Question de M. GOURNAC Alain (Yvelines - Les Républicains) publiée le 15/01/2016
Question posée en séance publique le 14/01/2016
M. Alain Gournac. Monsieur le Premier ministre, les mois passant, nous allons d'étonnement en étonnement devant l'absence de cohérence d'une politique gouvernementale qui semble guidée par l'improvisation et l'ambiguïté.
M. Michel Berson. Tout en nuances
M. Alain Gournac. Nous entendons M. Macron se répandre sur les ondes pour défendre au jour le jour l'inverse de la politique que vous menez sur le plan économique.
Mais, en matière de contradictions, la façon dont vous allez conduire la réforme constitutionnelle dépasse l'entendement. Mme Taubira, garde des sceaux, conteste publiquement le bien-fondé de la réforme que vous proposez, tout en expliquant que seule compte la parole du chef de l'État !
Cette situation ubuesque ne fait que confirmer la contradiction existant, au sein du Gouvernement, entre le laxisme judiciaire prôné par la ministre de la justice (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) et vos annonces multipliées de fermeté à l'encontre des délinquants.
Tout cela conduit à un affaiblissement inquiétant de l'autorité de l'État. Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, que la cohérence est la vertu qu'attendent les Français de leur gouvernement et qu'elle est le gage de l'efficacité de son action ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
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Réponse du Premier ministre publiée le 15/01/2016
Réponse apportée en séance publique le 14/01/2016
M. Manuel Valls, Premier ministre. En janvier dernier, notre pays a été lâchement frappé par le djihadisme, par l'islamisme radical, par des terroristes qui s'en sont pris à nos valeurs fondamentales.
Le 13 novembre dernier, ce sont une nouvelle fois notre mode de vie, nos valeurs, notre jeunesse qui ont été sauvagement attaqués.
Nous devons tous garder le souvenir des victimes, des blessés, ô combien nombreux, et agir pour combattre le terrorisme.
Les terroristes ont frappé la France. Nous avons riposté : au Levant, bien sûr, en intensifiant notre action militaire contre Daech ; en France, en décrétant l'état d'urgence, en prenant davantage encore de mesures pour assurer la sécurité des Français, en donnant des moyens supplémentaires à nos forces armées, à la police, à la gendarmerie et aux services de renseignement.
Nous avons pris - ensemble - les mesures qui s'imposaient, avec un grand sens des responsabilités : c'est ce que les Français attendent de nous.
La récente attaque du commissariat de la Goutte-d'Or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, et l'agression antisémite qui a eu lieu lundi à Marseille sont venues nous rappeler l'intensité inégalée de la menace. Celle-ci n'a pas disparu, et il ne s'agit pas d'un problème uniquement français, ni même européen, comme le démontrent une nouvelle fois les attentats d'Istanbul ou de Jakarta, revendiqués par Daech.
Le 16 novembre dernier, devant le Parlement réuni en Congrès, c'est-à-dire devant la représentation nationale, le Président de la République a annoncé une révision de la Constitution afin d'assurer la protection et la sécurité des Français dans la durée. Il s'agit d'inscrire l'état d'urgence dans la Constitution, ainsi que la déchéance de nationalité : plus que jamais, nous devons revendiquer ce patriotisme que les Français eux-mêmes manifestent tous les jours en chantant La Marseillaise ou en brandissant les couleurs nationales. Il est temps en effet que nous soyons à l'unisson du peuple.
Dans ce contexte, face à l'intensité de la menace, l'heure n'est pas à la polémique, aux petites phrases inutiles. Pour ma part, je ne céderai pas à de telles facilités.
Le Président de la République m'a chargé de préparer et de présenter le projet de loi de révision de la Constitution. Vous connaissez le contenu de ce texte depuis son adoption en conseil des ministres le 23 décembre dernier. Nous présenterons en même temps les textes de loi qui doivent accompagner cette révision constitutionnelle, parce qu'il est tout à fait essentiel que le Parlement puisse voter en toute connaissance de cause.
Ce projet de loi constitutionnelle, je le présenterai moi-même à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il n'y a pas là de nouveauté. Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'il y ait eu d'objection lorsque Michel Debré, en 1963, Pierre Bérégovoy, en 1992, Jean-Pierre Raffarin, en 2002, ou François Fillon, en 2008, ont présenté de tels textes.
Je ne céderai pas à la polémique. Christiane Taubira est pleinement investie dans la tâche qui est la sienne, avec le talent et la détermination qu'on lui connaît. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle défendra devant le Parlement, dans les prochaines semaines, avec les ministres de l'intérieur et des finances, un projet de loi ambitieux de réforme de notre procédure pénale. Nous aurons aussi l'occasion de discuter ensemble de la proposition de loi de vos collègues Philippe Bas et Michel Mercier.
Le débat sur la révision constitutionnelle doit désormais avoir lieu au Parlement. Le Gouvernement y prendra toute sa part, et je sais que le Sénat aura à cur de garantir la sécurité des Français et les droits fondamentaux.
Face au terrorisme, il n'y a pas de place pour la division. Vous pouvez compter sur ma totale détermination. J'ai la conviction que cette révision constitutionnelle sera votée à une très large majorité : les Français n'attendent pas de nous autre chose que l'union, le rassemblement et l'efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour la réplique.
M. Alain Gournac. Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté avec attention. Vous avez affirmé que la ligne du Gouvernement était claire, mais ce n'est pas du tout le cas ! Il y a trois ou quatre jours, on nous a dit que Mme Taubira défendrait la révision constitutionnelle devant le Parlement.
M. Didier Guillaume. Non !
M. Alain Gournac. Enfin, lisez la presse ! Je vous ferai porter les journaux ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Je vais vous dire la vérité, monsieur le Premier ministre. Il semble que vous n'ayez pas réussi à convaincre Mme Taubira et il semble que Mme Taubira n'ait pas réussi à vous convaincre ! Il semble que sa politique pénale n'ait pas réussi à convaincre ni les Français, ni vous-même, ni même le Président de la République ! C'est dramatique pour la France ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Monsieur le Premier ministre, votre réponse ne nous a pas convaincus. L'ambiguïté demeure. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Je vous rappellerai, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la formule du cardinal de Retz : « On ne sort de l'ambiguïté qu'à ses dépens » ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Évelyne Didier. C'est la honte du Sénat !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, à titre tout à fait exceptionnel.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole. Je vous prie d'ailleurs de m'excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, si je vous quitte ensuite immédiatement, car je dois me rendre à l'hommage rendu à Pierre Boulez.
Je souhaite répondre à M. Gournac, même s'il a de bonnes citations ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
En effet, on n'a pas réussi à me convaincre que les choix du Président de la République n'étaient pas les bons. Ce sont les bons. Quand le Président de la République s'exprime devant le Parlement réuni en Congrès, il scelle un pacte avec la nation. Comme Premier ministre, comme chef du Gouvernement, et pas seulement parce que je respecte les institutions de la Ve République, mais par profonde conviction, je défendrai ce texte jusqu'au bout, parce que je suis persuadé qu'il sera adopté. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C'est la seule chose qui intéresse les Français.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, ne cherchons pas les petites divisions. Au contraire, utilisons vite cette révision constitutionnelle pour conforter le rassemblement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
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