Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 19/06/2014
Mme Françoise Laborde attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'urgence d'ouvrir un travail de consultation et de réflexion en vue d'instaurer le vote obligatoire. En effet, depuis plus de trente ans, en France, les élections se succèdent et le camp des abstentionnistes représente désormais celui de la majorité silencieuse, celle des citoyens français inscrits sur les listes électorales et qui ne se déplacent pas pour participer au vote, notamment les plus jeunes. Le droit de vote, pourtant, est constitutif de toute démocratie et il a été instauré de haute lutte.
Une question se pose aujourd'hui : faut-il interpréter ce fort taux d'abstention comme un signe de satisfaction, d'indifférence ou plutôt de protestation face à l'offre politique ? C'est le grand défi qui se pose aux démocraties, dans la durée.
L'abstention n'a cessé de progresser, dans notre pays, depuis trente ans, pour atteindre cette année 57 % aux élections européennes et 38 % aux élections municipales, pour ne prendre que ces deux exemples. Plus inquiétant encore, cette hausse semble aller de pair avec celle des inégalités sociales et territoriales.
Cette situation traduit une distorsion entre les citoyens et leur représentation, véritable crise de confiance vis-à-vis des élus qui la composent, tant à l'échelle parlementaire que territoriale.
Afin de surmonter cette crise de représentativité et de « rétablir la pleine légitimité démocratique» des élus, aux yeux de ceux qu'ils représentent, il est de la responsabilité du législateur d'interroger le Gouvernement sur ses intentions pour mettre en place des solutions qui permettent d'identifier les causes de cette situation, d'en prendre la juste mesure et d'y apporter une réponse institutionnelle. Il faut sortir de cette impasse.
Après avoir adopté des dispositions législatives tendant à faire davantage reconnaître le vote blanc, avec la loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections, appliquée pour la première fois lors des élections européennes du 25 mai 2014, il faut désormais franchir un pas supplémentaire dans la modernisation de notre représentativité démocratique et rendre leur voix à ceux qui préfèrent l'abstention, en indiquant si, plus qu'un droit, le vote doit devenir un devoir civique et s'il faut instaurer un vote obligatoire, avec quelles sanctions et pour quel scrutin (européen, présidentiel, législatif, territorial).
C'est pourquoi, consciente que cette mesure ne résoudra pas tous les maux, elle lui demande cependant d'ouvrir une réflexion, sous forme de mission, par exemple, afin de dresser des pistes pour instaurer un vote obligatoire dans notre pays et de clarifier les équilibres démocratiques en présence.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/09/2014
Le débat sur le vote obligatoire est récurrent, une proposition de loi visant à rendre obligatoire l'exercice du droit de vote ayant en dernier lieu été déposée en ce sens à la présidence du Sénat le 6 juin 2014. À l'exception des élections sénatoriales, le suffrage n'est pas obligatoire en France. Seul son caractère toujours universel, égal et secret est affirmé par l'article 3 de la Constitution. L'exercice du droit de vote est une faculté laissée à l'appréciation des citoyens. Il s'agit d'une tradition républicaine et démocratique française qu'il n'est pas envisagé de remettre en question. En effet, les citoyens ne disposent pas seulement du droit de vote, ils disposent de son corollaire, le droit de s'abstenir de voter, qui constitue une forme de liberté d'expression. Par ailleurs, si certains pays comme la Belgique l'ont adopté, l'instauration du suffrage obligatoire en France soulèverait des difficultés particulières, dans son principe comme pour son application. Les sanctions dont il serait assorti, bien souvent pécuniaires comme prévues par la proposition de loi susvisée, seraient probablement rarement mises en uvre. Il en va ainsi en Belgique où aucun parquet ne poursuit les citoyens qui n'accomplissent pas leur devoir d'électeur, en raison notamment de l'encombrement des tribunaux. De plus, il apparaît que, dans les pays où le vote est obligatoire, une proportion importante d'électeurs persiste à s'abstenir de voter. Le vote obligatoire ne permet donc pas de résoudre le problème de la non-participation de nombreux citoyens à la vie politique, ce qui conduit certains pays à se poser la question de son maintien (c'est le cas de la Belgique) et d'autres à en décider la suppression (Italie).
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