Question de M. DUBOIS Vincent (Polynésie française - UDI-UC-A) publiée le 30/10/2014
M. Vincent Dubois interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la participation de l'État au régime de solidarité territoriale (RST) de la Polynésie française.
Depuis la loi n° 56-619 du 23 juin 1956 portant mesures propres à assurer l'évolution des territoires relevant du ministère de la France d'Outre-mer, les compétences en matière de santé et de protection sociale ont été transférées à la Polynésie française. L'État a accompagné la Polynésie en apportant son soutien, par une assistance technique en matière de santé mais également à travers une participation financière importante et surtout essentielle pour le bon fonctionnement de ce régime de solidarité.
Ainsi, une importante couverture sociale a-t-elle pu être mise en place, tout en maîtrisant les dépenses. Depuis maintenant dix ans, le nombre de bénéficiaires a presque doublé, passant de 44 000 à 80 000. Le coût global s'élève, à ce jour, à plus de 225 millions d'euros par an, ce qui est considérable pour un territoire comme la Polynésie française. En 2004, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) plaidait pour le renouvellement du dispositif conventionnel entre l'État et la Polynésie française, afin d'offrir une protection sociale généralisée à tous les Polynésiens, et pour une évolution du système sanitaire, social et médico-social.
Hélas, en 2008, l'État a brusquement interrompu sa participation financière, laissant la Polynésie française seule face aux dépenses et au déséquilibre financier de notre régime de solidarité territoriale. Il convient de rappeler que les Polynésiens ne bénéficient, malheureusement, pas des mêmes dispositifs sociaux qu'en métropole. Environ 27 % de la population de notre pays vit en dessous du seuil de pauvreté, soit près d'un quart de la population totale. Le chômage avoisine les 22 % contre 10,5 % en France métropolitaine.
Face à cette situation de crise importante et afin de pouvoir offrir aux Polynésiens un régime de solidarité plus performant et répondant à leurs besoins, l'État se doit d'être aux côtés de la Polynésie pour apporter une coopération active, technique et financière. À l'heure de la future loi de santé que le Gouvernement souhaite engager sur l'ensemble du territoire, il est question de démocratie sanitaire. Cette démarche vise à associer l'ensemble des acteurs dans l'élaboration et la mise en œuvre de notre système de santé, dans un esprit de dialogue et de concertation.
Aussi, ensemble, convient-il d'intervenir à tous les niveaux pour développer la concertation et le débat public, améliorer la participation des acteurs tout en promouvant les droits individuels et collectifs des Polynésiens. Face à cette problématique majeure, il lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures qui sont envisageables et les actions que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour continuer à accompagner la Polynésie française.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargé des droits des femmes publiée le 19/11/2014
Réponse apportée en séance publique le 18/11/2014
M. Vincent Dubois. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Cette question, à laquelle se joint Mme la sénatrice Teura Iriti, est relative au retour attendu de l'État dans le financement du Régime de solidarité de la Polynésie française, le RSPF.
La loi du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie française définissait, pour une durée de dix ans, les conditions dans lesquelles « la nation aidera le territoire de la Polynésie française à réaliser une mutation profonde de son économie, afin de parvenir à un développement mieux équilibré et à une moindre dépendance à l'égard des transferts publics, en favorisant le dynamisme des activités locales et le progrès social ».
Au chapitre de ce progrès social, la conjugaison des solidarités territoriale et nationale a permis de mettre en place un système de protection sociale original, qui a notamment introduit la création d'un régime de solidarité spécifique pour les plus démunis. Ainsi, entre 1994 et 2007, la participation de l'État au régime de solidarité a représenté une somme globale de 350 millions d'euros, soit une moyenne de 27 millions d'euros par an.
L'interruption brutale, en 2008, de ces crédits de solidarité a généré un défaut de financement de l'État de 190 millions d'euros alors que, concomitamment, la Polynésie subissait les conséquences de la crise économique mondiale. En effet, le taux de chômage en Polynésie a doublé en six ans, passant de 10 % à plus de 20 % et entraînant une augmentation des effectifs relevant du régime de solidarité territoriale, passés de 50 000 à 80 000 bénéficiaires.
Aujourd'hui, plus du quart de la population de la Polynésie française vit en dessous du seuil de pauvreté et ne survit que grâce aux faibles allocations versées via ce régime de solidarité. Par voie de conséquence, celui-ci connaît un déficit chronique qui s'aggrave chaque année, avec un risque imminent de non-paiement des allocations sociales, unique source de revenus pour les plus démunis.
Cette situation est évidemment très inquiétante et nécessite une intervention rapide de l'État au titre de la solidarité nationale, intervention qui commence par un retour de l'État au financement dudit régime de solidarité.
En réponse aux sollicitations de la nouvelle majorité issue des élections de mai 2013, et notamment de nos trois députés à l'Assemblée nationale, deux pistes de réflexion sont actuellement proposées par le Gouvernement, pistes qui ne constituent cependant que des régularisations : premièrement, l'obligation pour les fonctionnaires métropolitains en poste en Polynésie française de cotiser à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ; deuxièmement, l'application aux malades polynésiens, qui sont obligés d'être rapatriés en France pour y recevoir des soins très spécialisés, des tarifs hospitaliers métropolitains, et non pas des tarifs plus élevés de 30 %, comme c'est le cas actuellement. Ces deux mesures, si elles sont nécessaires, restent encore très insuffisantes pour combler le déficit colossal du régime de solidarité territoriale.
Je vous rappelle en outre que les recommandations du rapport de l'IGAS de janvier 2004 étaient extrêmement claires quant à la participation de l'État au régime de solidarité territoriale : « Un arrêt, ou même une réduction sensible aurait des effets déstabilisants pour l'équilibre financier du régime de solidarité, et au-delà, pour la protection sociale généralisée qui risquerait des remises en cause. Ceci est » - selon la mission IGAS -« d'autant moins souhaitable que les plus fragiles en seraient les premières victimes. Cette participation de l'État fait partie de la solidarité nationale. »
En septembre dernier, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et Mme la ministre des outre-mer ont réaffirmé par écrit « le principe d'une contribution de l'État au redressement du régime de solidarité de la Polynésie française ».
Mme la présidente.Il vous faut conclure, monsieur le sénateur.
M. Vincent Dubois.Constatant qu'aucune disposition n'est prévue dans le projet de loi de finances pour l'année 2015, je souhaite savoir si Mme la ministre des affaires sociales et de la santé compte oui ou non, et dans quel délai, remettre en place une véritable contribution financière de l'État au Régime de solidarité de la Polynésie française, comparable à celle qui existait jusqu'en 2007, et ce, au profit des familles polynésiennes les plus fragiles.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Pascale Boistard,secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes.La protection sociale généralisée, la PSG, qui comprend le régime de solidarité destiné aux personnes ne pouvant pas être couvertes par les deux autres régimes composant la PSG, a été créée en Polynésie française en 1994.
Si ce régime a permis une amélioration significative de l'état de santé de la population de la Polynésie française, il fait aujourd'hui face à d'importantes difficultés financières, en grande partie liées à la dégradation du climat économique général depuis 2008. En effet, la croissance atone du pays s'est répercutée sur les finances de la collectivité.
À la demande du président de la Polynésie française, une mission d'appui sur le système de santé et de solidarité polynésien a été conduite conjointement par l'Inspection générale des affaires sociales, l'Inspection générale des finances, et l'Inspection générale de l'administration, s'agissant de l'aggravation de la situation financière du RSPF. Elle a donné lieu en juin dernier à un rapport qui formule soixante-six propositions permettant de poursuivre le rétablissement de l'équilibre des dépenses de santé et de restaurer celui du RSPF. Ces propositions portent à la fois sur la maîtrise des dépenses et sur les hausses de recettes envisageables sans remettre en cause l'accès aux soins pour les plus démunis.
À la suite des engagements pris cet été, un groupe de travail composé de représentants des autorités polynésiennes et de représentants des administrations centrales du ministère des affaires sociales et du ministère des outre-mer a été installé afin d'approfondir les pistes de réformes et les modalités d'accompagnement de l'État au redressement du RSPF.
Deux pistes sont d'ores et déjà à l'étude : d'une part, mettre fin à la majoration du tarif appliqué aux Polynésiens soignés en métropole ; d'autre part, réfléchir aux conditions dans lesquelles l'État pourrait, en tant qu'employeur, verser à la Polynésie française une partie des cotisations patronales. Des expertises devraient déboucher dans les toutes prochaines semaines. Il s'agira là encore d'un effort conséquent pour l'État.
Je puis vous assurer de la volonté du Gouvernement de rechercher avec les autorités de la Polynésie française les voies d'un redressement durable du RSPF, en réaffirmant le principe d'une contribution de l'État à ce régime, au regard et en accompagnement des réformes qui seront engagées pour en assurer la pérennité dans le sens des propositions de la mission inter-inspections.
Mme la présidente.La parole est à M. Vincent Dubois.
M. Vincent Dubois.J'entends la confirmation des deux mesures que vous proposez, mesures qui, comme je l'indiquais, sont certes nécessaires, mais ne constituent à notre sens que des régularisations attendues depuis déjà plusieurs années, notamment en ce qui concerne un tarif« homogène » pour les malades polynésiens, c'est-à-dire un tarif identique à celui des malades français. Cela me semble une évidence.
Néanmoins, ce régime a connu un déficit considérable en 2014, et rien n'est prévu à cet égard dans le projet de loi de finances pour 2015. Or les soixante-six mesures du rapport de l'IGAS ne seront pas mises en place avant plusieurs années et ne permettront donc pas de résoudre la difficulté à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés. Cette difficulté est liée à une situation d'urgence. L'État doit donc apporter rapidement son soutien au titre de la solidarité nationale à ce régime de solidarité, car ce sont les familles les plus démunies qui en ont le plus besoin. Je vous rappelle qu'un quart de la population polynésienne vit aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté, sans aucun revenu et sans travail. Nous ne pouvons attendre que ces soixante-six mesures soient mises en uvre car, malheureusement, le déficit du Régime de solidarité de la Polynésie française s'aggravera encore au cours de l'année prochaine.
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