Question de Mme LIENEMANN Marie-Noëlle (Paris - SOC) publiée le 13/11/2014
Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget sur les révélations de ce qu'il est convenu d'appeler le scandale « Luxleaks ».
Plus d'un an après la publication du rapport n° 87 (2013-2014) en date du 17 octobre 2013 de la commission d'enquête sénatoriale sur le rôle des banques et des acteurs financiers dans l'évasion des capitaux, rapport intitulé « Évasion des capitaux et finance : mieux connaître pour mieux combattre », la presse se fait l'écho de l'ampleur de l'optimisation fiscale à travers des pratiques, bien organisées par les banques et les entreprises concernées. Le cas du Grand-Duché de Luxembourg avait été, maintes fois, soulevé et, à de nombreuses occasions, avait été émise l'idée de renégocier les conventions fiscales de la France. De nouvelles révélations sont apparues concernant la société d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC). Selon ce quotidien, il ressort des archives de cette société 548 accords confidentiels entre les autorités fiscales du Grand-Duché et plus de 340 multinationales. De surcroît, depuis plusieurs années, des syndicalistes et singulièrement ceux du groupe de travail « Détergents et cosmétiques » ont détaillé les procédures mises en place par les grandes firmes multinationales pour se soustraire au paiement de leurs impôts en France, fragilisant les entreprises de notre territoire. Elle lui demande si le Gouvernement compte, dans les meilleurs délais, demander la renégociation de la convention fiscale bilatérale France-Luxembourg, et s'il compte proposer à ses partenaires européens de se joindre à la République française pour mettre en œuvre des mesures efficientes, rendant ces pratiques inacceptables impossibles. Au-delà de l'adoption et de l'application de la loi no 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, elle lui demande si le Gouvernement considère qu'il est désormais nécessaire d'engager une nouvelle série de mesures pour lutter contre l'évasion fiscale, en particulier concernant les prix de transferts au sein des entreprises ou la mise en œuvre du droit de suite. En effet, l'évasion fiscale pratiquée par 1 400 groupes français ou étrangers qui réalisent des profits en France et n'y paient qu'un impôt résiduel laisse à la charge des citoyens le déficit réalisé. Selon les estimations, cela représentait une perte de 32 milliards d'euros à fin 2008 hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de 60 à 80 milliards à fin 2013. À l'heure où notre pays connaît un débat politique complexe sur les déficits et la dette publics, c'est loin d'être négligeable.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des finances et des comptes publics, chargé du budget publiée le 03/09/2015
La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales est une priorité majeure du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle, au niveau international, les chefs d'État et de Gouvernement des pays du G20, à Brisbane, les 15 et 16 novembre 2014, ont demandé à l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'assurer la transparence des « rulings » qui constituent une pratique de concurrence fiscale dommageable entre les États. Ainsi, d'ici la fin de l'année 2015, dans le cadre de ses travaux sur l'érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices dits « BEPS » (Base erosion and profit shifting) auxquels la France participe, l'OCDE doit travailler à mettre en place un échange spontané et obligatoire d'informations couvrant notamment les accords préalables unilatéraux en matière de prix de transfert. En outre, l'OCDE proposera dans les mêmes délais de nouvelles règles pour appréhender des situations présentant un fort risque d'évasion fiscale en matière de prix de transfert ainsi que l'instauration d'une norme documentaire plus exigeante sur les transactions entre entreprises liées au sein de groupes multinationaux, comprenant notamment la mise en place d'une déclaration par pays à destination des autorités fiscales. En parallèle, au sein de l'Union européenne, par lettre du 28 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics a demandé, conjointement avec ses homologues italien et allemand, au commissaire européen en charge de la fiscalité, d'engager l'adoption de règles communes au sein de l'Union européenne, en 2015, sur trois aspects majeurs : la transparence généralisée des « rulings » mais aussi des trusts et de toutes les formes de sociétés ; la lutte contre les situations d'optimisation car il n'est pas justifié que le droit européen favorise des montages organisés pour échapper à toute imposition effective ; des règles pour faire face aux États et territoires tiers qui alimentent aussi l'optimisation par leur opacité et l'absence de fiscalité. La proposition de directive présentée par la Commission le 18 mars 2015 afin d'assurer un échange automatique d'informations sur les « rulings » de la part des États membres, très ambitieuse, est un pas important dans la concrétisation de cette démarche. La France promeut l'avancée rapide de ces travaux et appelle en outre de ses vux l'engagement prochain de discussions plus larges sur d'autres volets de la lutte contre l'optimisation fiscale au niveau européen. En outre, comme le sait l'auteur de la question, les outils de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales au plan national ont été considérablement renforcés depuis deux ans avec notamment la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière et celle du 29 décembre suivant de finances pour 2015. En matière de fiscalité internationale, plusieurs dispositions de nature à renforcer la lutte contre l'optimisation agressive ont été adoptées avec, notamment, le renforcement des obligations documentaires en matière de prix de transfert ou encore l'accès aux comptabilités analytiques et comptes consolidés en cas de contrôle. L'article 78 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 vient de durcir les sanctions en cas de non-présentation de la documentation relative aux prix de transfert. Désormais, cette pénalité pourra être calculée sur la base du montant des transactions non-documentées, et non plus seulement sur celle des rehaussements notifiés. Enfin, s'agissant de la renégociation de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée, un avenant à ce texte a d'ores et déjà été signé le 5 septembre 2014 afin de mettre un terme à des schémas d'optimisation au travers de cessions de biens immobiliers en présence d'entités interposées. Il sera prochainement soumis à la ratification du Parlement. En outre, le Luxembourg et la France vont poursuivre des travaux communs visant à moderniser le dispositif conventionnel existant qui devrait intégrer notamment l'ensemble des mesures anti-abus préconisées à l'issue des conclusions de BEPS.
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