Question de M. POZZO di BORGO Yves (Paris - UDI-UC) publiée le 27/11/2014

M. Yves Pozzo di Borgo attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le fait qu'à Paris comme à Bruxelles, vient d'être célébrée, avec faste, la naissance du nouveau programme européen de mobilité des jeunes dénommé « Erasmus Plus ». Les autorités saluent d'ailleurs davantage un bilan qu'un projet car « Erasmus Plus » est, en vérité, le rassemblement, sous une même appellation, de plusieurs programmes de mobilité (scolaires, étudiants, enseignants, formation professionnelle, …), jusqu'alors dispersés sous différents vocables. Avec trois millions de jeunes Européens en mobilité depuis la création du programme, en 1987, « Erasmus » est une réussite incontestable. En regard de ces célébrations « erasmussiennes », il faut émettre une remarque qui n'est pas de l'ordre de la critique mais plutôt du regret : le programme « Erasmus », compte tenu de ses qualités, ne touche pas davantage d'étudiants. Et encore, la France, avec plus de 30 000 étudiants en mobilité entrante et 35 000 en mobilité sortante chaque année, fait figure, depuis l'origine, de très « bon élève » du programme. Mais 35 000 étudiants en mobilité sortante au titre d'« Erasmus » chaque année, cela ne fait pas beaucoup, rapporté à près de deux millions d'étudiants. L'aspect financier reste, sans doute, le frein le plus fort. Avec une moyenne d'aide de 272 euros par mois, les dépenses sont toujours bien supérieures aux bourses. Le problème n'est pourtant pas uniquement financier. D'autres facteurs de blocage interviennent : linguistiques, culturels et académiques ; une communication souvent insuffisante au sein des universités également. Le regret est d'autant plus vif qu'il pose une question importante dans le contexte de la mondialisation des savoirs et des emplois : celle de l'inégalité croissante des jeunes Français devant la mobilité étudiante. Ainsi, presque 100 % des étudiants des grandes écoles de commerce ou d'ingénieurs effectueront une mobilité, pour moins de 5 % des étudiants d'universités, auxquels on ajoutera la grande majorité des étudiants en formations courtes. Et ces 5 % sont, le plus souvent, issus de familles aisées. La mobilité des jeunes est, aujourd'hui, pourtant vitale pour leur avenir. Il lui demande donc, en premier lieu, comment réagir. Les prêts qui viendront s'ajouter aux bourses seront indéniablement utiles, même s'ils ne vont toucher qu'une minorité d'étudiants. Nationalement, nous devons faire plus pour les étudiants et ce, d'autant plus qu'un potentiel existe. Seul, un quart des étudiants ne se dit pas intéressé par une mobilité pendant ses études. Une partie de la solution au frein financier pourrait résider dans les droits d'inscription des étudiants étrangers. Il lui demande ensuite s'il estime logique que près de 300 000 étudiants étrangers étudient en France quasi gratuitement, alors que nous ne trouvons pas les ressources pour aider nos étudiants les plus modestes à faire un séjour d'études à l'étranger. Enfin, il lui demande si l'internationalisation des universités françaises lui semble un moyen complémentaire de répondre à cette fracture de mobilité. Il n'y a, en effet, aucune raison que nos étudiants en universités soient désavantagés par rapport aux écoles ou établissements d'enseignement supérieur privé. Les modes d'enseignement dits hybrides - à la fois numériques et présentiels -, le développement des formations en ligne ouvertes à tous (en anglais « massive open online course » ou Mooc), les nouvelles pédagogies d'apprentissage des langues, sont autant de nouveaux leviers pour une internationalisation des études, en attendant une mobilité non plus virtuelle mais réelle.

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Transmise au Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires étrangères et du développement international, chargé du développement et de la francophonie publiée le 21/01/2015

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2015

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, ma question s'adressait aussi à Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.

À Paris comme à Bruxelles, on a célébré il y a peu la naissance du nouveau programme européen de mobilité des jeunes dénommé « Erasmus Plus ».

C'est un bilan plutôt qu'un projet qui a été salué, car Erasmus Plus est en vérité le rassemblement sous une même appellation de plusieurs programmes de mobilité - scolaires, étudiants, enseignants, formation professionnelle... - qui étaient jusqu'alors dispersés sous différents vocables.

Je m'empresse néanmoins de dire qu'avec trois millions de jeunes européens en mobilité depuis la création du programme en 1987, Erasmus est une réussite incontestable.

La réserve que j'apporte à ces célébrations « erasmussiennes » est donc de l'ordre non pas de la critique, mais plutôt du regret : celui que le programme Erasmus, compte tenu de ses qualités, ne parvienne toujours pas à toucher davantage d'étudiants. Et encore, la France, avec plus de 30 000 étudiants en mobilité entrante et 35 000 en mobilité sortante chaque année, fait figure depuis l'origine de très bon élève du programme. Mais chacun comprendra bien que 35 000 étudiants en mobilité sortante Erasmus chaque année, cela ne fait pas beaucoup rapporté à près de deux millions d'étudiants.

L'aspect financier reste sans doute le frein le plus fort. Avec une moyenne d'aide de 272 euros par mois, les dépenses sont toujours bien supérieures aux bourses. Le problème n'est pourtant pas que financier. On le sait, d'autres facteurs de blocage interviennent, qu'ils soient d'ordre linguistique, culturel ou académique. Une communication souvent insuffisante au sein des universités est également en cause.

Mon regret est d'autant plus vif qu'une telle situation pose une question à mon sens extrêmement importante dans le contexte de la mondialisation des savoirs et des emplois, et qui est au cœur de mon propos : celle de l'inégalité croissante des jeunes Français devant la mobilité étudiante. Pour faire simple, presque 100 % des étudiants des grandes écoles de commerce ou d'ingénieurs effectueront une mobilité contre moins de 5 % des étudiants d'universités, auxquels on peut ajouter la grande majorité des étudiants en formations courtes. Et ces 5 % sont le plus souvent issus de familles aisées. Pourtant, la mobilité des jeunes est aujourd'hui vitale pour leur avenir.

Le monde étudiant est victime d'une vraie fracture de mobilité. C'est une vraie fracture sociale qui sépare les universités des écoles, les étudiants favorisés des plus modestes.

Autrefois, il y avait deux catégories : ceux qui avaient fait des études supérieures et ceux qui n'en avaient pas fait. Aujourd'hui, il y a, d'un côté, ceux qui ont fait une mobilité à l'étranger et, de l'autre, ceux qui n'ont pas eu cette chance.

On sait que sur ce sujet, c'est l'argent qui est le nerf de la guerre. Alors, madame la secrétaire d'État, je vous interroge : comment faire ? Comment réagir ? Que prévoit le Gouvernement ? Les prêts prévus dans Erasmus Plus et qui viendront s'ajouter aux bourses seront indéniablement utiles, mais ce ne sera manifestement pas assez. Nationalement, nous devons donc faire davantage pour nos étudiants, d'autant plus qu'un potentiel existe : trois quarts des étudiants se disent intéressés par une mobilité pendant leurs études. Certes, ma question s'adresse plus à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche...

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Annick Girardin,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le sénateur Yves Pozzo di Borgo, accéder à la mobilité internationale est une chance dans la construction du parcours d'un jeune, et le Gouvernement considère que le programme Erasmus Plus, que vous avez cité, n'est pas la seule réponse à la mobilité internationale. Dans cette perspective, le Gouvernement a augmenté de 25 % le nombre de bénéficiaires en trois ans du volontariat international en entreprise, doublé les moyens dédiés à la mobilité des jeunes ultramarins dans les domaines associatif, éducatif, culturel et sportif, augmenté le budget consacré à l'Office franco-allemand pour la jeunesse et renforcé les programmes franco-québécois soutenus par l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Le Gouvernement a également décidé de mettre en place de nouveaux outils de coordination pour informer les jeunes sur toutes ces opportunités et, bien sûr, de réformer les bourses sur critères sociaux en y investissant 458 millions d'euros depuis 2012.

Cet effort indispensable, je vais d'ailleurs l'amplifier en augmentant le nombre de jeunes s'engageant dans des programmes de solidarité internationale, notamment via le volontariat de solidarité internationale, mais pas seulement : nous réfléchissons aussi, aujourd'hui, à une mise en commun de l'ensemble de ces dispositifs d'engagement, ce que le Président de la République vient d'ailleurs de rappeler lors de ses vœux aux corps constitués et aux bureaux des Assemblées.

Je souhaite à ce titre donner toute sa place à des programmes du type « ville vie vacances-solidarité internationale », destinés aux jeunes issus des quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville.

Pour ce qui concerne Erasmus Plus, le budget du programme de mobilité européen a connu une augmentation de plus de 40 % pour la période 2014-2020 ainsi qu'une démocratisation du dispositif, avec un fléchage vers les filières technologiques et professionnelles et une ouverture sur des États tiers à l'Union européenne. Cela répond en partie à votre question.

France université numérique a en effet lancé des cours en ligne ouverts et gratuits, les FLOT - formations en ligne ouvertes à tous -, qui sont aussi un instrument de démocratisation du savoir et d'attractivité de notre pays.

Il en va de même pour les étudiants étrangers présents en France - 300 000 environ, vous l'avez dit. Selon Campus France, ils rapportent, chaque année près de 1,6 milliard d'euros nets, sans parler du rayonnement et de l'influence diplomatique à long terme qu'ils représentent pour notre pays. Les droits d'inscription, dont vous savez qu'ils sont souvent soumis à des accords internationaux, sont un véritable facteur d'attractivité s'ajoutant à la qualité de nos formations.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, la France se mobilise et favorise davantage, de jour en jour, la mobilité internationale de tous les jeunes.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État, je comprends que vous me donniez des pourcentages, mais cela ne répond pas aux chiffres, brutaux, de 35 000 étudiants en mobilité sortante pour deux millions d'étudiants. Par ailleurs, vous parlez de« chance », mais la mobilité au cours des études est devenue une obligation ! Si je puis me permettre, il me semble donc que vous ne mesurez pas l'importance du problème. J'avancerai donc quelques solutions, même si je sais que ce n'est pas simple et que nous connaissons des difficultés financières.

Selon moi, une partie de la solution au frein financier pourrait résider dans une augmentation raisonnable des droits d'inscription des étudiants étrangers qui viendrait abonder un fonds national. Je sais que cela dépend beaucoup des pays, mais est-il logique que près de 300 000 étudiants étrangers étudient chez nous quasi gratuitement, alors que nous ne trouvons pas les ressources pour aider nos étudiants les plus modestes, au nombre de seulement 30 000, à faire un séjour d'études à l'étranger. On peut s'interroger...

C'est pourquoi - mais ce n'est là qu'une invitation à réfléchir, nous sommes des parlementaires, nous ne sommes pas l'exécutif ! - je propose la création d'un fonds national de la mobilité étudiante qui serait alimenté par une hausse significative des droits d'inscription des étudiants étrangers, bien sûr en fonction des négociations qui ont lieu avec chaque pays. L'idée, derrière cela, est que la mobilité des uns finance la mobilité des autres.

Dernier point, cette fois positif, je voudrais vous féliciter d'avoir autorisé les enseignements non francophones à l'université dans la loi de 2012. C'est une bonne chance pour attirer des étudiants étrangers de nouveaux pays, mais c'est aussi un « plus » pour les étudiants français qui ne peuvent pas faire de mobilité.

Encore une fois, madame la secrétaire d'État, votre réponse ne répond pas vraiment au problème, fondamental, de la fracture entre étudiants.

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