens à vous dire que ce n'est pas vrai !

Vous avez aussi affirmé que, les moyens de communication évoluant, les distances se raccourcissent. Mais si votre projet voit le jour, en tant que président de la communauté d'agglomération du Bassin d'Aurillac, je puis vous dire que la préfecture d'Aurillac sera à dix heures cinquante-deux aller-retour de la métropole régionale par le train et à plus de huit heures aller-retour par la route…

Par ailleurs, bien que vous soyez toujours président de conseil général, vous avez également reconnu que les petits départements comme les nôtres, qui intéressent peu, n'auraient plus que deux conseillers régionaux sur cent cinquante. Il y aura donc un conseiller UMP et un conseiller PS !


M. Jean-Claude Lenoir. Peut-être même deux conseillers UMP !


M. Jacques Mézard. Peut-être, mon cher collègue ! En tout cas, ce n'est même plus la peine d'aller voter !

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, vous ne pouvez pas soutenir que vous vous préoccupez de ces territoires dits « ruraux », qui comportent d'ailleurs des zones urbaines.

Face à cette véritable difficulté, nous avons besoin de véritables réponses. Cette réforme ne fera pas réaliser d'économies, n'assurera pas la proximité ; in fine, c'est l'assurance que ses dispositions concernant les départements ne verront pas le jour. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale publiée le 13/06/2014

Réponse apportée en séance publique le 12/06/2014

M. André Vallini,secrétaire d'État. Monsieur Mézard, sachez tout d'abord que je ne suis plus président de conseil général : j'ai démissionné, et mon successeur sera élu la semaine prochaine.

S'agissant ensuite de l'article de presse que vous avez cité, j'ai parlé des« députés » à la journaliste ; par extension, elle a dû comprendre les« parlementaires ». En effet, tous les députés auvergnats sont favorables à la fusion de l'Auvergne avec la région Rhône-Alpes, y compris M. Chassaigne. Le maire de Clermont-Ferrand, qui n'est pas parlementaire, y souscrit également.

Cela étant, la réforme territoriale que Marylise Lebranchu et moi-même préparons, à la demande de M. le Premier ministre, vise trois objectifs : plus de clarté, plus de compétitivité, plus de proximité.

La clarté, tout d'abord : l'organisation territoriale de notre pays a vieilli, elle est devenue complexe et les citoyens ne s'y retrouvent plus. C'est une exigence démocratique que d'avoir une organisation territoriale plus claire, permettant au citoyen de savoir qui fait quoi, qui finance quoi.

La compétitivité, ensuite : des régions plus grandes, disposant d'un poids démographique et économique plus élevé, seront mieux à même de jouer leur rôle dans la compétition européenne, voire mondiale. Grâce aux compétences que nous allons leur conférer, notamment le développement économique, l'aide aux entreprises, l'aide à l'innovation ou encore les transports - y compris les routes -, elles seront mieux armées pour affronter cette compétition.

La proximité, enfin : en l'occurrence, nos préoccupations se rejoignent, monsieur le sénateur. Mon département comprend également des territoires ruraux qui s'organisent depuis vingt ans autour d'intercommunalités qui grandissent, qui ont déjà grandi à la suite de la dernière loi, et qui vont encore croître. Toutefois, le seuil de 20 000 habitants envisagé sera sans doute aménagé à l'égard des territoires les plus enclavés et les moins peuplés, particulièrement les territoires de montagne.

En réalité, c'est la montée en puissance des intercommunalités qui a tout changé, et qui a remis en cause la pertinence de l'échelon départemental. Jean-Pierre Bel l'a dit : il faut supprimer les conseils généraux, à condition de ne pas les remplacer par rien.

Avec d'autres, nous réfléchissons à la mise en place d'une fédération d'intercommunalités, d'un conseil de communautés ou d'une assemblée de communautés. Cette idée date du rapport Mauroy de 2000.

M. Philippe Adnot. Incroyable !

M. René-Paul Savary. Ça fait encore un échelon !

Mme Catherine Procaccia. Encore des structures supplémentaires !

M. André Vallini,secrétaire d'État. Non ! Il s'agirait simplement de regrouper les communautés de communes pour qu'elles s'organisent entre elles et fassent jouer la solidarité entre celles qui sont favorisées et celles qui le sont moins. Nous avons quatre ans pour réfléchir au remplacement des conseils généraux par ces structures de solidarité territoriale.

Mme Catherine Procaccia. Et pour renforcer le millefeuille...

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.

M. Jacques Mézard. Inutile de dire que je ne suis pas convaincu par vos explications, monsieur le secrétaire d'État !

Mme Catherine Procaccia. Nous non plus !

M. Jacques Mézard. Vous voulez davantage de simplicité, de clarté. Nous aussi ; nous l'avons toujours dit.

Dans cette enceinte même, j'ai voté contre le rétablissement de la clause de compétence générale voilà quelques mois. Aujourd'hui, vous proposez l'inverse. En termes de cohérence, c'est original !

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Même les politiques changent d'avis !(Sourires.)

M. Jacques Mézard. Il n'en demeure pas moins, monsieur le secrétaire d'État, que vous n'avez pas répondu au fond de la question : où sera donc la proximité si les métropoles régionales sont extrêmement éloignées de certains territoires et si vous supprimez les conseils généraux ? Vous nous parlez de regroupements d'intercommunalités : je suis président d'agglomération, je connais le sujet.

J'ai proposé, ici même, au nom de mon groupe, un système pour élire les conseillers départementaux sur la base des intercommunalités. Vous vous y êtes opposé, voilà moins d'un an. Là encore, il s'agit d'une contradiction !

Nous avons besoin d'objectifs clairs et lisibles. Or, pour l'instant, tel n'est pas le cas. Je tenais à vous le dire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

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