Question de M. BOSINO Jean-Pierre (Oise - CRC) publiée le 17/10/2014

Question posée en séance publique le 16/10/2014

M. Jean-Pierre Bosino. Mon intervention s'inscrit dans le droit fil de la question précédente. Le Gouvernement est à la recherche de nouveaux financements à la suite de la disparition de l'écotaxe. Une évidence s'impose : la privatisation des autoroutes a amputé l'État d'une ressource importante. Elle a constitué une faute politique et financière, largement reconnue, y compris dans cet hémicycle. Pourtant, lors de la discussion de notre proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes, le 19 juin dernier, seul le groupe écologiste a soutenu notre texte.

Vous semblez aujourd'hui reconnaître que cette privatisation a permis la création d'une rente privée lucrative, qui s'accompagne d'une hausse continue du tarif des péages et de suppressions d'emplois. Le manque à gagner pour les finances publiques sera de l'ordre de 37 milliards d'euros d'ici à 2032, autant d'argent qui aurait dû financer l'amélioration des infrastructures et, donc, les conditions de transport des usagers. Cet argent va aujourd'hui dans les poches des actionnaires de Vinci, d'Eiffage et autres. Il est temps que cesse ce racket !

Le Gouvernement évoque la possibilité de renégocier ces concessions pour mettre à contribution ces sociétés. Juridiquement ce projet est difficile – plusieurs ministres l'ont rappelé. En effet, les contrats sont bien ficelés, et les efforts demandés aux concessionnaires se traduiront par des exigences en termes de compensations. Nous craignons donc que le fait de limiter le débat à la seule renégociation ne condamne les pouvoirs publics à l'inaction. Seule la nationalisation apporterait la clarté politique, mais aussi la sécurité juridique.


M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. On se croirait en 1981 !


M. Jean-Pierre Bosino. De la même manière, nous ne pouvons admettre que l'écotaxe, qui comblait le déficit lié à la privatisation des autoroutes, soit à son tour remplacée par une augmentation de la fiscalité sur le diesel, comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, faisant peser une nouvelle fois le financement des revendications du patronat principalement sur les ménages. Est-ce cela une politique de gauche ?

Votre ministre de tutelle a promis « d'aller jusqu'au bout des décisions à prendre » : allez-vous, enfin, envisager une renationalisation des concessions autoroutières ? Et ne nous dites pas qu'une telle décision aggraverait les finances publiques ! Vous le savez, l'investissement public a toujours été le gage des progrès économiques et sociaux, contrairement à la philosophie du nouveau plan de libéralisation porté par Bercy. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 17/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2014

M. Alain Vidalies,secrétaire d'État. Le 24 juillet 2013, la Cour des comptes a présenté un rapport spécifique sur les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes. La Cour constatait « des rapports déséquilibrés au bénéfice des sociétés concessionnaires », « des hausses des tarifs des péages nettement supérieures à l'inflation » et« le caractère contestable des hausses tarifaires issues des contrats de plan ».

Le 18 septembre dernier, l'Autorité de la concurrence a souligné « la rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque » en l'assimilant à une rente. Cette autorité relève que, sur 100 euros de péage payés par l'usager, entre 20 et 24 euros sont du bénéfice net pour les concessionnaires. Elle formule treize recommandations, dont les deux suivantes : améliorer les conditions de la concurrence dans les appels d'offres des concessionnaires et introduire des clauses de réinvestissement et de partage des bénéfices au bénéfice de l'État.

Le Gouvernement a déjà limité au maximum la hausse tarifaire en 2014 à la suite du rapport de la Cour des comptes, puisque l'augmentation a été de 1,15 %, contre 2,3 % en moyenne jusqu'en 2012. Nous avons augmenté de 100 millions d'euros la redevance domaniale dès 2013, soit une hausse de 50 %.

Actuellement, vous le savez, monsieur le sénateur, à l'Assemblée nationale, une mission d'information travaille sur cette question et devrait publier son rapport aux alentours du 15 novembre. Le Gouvernement entend tirer toutes les conséquences de l'avis émis par l'Autorité de la concurrence. Une première rencontre avec les sociétés d'autoroutes est intervenue cette semaine sous la présidence et l'autorité du Premier ministre. Une chose est certaine : le Gouvernement ne restera pas sans tirer les conséquences de cet avis. Il fera connaître son choix à l'issue de la concertation engagée, avec l'objectif de préserver les intérêts de l'État, des usagers et de favoriser l'investissement, créateur d'emplois. (Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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