Question de M. BAILLY Gérard (Jura - UMP) publiée le 17/07/2014
M. Gérard Bailly appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'évolution inquiétante de l'indifférence des citoyens lors de dramatiques faits divers où des victimes sont agressées, violées ou tuées, sans que les personnes présentes sur les lieux n'interviennent en aucune façon. À l'individualisme et à la peur s'ajoute le manque de confiance des citoyens dans l'institution judiciaire : de nombreux cas d'actualité ayant montré, en effet, que porter secours peut déclencher de nombreux ennuis judiciaires (garde à vue, mise en examen) si l'agresseur porte plainte en cas de blessures. Tout cela encourage la déresponsabilisation collective. Afin de ne pas décourager nos compatriotes, la protection juridique dont ils bénéficient devrait être renforcée et une évolution des textes sur la légitime défense en général, et plus particulièrement celle d'autrui, devrait être envisagée (articles 122-5 et 223-6, alinéa 2 du code pénal) : la présomption de légitime défense pourrait renverser la charge de la preuve au profit de celui qui intervient pour porter secours à la victime d'une agression.
Il lui demande ce qu'elle pense de ces suggestions et ce qu'elle entend faire pour conforter nos concitoyens dans leur devoir d'intervenir pour la défense d'autrui.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/09/2014
La loi favorise et protège toute tentative d'un tiers de porter secours à une personne agressée. L'incitation législative est illustrée par l'existence du délit de non-assistance à personne en danger ou omission de porter secours prévue par l'article 223-6 du code pénal qui sanctionne d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75000 euros quiconque qui, sans risque pour lui ou pour les tiers, s'abstiendrait volontairement d'empêcher un délit contre l'intégrité corporelle d'une personne. La protection de tout individu qui, mu par le civisme, tenterait d'empêcher une agression dont il serait témoin, est en outre assurée par le régime de la légitime défense. Cette cause d'irresponsabilité pénale assure en effet l''impunité de celui qui, pour repousser une agression actuelle et injuste le menaçant ou menaçant autrui, est amené à commettre une infraction lésant l'auteur du péril. Comme pour toutes les causes d'irresponsabilité pénale, il incombe en principe à la personne poursuivie de démontrer qu'elle a agi en état de légitime défense. Le ministère public qui a pour tâche de démontrer, le cas échéant, l'existence des éléments matériels et intellectuels indispensables à la caractérisation de toute infraction devra, dans pareille hypothèse, répondre à l'argumentation de la défense qui arguerait de la légitime défense pour justifier le comportement poursuivi. Ce n'est que de manière exceptionnelle et pour épouser des situations qui correspondent a priori à des atteintes injustifiées dont il est légitime de se défendre que le législateur a édicté une présomption de légitime défense à l'article 122-6 du code pénal. Ne cédant que face à la preuve contraire, celle-ci vise deux hypothèses spécifiques : pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Cette présomption se justifie aisément par le fait que les circonstances mêmes des faits notamment le lieu où ils sont commis (domicile de la personne arguant de la légitime défense) sont de nature à limiter grandement toute contestation éventuelle sur la réalité de la légitime défense. Ce raisonnement ne saurait cependant prévaloir pour les autres types d'agressions lesquels demeurent soumis au régime général prévu à l'article 122-5 du code pénal. Cette distinction légalement définie fut le fruit de débats doctrinaux et d'une longue évolution jurisprudentielle finalement consacrée par le code pénal en 1994.
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