Question de M. HOUPERT Alain (Côte-d'Or - Les Républicains) publiée le 17/09/2015
M. Alain Houpert attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le fonctionnement inefficace des institutions dans l'affaire du petit Bastien. Depuis 2009, des faits de maltraitance sur Bastien ont été dénoncés à plusieurs reprises : trois signalements de mineur en danger, le dernier datant du 9 juillet 2011, et neuf informations préoccupantes, entre décembre 2009 et octobre 2011, ont été effectués. Malgré un suivi régulier des travailleurs sociaux, la situation de danger n'a pas été clairement identifiée et cet enfant n'a pas été protégé. Les pouvoirs publics ont conscience des manquements et un cadre structuré et bien pensé existe en France pour lutter contre la maltraitance, mais il est insuffisant. L'histoire de Bastien en est la tragique illustration. Il est urgent de faire évoluer certaines pratiques. C'est pourquoi il lui demande si elle compte se rapprocher de l'association l'Enfant bleu, fidèle à sa mission auprès de l'enfance maltraitée, partie civile dans cette affaire, qui préconise des propositions concrètes et intelligentes : la possibilité d'opérer un travail pluridisciplinaire (psychologue, juriste, assistant social, éducateur) pour une meilleure analyse des cas et des situations, la création d'un droit d'ingérence dans les familles, le renforcement des enquêtes qui suivent le dépôt d'une information préoccupante, l'organisation de l'éloignement du mineur en danger du parent agresseur et bien sûr la formation des professionnels de la protection de l'enfance. Il la remercie de sa réponse.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère de la justice publiée le 25/08/2016
En tant que coordonnateur du dispositif de protection de l'enfance, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) a suivi avec beaucoup d'attention cette situation, et toutes celles qui ont pu mettre en évidence les dysfonctionnements auxquels se heurte notre système de protection de l'enfance. De nombreux rapports, publiés ces dernières années, s'accordent sur l'efficience du dispositif français de protection de l'enfance qui découle directement de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, tout en mettant en évidence des dysfonctionnements auxquels il apparaît nécessaire de remédier. Le rapport des sénatrices Dini-Meunier de 2014, dont s'est largement inspiré la loi sur la protection de l'enfant du 14 mars 2016, évoque notamment de « fortes disparités territoriales » quant au déploiement de la loi du 5 mars 2007, mais aussi « l'absence de pilotage national, l'insuffisance de la formation des professionnels concernés, le manque de coopération entre les secteurs d'intervention, le retard dans le développement de la prévention, ou encore la prévalence du maintien du lien familial biologique à tout prix dans les pratiques professionnelles ». Plusieurs associations comme L'Enfant bleu, militent contre la maltraitance des enfants et ont contribué à faire la lumière sur ces dysfonctionnements, avec beaucoup d'autres acteurs et notamment les acteurs publics incontournables dans ce champ : le groupement d'intérêt public (GIP) Enfance en danger, le Défenseur des droits et auparavant la Defenseure des enfants. Ils ont préconisé notamment de développer la pluridisciplinarité dans la prise en charge des enfants en situation de maltraitance, d'améliorer la formation des professionnels, d'organiser l'éloignement du mineur de l'agresseur, ou encore de renforcer les enquêtes ou évaluations suivant le dépôt d'une information préoccupante.La loi sur la protection de l'enfant du 14 mars 2016 part de ces divers constats, mais aussi des enjeux actuels de la protection de l'enfance (stabilité et continuité des parcours), pour améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance, en adaptant le statut de l'enfant sur le long terme, et en sécurisant son parcours. S'inspirant dans sa philosophie, du système québécois de protection de l'enfance, elle défend l'idée que le maintien de liens avec les parents ne doit pas être systématiquement favorisé au détriment de l'intérêt de l'enfant, et place au coeur du dispositif cet intérêt. Face au constat d'un manque d'articulation entre les divers secteurs d'intervention, elle appelle à une meilleure coopération entre les acteurs, et défend notamment le renforcement de la pluridisciplinarité dans la prise en charge des enfants confiés. C'est ainsi que l'article 26 de la loi, met en place au sein du département une commission pluridisciplinaire et pluri institutionnelle chargée d'examiner la situation des enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance depuis plus d'un an lorsqu'il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l'enfant parait inadapté à ses besoins. Dans le même sens, l'article 9 encadre davantage l'évaluation de la situation d'un mineur à partir d'une information préoccupante : elle doit être réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée. Dans un souci de respect des besoins fondamentaux de l'enfant, et notamment de stabilité de vie, la loi prévoit également d'étendre aux mesures de protection classiques, des mesures relatives aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, à l'adoption ou à la déclaration judiciaire d'abandon, au service de la cohérence et de la continuité des parcours des enfants. Elle insiste par ailleurs sur la nécessité de mieux former les professionnels de la protection de l'enfance et complète l'article L.226-3-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) relatif aux missions de l'observatoire départemental de la protection de l'enfance qui est chargé de réaliser un bilan annuel des formations continues délivrées dans le département et d'élaborer un programme pluriannuel des besoins en formation de tous les professionnels de la protection de l'enfance dans le département.
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