Question de Mme DES ESGAULX Marie-Hélène (Gironde - UMP) publiée le 16/10/2014

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le refus, opposé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), à une utilisation, par la ville de Gujan-Mestras, du système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI), mis en place dans le cadre de l'installation de la vidéo-protection sur le territoire communal.

En effet, sur la base d'un diagnostic de sûreté, élaboré en étroite collaboration avec un spécialiste de la vidéo-protection missionné par la préfecture, la ville a déterminé des sites et des moyens techniques adaptés à la mise en œuvre de la vidéo-protection sur son territoire communal. Ce diagnostic a fait ressortir la pertinence du recours au système « LAPI », plébiscité et souhaité par l'ensemble des forces de l'ordre (gendarmerie et police nationale).

De manière très concrète, le système n'est pas utilisé de manière spontanée, à savoir qu'aucun agent ne scrute 24h/24h les vidéos. Le système n'est utilisé que sur réquisition de la gendarmerie ou de la police nationale, en présence d'un agent de police municipale dûment habilité par la préfecture. En outre, il est à rappeler que, seules, les forces de l'ordre ont la possibilité d'exploiter ces données.

Les griefs exposés par cette décision semblent assurément contestables. Tout d'abord, contrairement, à ce qui est évoqué par la CNIL, les services de police municipale ne mettent pas en œuvre les dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules à des fins de recherche des auteurs d'infractions : ce n'est que sur réquisition des forces de l'ordre que le visionnage s'opère par la gendarmerie ou la police nationale en présence d'un agent de police municipale dûment habilité mais nullement à l'initiative de cet agent ; ceci leur avait pourtant clairement été précisé.

Ensuite, concernant l'exigence de proportionnalité, la CNIL estime que ledit système contrevient à l'article 6-2 de la loi du 6 janvier 1978, dans la mesure où la finalité de l'enregistrement des données qu'il permet n'est ni déterminée, ni explicite, ni légitime. A contrario, cela signifierait donc qu'un tel système ne serait autorisé que dans la mesure où il se déclencherait, dès lors qu'une infraction serait commise et resterait en veille tant qu'il ne se passe rien de répréhensible. On ne peut, dès lors, que constater la faiblesse du raisonnement de la CNIL, voire son caractère absurde en l'espèce.

En outre, la CNIL indique, de manière péremptoire, que ce dispositif permet d'identifier les occupants du véhicule dans la mesure où il permet d'identifier le véhicule. Or, cet argument est erroné : en aucun cas ce système ne prend en photo les occupants ; seules les plaques d'immatriculation sont ciblées.

Observant que la décision de la CNIL semble unique à ce jour en France, elle lui demande, afin de sensibiliser la représentation nationale et les collectivités territoriales sur ce sujet, de lui indiquer quelle est la position du Gouvernement sur cette question qui mérite des éclaircissements.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification publiée le 22/10/2014

Réponse apportée en séance publique le 21/10/2014

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.Monsieur le président, à la suite de mes collègues, je voudrais vous dire l'honneur qui est le mien de poser cette question ce matin sous votre présidence. C'est un vrai bonheur de vous retrouver à ce fauteuil, avec votre personnalité et votre savoir-faire.

Par cette question, je veux attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la problématique posée par le refus opposé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, à la ville de Gujan-Mestras d'utiliser le système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation, le système LAPI, mis en place dans le cadre de l'installation de la vidéoprotection sur le territoire communal.

Je rappelle que c'est sur la base d'un diagnostic de sûreté, élaboré en étroite collaboration avec un spécialiste de la vidéoprotection missionné par la préfecture, que la ville de Gujan-Mestras a déterminé des sites et des moyens techniques adaptés à la mise en œuvre de la vidéoprotection sur son territoire.

Ce diagnostic a fait ressortir la pertinence du recours au système LAPI, souhaité et même plébiscité par l'ensemble des forces de l'ordre, tant la gendarmerie que la police nationale.

À ce jour, sept sites ont été équipés, comprenant vingt-six capteurs, dont sept disposent du système LAPI.

Il faut savoir que ce système n'est pas utilisé de manière spontanée, à savoir qu'aucun agent ne scrute vingt-quatre heures sur vingt-quatre les vidéos. Il n'est utilisé que sur réquisition de la gendarmerie ou de la police nationale, en présence d'un agent de police municipale dûment habilité par la préfecture. Seules les forces de l'ordre ont la possibilité d'exploiter ces données.

Le refus de la CNIL ne porte que sur le système LAPI ; il ne porte pas sur les autres caméras que nous avons installées. Or LAPI fonctionne strictement de la même manière : il n'a d'autre fonction que de permettre de zoomer sur les plaques d'immatriculation, dans le but de faciliter le travail des forces de l'ordre.

Aussi, je ne comprends pas le refus de la CNIL, dont les griefs sont très contestables.

Tout d'abord, contrairement à ce qu'elle avance, les services de police municipale ne mettent pas en œuvre les dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules à des fins de recherche des auteurs d'infractions ; je le répète, ce n'est que sur réquisition des forces de l'ordre - gendarmerie ou police nationale - que s'opère le visionnage. Aucune surveillance n'est exercée en permanence.

Ensuite, concernant l'exigence de proportionnalité, la CNIL estime que ledit système contrevient à l'article 6-2 de la loi du 6 janvier 1978 dans la mesure où la finalité de l'enregistrement des données qu'il permet n'est ni déterminée, ni explicite, ni légitime. Tout cela n'a aucun sens !

En outre, la CNIL indique, de manière péremptoire, que ce dispositif permet d'identifier les occupants du véhicule. C'est faux ! Il ne le permet en aucun cas. Cet argument est erroné.

Enfin, la CNIL évoque la durée excessive de conservation des enregistrements par la ville. Cette durée est de vingt et un jours, et il en a toujours été ainsi, quel que soit le type de caméra utilisé.

En sensibilisant le ministre de l'intérieur sur ce sujet, je souhaite éviter que d'autres collectivités ne soient confrontées à la même situation. Tout cela a un coût. Pour les sept caméras du système LAPI, nous avons dépensé 80 000 euros et cette décision est donc extrêmement dommageable pour notre ville. Je souhaite que le Gouvernement prenne position sur cette question, qui mérite quelques éclaircissements. En tout état de cause, la ville de Gujan-Mestras demandera, bien sûr, au Conseil d'État d'annuler la décision de la CNIL.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l'État et de la simplification. Madame la sénatrice, M. le ministre de l'intérieur, qui vous prie d'excuser son absence, m'a chargé de répondre à votre question sur ce refus opposé par la CNIL, refus que vous contestez devant la justice puisque vous avez introduit un recours devant la juridiction compétente, ce qui est tout à fait votre droit.

Ce dispositif est soumis à une demande d'autorisation préalable de la CNIL en vertu de l'article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure - que vous connaissez manifestement très bien - dans la mesure où les enregistrements du dispositif de vidéoprotection installé sur la voie publique sont utilisés dans des traitements automatisés permettant d'identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques.

Or le dispositif que la commune de Gujan-Mestras prévoit d'installer n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure : seuls les services de police, de gendarmerie et des douanes peuvent mettre en œuvre ces systèmes. Ils ont pour but la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et les vols de véhicules, et sont reliés au fichier relatif aux véhicules volés ou signalés et au système d'information Schengen.

Au regard de la loi informatique et libertés, la CNIL a estimé en toute indépendance - vous parlez d'une décision péremptoire, mais c'est une autorité administrative indépendante - que le dispositif que vous avez proposé ne répond pas aux exigences de finalité et de proportionnalité, et ce pour deux raisons : d'une part, le fait de mettre à la disposition des services de police et de gendarmerie des données enregistrées ne constitue pas une finalité déterminée, explicite et légitime au regard de la loi, puisque celle-ci réserve à certains services seulement la mise en œuvre des LAPI ; d'autre part, la collecte massive de numéros d'immatriculation et de photographies de véhicules, sans justification particulière, a semblé disproportionnée au regard des finalités.

Je suis conscient que l'intérêt opérationnel de la mise en œuvre de ces dispositifs dans les communes est réel, mais cette mise en œuvre doit nécessairement s'inscrire dans le cadre juridique que je viens de rappeler.

Une communication sera d'ailleurs faite à destination des préfets, des forces de sécurité intérieure et des communes en vue de rappeler le cadre juridique qui régit la mise enœuvre des dispositifs de lecture automatisée de plaques d'immatriculation.

Je conçois, madame la sénatrice, que vous soyez déçue par la délibération de la CNIL. Mais n'oubliez pas qu'elle est une autorité administrative indépendante chargée d'une mission primordiale : veiller au respect de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il n'entre donc pas dans les prérogatives du Gouvernement de contester le refus opposé par celle-ci à votre demande.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.Monsieur le secrétaire d'État, bien entendu, votre réponse ne me satisfait pas et je pense qu'elle ne satisfera pas non plus les forces de l'ordre, police et gendarmerie, qui se sont fortement émues de cette décision.

Nous mettons à leur disposition des moyens sur lesquels nous n'exerçons aucun contrôle. Cette distinction entre le système LAPI et les autres caméras que nous avons installées est absurde. S'il faut que le législateur intervienne, eh bien, le législateur fera son travail !

Toujours est-il que je regrette que le Gouvernement, dans sa réponse, ne se montre pas davantage soucieux de cette complémentarité : les collectivités locales font un gros effort financier pour assurer, grâce à la vidéoprotection, la sécurité des citoyens et pour aider les forces de l'ordre dans leur travail.

Bien des arguments de la CNIL sont juridiquement contestables devant le Conseil d'État, notamment quand je lis qu'en l'état actuel des textes « les services de police municipale ne font pas partie des autorités légalement habilitées à mettre en œuvre des dispositifs de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules à des fins de recherche des auteurs d'infractions ». Il appartiendra évidemment au législateur, s'il le souhaite, de revenir sur cette question.

Encore une fois, la police municipale ne prend en la matière aucune initiative propre : dès lors qu'elle reçoit une réquisition, elle met à la disposition de la gendarmerie ou de la police nationale les images qui leur servent pour leur travail.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, pardonnez-moi de vous le dire ainsi, mais, puisqu'on parle de réforme de l'État et de simplification, il aurait été bon d'apporter une réponse un peu plus satisfaisante.

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