Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - Communiste républicain et citoyen) publiée le 29/01/2016
Question posée en séance publique le 28/01/2016
Mme Laurence Cohen. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, et porte sur la situation de Jacqueline Sauvage, qui a tué son mari après avoir étévictime, avec ses quatre enfants, durant quarante-sept ans, des violences d'un homme les frappant et les violant régulièrement.
La condamnation de cette femme à dix ans de prison, malgré le calvaire enduré par elle-même, ses trois filles et son fils, qui s'est suicidé, ne peut qu'interpeller.
Bien sûr, je n'entends nullement commenter une décision de justice.
M. Alain Fouché. C'est pourtant ce que vous faites !
Mme Laurence Cohen. Cette décision est le résultat d'une application stricto sensu de l'article 122-5 du code pénal, relatif à la légitime défense. Mais elle traduit surtout la non-prise en compte par l'ensemble de la société du fléau que représentent les violences faites aux femmes.
M. Alain Fouché. Et les hommes battus ?
M. Bruno Sido. Eh oui, qu'en est-il des hommes ?
Mme Laurence Cohen. Faut-il rappeler ici que, en 2014, 134 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint dans notre pays ? Faut-il rappeler que les victimes de violences sont en général dans un tel état de sidération que seulement 10 % d'entre elles environ portent plainte ?
Après la décision de justice, confirmée en cour d'appel, dont elle a fait l'objet, Jacqueline Sauvage n'a plus qu'un seul recours : obtenir la grâce présidentielle. À cette fin, des féministes ont lancé une pétition. Cette dernière circule actuellement et je l'ai signée moi-même, comme des milliers de femmes et d'hommes de toutes sensibilités politiques. Je n'en suis que plus étonnée du brouhaha dans lequel je suis contrainte de m'exprimer... Cette pétition devrait totaliser 500 000 soutiens d'ici à la fin de février prochain.
Monsieur le secrétaire d'État, le contexte dans lequel Jacqueline Sauvage a commis cet acte doit être pris en compte. Je sais que François Hollande est sensible à ce motif, et qu'il recevra demain les enfants et les avocats de Jacqueline Sauvage. J'ose y voir un signe positif. Votre réponse sera sans doute de nature à nous éclairer.
Au-delà de cette grâce présidentielle très attendue, pouvez-vous nous indiquer quels moyens financiers et humains le Gouvernement entend mobiliser afin de mieux lutter contre les violences faites aux femmes ? (Applaudissements.)
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 29/01/2016
Réponse apportée en séance publique le 28/01/2016
M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, les applaudissements qu'a suscités votre intervention en témoignent, nous sommes aujourd'hui très nombreux à éprouver de l'émotion...
M. Bruno Sido. C'est vrai.
M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. ... face au cas de Jacqueline Sauvage et, bien au-delà, face au grave problème de société qu'il illustre.
Cette mobilisation est forte et nous l'entendons.
Vous l'avez vous-même précisé, vous n'attendez pas du Gouvernement qu'il commente une décision de justice. Bien entendu, je ne peux pas davantage m'avancer quant à l'accueil d'une demande en grâce destinée à obtenir une annulation ou une réduction de peine. Une telle décision est du ressort total et exclusif du chef de l'État.
Je vous le confirme, les représentants du comité de soutien à Jacqueline Sauvage seront, ainsi que des membres de sa famille, reçus demain par le Président de la République.
Au-delà de cette situation et de cette émotion, que nous entendons, vous m'interrogez avec raison quant à la mobilisation du Gouvernement contre les violences faites aux femmes. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, Pascale Boistard est particulièrement impliquée dans ce combat, et elle le livre avec force. Le Président de la République a fait de ce sujet une priorité de son action et de l'action gouvernementale.(M. Alain Gournac s'exclame à nouveau.) Il a renforcé la lutte contre le viol, crime que l'on déplore encore beaucoup trop fréquemment.
Dans cette lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles, le Gouvernement, je le sais, peut compter sur le soutien de nombre d'entre vous. Il peut également compter sur le concours des collectivités territoriales, des associations et de nombreuses entreprises.
En effet, au-delà de l'action, parfaitement légitime, que déploie l'État, une mobilisation de la société tout entière est nécessaire. Il s'agit de mettre véritablement en mouvement des droits que les intéressés ne font malheureusement pas toujours valoir.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen,secrétaire d'État. Il convient d'agir avec détermination contre ces discriminations et ces violences.
Madame Cohen, à cet égard, votre question permet de rappeler une nouvelle fois l'existence du problème et d'amplifier, sur ce front, la mobilisation de chacun !(Applaudissementssur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. - Mme Annie David et M. Dominique Watrin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d'État, vous l'avez dit avec raison, ce phénomène nous interroge individuellement, et il interroge collectivement notre société.
Dans ce cas précis, des dysfonctionnements sont à déplorer : malgré divers signalements, malgré plusieurs passages aux urgences, Mme Sauvage n'a pas pu échapper aux mains de son bourreau.
Bien entendu, pour garantir l'exercice de la loi, des moyens humains et financiers sont nécessaires. À ce propos, j'attire votre attention sur le rapport que la délégation sénatoriale aux droits des femmes publiera le 11 février prochain, préconisant notamment des moyens financiers et humains pour assurer une formation de tous les acteurs - magistrats, policiers, personnels de santé - et des observatoires contre les violences aux niveaux départemental et régional.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Les violences faites aux femmes sont un fléau que la société doit affronter pour pouvoir s'en libérer.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Chacune et chacun d'entre nous, à commencer bien entendu par les membres du Gouvernement, doit prendre ses responsabilités !(Applaudissementssur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain, ainsi quesur certaines travées du groupe Les Républicains.)
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