Question de M. KAROUTCHI Roger (Hauts-de-Seine - UMP) publiée le 31/10/2014

Question posée en séance publique le 30/10/2014

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, permettez-moi d'abord de saluer la dignité de la réponse de M. le ministre de l'intérieur.

Ma question, qui s'adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics, porte sur le même sujet que celle de notre collègue Thierry Foucaud, mais je ne m'exprimerai pas exactement dans les mêmes termes…


Mme Éliane Assassi. Cela nous rassure ! (Sourires.)


Mme Cécile Cukierman. En effet !


M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, vous avez été franchement maître d'œuvre, après une lettre prétendument banale de la Commission européenne, qui soulignait le dérapage du budget de la France pour 2015.

Vous avez aussitôt trouvé 3,6 milliards d'euros, non pas d'économies – n'exagérons rien ! –, mais au titre du produit de la lutte contre la fraude fiscale et de la baisse des taux d'intérêt.

Vous mettiez à l'instant en avant la souveraineté du Parlement, mais vous avez trouvé ces 3,6 milliards d'euros après le vote du budget par l'Assemblée nationale, à laquelle vous aviez caché qu'il existait encore des marges pour réduire le déficit de 2015 ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je ne connais pas le commissaire européen Jyrki Katainen – il commence toutefois à être connu –, mais cet homme a assurément beaucoup de mérite. Il a déclaré hier à la presse que la France et l'Italie ne devaient pas se réjouir trop vite, car les décisions définitives de la Commission européenne ne seraient prises qu'à la fin du mois de novembre, lorsque le bilan réel des économies pour 2013, 2014 et 2015 aurait été effectué et que l'ensemble des prévisions et des programmes de ces pays auraient été étudiés.

Autrement dit, validation pour le moment, mais décision définitive dans un mois, après étude complète !

Or, monsieur le ministre, en examinant, hier, le projet de loi de programmation des finances publiques, la commission des finances du Sénat a constaté, premièrement, que vous envisagiez un déficit inférieur à 3 % mais après 2017 seulement – après moi, le déluge ! – et, deuxièmement, que vos prévisions de croissance n'étaient pas celles des agences et organismes spécialisés.

Par conséquent, la Commission européenne risque fort de nous adresser une critique simple, celle d'un excès d'optimisme, qui conduit à prévoir trop de rentrées fiscales, pas assez de réduction du déficit et pas assez d'économies.

Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre – c'est toute la question de la sincérité et de la transparence budgétaires – que l'affichage, ici ou à l'Assemblée nationale, qui ne correspondrait pas à ce que vous dites à Bruxelles, finisse par valoir à la France des sanctions au niveau européen ?

Ne payons-nous pas finalement le débat interne à la gauche et au PS, entre ceux qui ne veulent pas réellement la réduction de la dépense publique, parce qu'ils considèrent qu'elle crée de la croissance, et ceux qui sont plus orthodoxes, et qui souhaitent la réduction des déficits ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère des finances et des comptes publics publiée le 31/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 30/10/2014

M. Michel Sapin,ministre des finances et des comptes publics. Je vous remercie de votre question, monsieur Karoutchi. Elle exprime de façon parfaitement légitime les préoccupations de la représentation nationale, plus particulièrement de la majorité du Sénat à laquelle vous appartenez, devant la situation de la France et son déficit, dont je vous rappelle qu'il était aux alentours de 7 % en 2009, et qu'il se situe aujourd'hui aux alentours de 4,4 %. S'il fallait parler de déluge, j'ai le sentiment que, le déluge, c'était avant moi, et non après moi...(Sourires et applaudissements sur les travées socialistes.)

Pour le reste, et sur le fond des choses, M. Katainen, dont vous aurez aujourd'hui fait connaître le nom à l'ensemble des Français, fait parfaitement le travail dont les pays membres de l'Union européenne et de la zone euro l'ont chargé, à savoir le travail de dialogue, de discussions et d'échanges entre les uns et les autres que je décrivais à l'instant. En effet, il est normal, puisque nous avons la même monnaie, que nous nous préoccupions aussi de coordonner nos politiques budgétaires. C'est ce que fait M. Katainen, et il le fait en respectant parfaitement les règles - je ne reviendrai pas sur le calendrier, vous l'avez décrit, sinon pour ajouter qu'il se déroule parfaitement normalement.

Je veux en revanche rappeler ici la préoccupation principale du Gouvernement, dont nous aurons à débattre lors de l'examen du budget. Avant toute chose, nous voulons éviter que l'Europe et la France ne connaissent une longue période de trop faible croissance et de trop faible inflation.

Les Français pourraient croire qu'une trop faible inflation est une bonne nouvelle, parce qu'ils comprennent que les prix ne vont pas augmenter. Il s'agirait en réalité d'une très mauvaise nouvelle du point de vue économique.

En effet, si les acteurs économiques anticipent uniquement des baisses de prix, à un moment donné la machine s'arrête, et on replonge dans la récession, ce que nous ne voulons pas.

Il me semble dès lors possible d'exprimer très simplement la bonne politique à mener, au niveau européen comme au niveau national : oui, la France doit continuer à réduire ses déficits - c'est bien ce que nous faisons -,mais elle doit le faire à un rythme adapté à la situation de faible croissance d'aujourd'hui.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. Michel Sapin,ministre.Si nous voulons à toute force réduire nos déficits pour telle ou telle raison impérative, alors nous retomberons dans la récession.

À l'inverse, si nous le faisons de manière coordonnée et raisonnable, nous répondrons à l'impératif de rééquilibrage de nos finances publiques tout en soutenant la croissance, qui sera plus forte.

C'est exactement le chemin que nous vous proposons, avec, d'un côté, 40 milliards d'euros pour soutenir les entreprises et l'emploi et, de l'autre, 21 milliards d'euros d'économies budgétaires, qui sont nécessaires à la France, et qui sont sans précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)

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