Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 11/02/2016
M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur le fait que de très nombreuses éoliennes ont été installées en Moselle dans le secteur d'Obervisse, Narbéfontaine et Momerstroff. Or, celles-ci créent de très importantes perturbations pour la réception des chaînes de télévision. De ce fait, le promoteur des éoliennes a été obligé de fournir aux habitants du territoire concerné un décodeur et un abonnement à la télévision par satellite. Toutefois, lorsque de nouveaux habitants construisent un logement, le promoteur refuse de leur fournir le décodeur et l'abonnement au satellite, sous le prétexte que les éoliennes étaient implantées avant la construction de leur immeuble. Une telle interprétation est, pour le moins, curieuse car cela revient à légitimer un droit à créer de véritables « zones blanches » pour la réception des ondes hertziennes, sans qu'il y ait obligation d'en assumer l'indemnisation. Il lui demande donc si, face à ce type de situation, le promoteur des éoliennes peut exonérer sa responsabilité, en prétextant qu'il a un droit d'antériorité. Par ailleurs, il lui demande si le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a, dans ses attributions, la mission d'intervenir pour faire respecter le principe du droit de chacun à recevoir les chaînes hertziennes de télévision.
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Transmise au Ministère de la culture et de la communication
Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 19/01/2017
Le législateur a confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) une mission de protection de la réception, qu'il partage aujourd'hui avec l'Agence nationale des Fréquences (ANFr), à l'article 22 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit que « le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Agence nationale des fréquences prennent les mesures nécessaires pour assurer une bonne réception des signaux et concluent entre eux à cet effet les conventions nécessaires ». Les conditions dans lesquelles doit être assurée la résorption des troubles à la réception occasionnés par l'édification de constructions sont prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 112-12 du code de la construction et de l'habitation, selon lequel « lorsque l'édification d'une construction qui a fait l'objet d'un permis de construire délivré postérieurement au 10 août 1974 est susceptible, en raison de sa situation, de sa structure ou de ses dimensions, d'apporter une gêne à la réception de la radiodiffusion ou de la télévision par les occupants des bâtiments situés dans le voisinage, le constructeur est tenu de faire réaliser à ses frais, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, une installation de réception ou de réémission propre à assurer des conditions de réception satisfaisantes dans le voisinage de la construction projetée. Le propriétaire de ladite construction est tenu d'assurer, dans les mêmes conditions, le fonctionnement, l'entretien et le renouvellement de cette installation ». Un rapport sur les perturbations de la réception des ondes radioélectriques par les éoliennes, réalisé en 2002 par l'ANFr, a mis en évidence les risques de perturbation non négligeables de la réception radioélectrique, en particulier de la télévision, par les éoliennes en raison de leur capacité à réfléchir et diffracter les ondes électromagnétiques. Dans ce cadre, le CSA peut intervenir après l'édification d'une construction nouvelle (notamment d'un parc éolien) pour constater d'éventuelles perturbations dans la réception audiovisuelle. La mise en place des dispositifs techniques nécessaires pour rétablir la réception de la télévision est effectuée sous le contrôle du CSA. Ainsi qu'en dispose le deuxième alinéa de l'article L. 112-12 précité, le constructeur doit en outre assurer le fonctionnement, l'entretien et le renouvellement de cette installation. Il résulte de l'article L. 112-12 du code de la construction et de l'habitation l'obligation, pour le constructeur du parc éolien, de prendre en charge le rétablissement de la bonne réception des services de télévision pour les habitants déjà présents sur la zone impactée. Cependant, le constructeur n'est pas soumis à l'obligation de rétablir la réception des nouveaux habitants de la zone si l'activité litigieuse est antérieure à l'installation des habitants (propriétaires ou locataires). Telle est l'interprétation constante du CSA de cet article, interprétation conforme à l'intention du législateur de 1974. De fait, une installation propre à résorber le trouble à la réception peut cependant bénéficier aux nouveaux habitants de la zone en cause, s'il s'agit « d'une installation de réémission » à caractère collectif. Ce n'est cependant pas le cas s'il s'agit « d'une installation de réception » à caractère individuel. Lorsqu'un nouveau logement est construit dans la zone en cause, le premier alinéa de l'article L. 112-12 trouve alors application. Il dispose : « Lorsque la présence d'une construction, qu'elle soit ou non à usage d'habitation, apporte une gêne à la réception de la radiodiffusion ou de la télévision par les occupants des bâtiments voisins, son propriétaire ou les locataires, preneurs ou occupants de bonne foi ne peuvent s'opposer, sous le contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel, à l'installation de dispositifs de réception ou de réémission propres à établir des conditions de réception satisfaisantes. L'exécution de cette obligation n'exclut pas la mise en jeu de la responsabilité du propriétaire résultant de l'article 1384 du code civil. » Dans un tel cas de figure, obligation est ainsi faite de permettre la mise en place d'une installation de réémission, qui n'est cependant pas à la charge du propriétaire ou constructeur de l'immeuble. Dans les deux cas de figure visés au premier et au deuxième alinéa de l'article L. 112-12 (présence d'une construction ou édification d'une construction nouvelle), il incombe au CSA de s'assurer que ces obligations sont bien respectées. En cas de carence du constructeur ou du propriétaire, l'instance de régulation peut, après mise en demeure non suivie d'effet dans un délai de trois mois, saisir le président du tribunal de grande instance pour obtenir leur exécution des obligations susvisées. En pratique, le CSA n'a le plus souvent pas besoin de mettre en uvre cette dernière procédure. En toute hypothèse, les nouveaux habitants des zones en cause peuvent également bénéficier du dispositif de réception satellitaire des chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre (TNT) mis en place par le législateur pour les téléspectateurs des zones non couvertes par la TNT. L'article 98-1 de la loi du 30 septembre 1986 fait ainsi obligation aux chaînes nationales gratuites de la TNT de mettre leurs services à la disposition d'au moins un distributeur de services par satellite en vue de la constitution d'une offre gratuite mise à la disposition des téléspectateurs sur l'ensemble du territoire. La question écrite n° 19953 relative à la responsabilité d'un promoteur d'éoliennes d'assurer la bonne réception de la télévision hertzienne pour les habitants présents et futurs d'une zone dans laquelle l'installation brouille le signal hertzien a effectivement nécessité un délai d'instruction important du fait de sa complexité juridique. La ministre de la culture et de la communication a souhaité apporter à cette question des éléments de réponse en concertation avec le CSA, chargé par la loi du contrôle de ces dispositions. L'analyse approfondie des débats parlementaires, de la pratique constante de l'instance de régulation, ainsi que de la jurisprudence, fait apparaître que l'obligation définie au deuxième alinéa de l'article L. 112-12 du code de la construction et de l'habitation pour l'édification d'une construction n'est susceptible de bénéficier qu'aux habitants déjà présents dans la zone au moment de l'édification de l'installation litigieuse. Le constructeur n'est donc pas soumis à l'obligation de garantir la réception de la télévision hertzienne aux nouveaux habitants de la zone si l'activité litigieuse est antérieure à l'installation des habitants (propriétaires ou locataires).
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