Question de M. LENOIR Jean-Claude (Orne - UMP) publiée le 18/09/2014
M. Jean-Claude Lenoir attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les incidences, potentiellement considérables pour l'avenir, de la décision n° 2014-405 que le Conseil constitutionnel a rendue le 20 juin 2014 en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la répartition des sièges au sein des assemblées intercommunales.
Il résulte de cette décision que les dispositions de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui autorisaient les communes à procéder à une répartition sur le fondement d'un accord local sont contraires à la Constitution. Or, la solution de l'accord local a été massivement privilégiée par les élus locaux puisque 90 % des communautés ont vu leur assemblée recomposée selon ce fondement en 2013.
En effet, cette méthode a souvent été utilisée soit pour permettre aux communes les moins peuplées de conserver deux représentants, soit pour renforcer le poids des communes intermédiaires qui avaient une population trop peu importante par rapport à la commune centre et qui se trouvaient, de ce fait, pénalisées par une répartition des sièges à la proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne. Suite à la décision du juge constitutionnel, de telles corrections seraient dorénavant impossibles en l'état actuel des textes, ce qui serait préjudiciable au fonctionnement harmonieux de nombre d'assemblées intercommunales ayant opté pour la solution de l'accord local.
C'est la raison pour laquelle il convient dès à présent d'envisager des adaptations aux dispositions législatives en vigueur afin de réintroduire une certaine souplesse dans la répartition des sièges au sein des assemblées intercommunales dans l'avenir, comme le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale l'a envisagé dans la réponse qu'il a apportée à la question d'actualité au Gouvernement posée au Sénat le 17 juillet 2014. La jurisprudence antérieure offre à cet égard plusieurs pistes susceptibles d'être explorées.
C'est pourquoi il souhaiterait connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour asseoir sur des considérations d'intérêt général des modalités de composition des assemblées intercommunales qui soient dérogatoires à la répartition à la proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger publiée le 15/10/2014
Réponse apportée en séance publique le 14/10/2014
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de saluer votre présence, pour la première fois, au fauteuil de la présidence, de même que celle de M. Matthias Fekl, qui intervient également pour la première fois au nom du Gouvernement dans cet hémicycle.
Ma question porte sur les conditions dans lesquelles s'organise l'intercommunalité. Comme vous le savez, mes chers collègues, la loi du 16 décembre 2010 prévoit que les sièges des assemblées communautaires peuvent être répartis sur la base d'un accord local. En l'absence d'accord, les dispositions législatives s'appliquent.
De fait, en 2013, lors du renouvellement des assemblées communautaires qui a fait suite à la recomposition des communautés de communes, 90 % de ces assemblées ont été reconstituées sur la base d'un accord local. Or la disposition législative permettant ces accords a été déclarée inconstitutionnelle par le Conseil constitutionnel - je ne porte évidemment aucun jugement sur cette décision -, ce qui crée malheureusement une situation très difficile au sein des communautés de communes.
En effet, l'accord local n'étant plus possible, il faudra appliquer la loi de manière très stricte dès le prochain renouvellement des conseils communautaires. Certaines communes seront ainsi privées du droit de conserver un ou deux représentants au sein du conseil communautaire, et nous y voyons une atteinte au principe selon lequel tout le territoire d'une communauté de communes doit être représenté de façon satisfaisante au sein du conseil.
J'ai entendu dire que cette décision ne s'appliquerait qu'en 2020. Or je n'en suis pas sûr. En effet, un projet de loi qui devrait prochainement être discuté par le Parlement prévoit une nouvelle composition des communautés de communes. Lorsque cette disposition aura été adoptée, il faudra bien procéder à un renouvellement des instances communautaires : ce sera avant 2020, sans doute dès l'année prochaine ! Il est donc urgent de régler ce problème.
J'ai été particulièrement heureux de lire dans la presse que M. le Premier ministre avait déclaré, devant la convention nationale de l'Assemblée des communautés de France, réunie la semaine dernière, qu'il allait consulter le Conseil d'État sur la proposition de nos collègues de la commission des lois MM. Jean-Pierre Sueur et Alain Richard. Il s'agit d'une base de réflexion sur laquelle nous pouvons nous pencher, mais il y a vraiment urgence à légiférer, monsieur le secrétaire d'État !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Matthias Fekl,secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger.Monsieur le sénateur Jean-Claude Lenoir, vous avez interrogé le ministre de l'intérieur, qui vous prie d'excuser son absence ce matin, sur la décision dite Commune de Salbris rendue le 20 juin 2014 par le Conseil constitutionnel, qui a déclaré contraires à la Constitution les dispositions relatives aux accords locaux de composition des conseils communautaires des communautés de communes et des communautés d'agglomération. Vous venez d'ailleurs de nous présenter une analyse de cette décision.
Si le Conseil constitutionnel a jugé que l'accord local était insuffisamment encadré pour garantir le respect du principe d'égalité devant le suffrage, la modulation dans le temps de cette annulation a permis d'éviter la remise en cause des résultats des élections municipales et communautaires de cette année.
Le Gouvernement a par ailleurs adressé des instructions aux préfets leur précisant la procédure à suivre pour la modification de la composition des conseils communautaires, dans le but d'accompagner les élus locaux, sur le terrain, compte tenu des nombreuses interrogations suscitées par cette décision du Conseil constitutionnel.
Au-delà de cet accompagnement nécessaire, le Gouvernement est attaché à conserver la possibilité d'accords locaux sur la composition des instances des communautés de communes ou d'agglomération. Tout en respectant la décision du Conseil constitutionnel, il convient d'accorder plus de souplesse aux élus, car la possibilité de nouer des accords locaux de représentation est en effet une condition de l'efficacité de l'intercommunalité. Le Premier ministre l'a d'ailleurs lui-même rappelé lors de la convention nationale de l'Assemblée des communautés de France, l'AdCF, le 9 octobre dernier.
Un nouveau dispositif compatible avec les exigences de la décision du Conseil constitutionnel relatives au respect du principe d'égalité de suffrage doit donc être élaboré. La proposition de loi déposée en ce sens par vos collègues Alain Richard et Jean-Pierre Sueur sera examinée demain par la commission des lois et la semaine prochaine en séance publique.
Afin qu'une solution présentant toutes les garanties juridiques puisse être adoptée à brève échéance, le Gouvernement envisage de saisir le Conseil d'État d'une demande d'avis relative à l'interprétation de la décision du Conseil constitutionnel. Je ne doute pas que ces éléments nous permettront d'éclairer les débats qui auront lieu au sein de votre assemblée et d'aboutir à un dispositif sûr et pérenne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le secrétaire d'État, je ne voudrais pas surestimer le poids de mes initiatives, mais je constate avec plaisir que le dépôt de cette question est à l'origine d'un certain nombre de mesures destinées à corriger le problème que j'ai soulevé !
Plus sérieusement, je suis heureux que vous ayez confirmé devant nous les déclarations de M. le Premier ministre devant la conférence nationale de l'Assemblée des communautés de France, car l'avis du Conseil d'État sera extrêmement important.
Je dirai, pour être tout à fait clair, que nous avons collectivement commis une erreur, lors de la discussion de la loi du 16 novembre 2010, en décidant que la représentation au sein des conseils communautaires devait « tenir compte » de la population, alors qu'il aurait fallu préciser qu'elle était établie « en fonction » de la population. D'un point de vue strictement juridique, cette différence dans la formulation est très importante, avec les conséquences que l'on sait.
J'ajoute que la disposition de la loi du 16 décembre 2010 en cause n'avait pas été censurée par le Conseil constitutionnel. C'est sur l'initiative de Salbris, dans le Loir-et-Cher, commune qui a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, que le Conseil constitutionnel a été amené rétroactivement à la juger inconstitutionnelle. L'affaire étant jugée, je ne ferai pas de commentaire, même si nous sommes nombreux à regretter les conséquences de cette décision. J'apprécie donc que des initiatives fortes soient prises pour nous permettre de corriger bientôt ce problème !
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