Question de Mme DAVID Annie (Isère - Communiste républicain et citoyen) publiée le 02/03/2016

Question posée en séance publique le 01/03/2016

Mme Annie David. Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé le report de deux semaines de la présentation en conseil des ministres de la réforme du code du travail. Or, ce que nous demandons, c'est le retrait de ce texte ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

C'est également la demande des 850 000 signataires de la pétition « Loi travail, non merci ! », des organisations syndicales – CGT, FSU, Solidaires ou FO –, de nombreux mouvements de jeunesse, y compris de votre propre parti, ou encore de nombreuses personnalités de gauche, monsieur le Premier ministre.

Toutes ces personnes, tous ces mouvements, qui connaissent le monde du travail, qui défendent les valeurs d'une gauche progressiste et sociale, vous demandent de ne pas persévérer dans la remise en cause des droits des salariés. Pourquoi ne pas les écouter ?

Après la loi Macron et l'extension du travail dominical, vous remettez aujourd'hui en question les protections dont bénéficient les travailleurs mineurs ou à temps partiel, les durées maximales de travail, qui pourraient être portées à soixante heures, la hiérarchie des normes ou encore le fractionnement des onze heures de repos par tranche de vingt-quatre heures !

Vous détruisez le code du travail, que vous jugez, comme M. Gattaz, trop protecteur pour les salariés. Mais écoutez nos concitoyennes et nos concitoyens, écoutez-les parler de leur travail, des souffrances qu'ils endurent ! Écoutez nos jeunes qui, rassemblés derrière le hashtag OnVautMieuxQueCa, racontent, dessinent, écrivent ce que le travail et la précarité leur font subir. Ces jeunes, qui nous donnent rendez-vous le 9 mars, ont raison : les salariés de notre pays méritent mieux que tout cela !

Oui, monsieur le Premier ministre, nous demandons le retrait de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

- page 3186


Réponse du Premier ministre publiée le 02/03/2016

Réponse apportée en séance publique le 01/03/2016

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, un projet de loi a été préparé par la ministre du travail, Myriam El Khomri, et transmis au Conseil d'État. Il devait être présenté en conseil des ministres le 9 mars prochain. Nous avons considéré que nous pouvions nous donner quelques jours supplémentaires, ce qui nous permettra de recevoir de manière bilatérale, avec la ministre du travail et le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, l'ensemble des organisations syndicales et patronales au début de la semaine prochaine. Au début de la semaine suivante, je les recevrai de façon plénière pour leur présenter le fruit de ces discussions, qui devraient donner lieu à des propositions d'approfondissement, de modification du texte, à travers une lettre rectificative qui sera adressée au Conseil d'État, de manière que le texte puisse être examiné et adopté en conseil des ministres le 24 mars prochain.

Ce délai, nécessaire à la discussion et à la levée d'un certain nombre d'incompréhensions, permettra aussi de dénoncer certaines inexactitudes qui ont malheureusement pu être colportées et de corriger ce qui doit l'être.

Le texte sera examiné d'abord par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, sans doute au début d'avril, afin que les députés puissent en débattre en séance publique après les vacances parlementaires du même mois. À quelques jours près, il n'y aura donc pas de changement de date par rapport à ce qui avait été prévu.

Je souhaite dialoguer avec les organisations syndicales et patronales. Ce texte est issu d'une très longue réflexion, qui a débuté, pour le moins, lors de l'examen de la loi Macron et de la loi Rebsamen, puisqu'un débat sur les barèmes des prud'hommes s'était déjà tenu à cette occasion. À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, il était clair pour tout le monde que ce sujet serait abordé dans le projet de loi sur le travail.

J'ai d'abord confié une mission à Jean-Denis Combrexelle sur la négociation dans l'entreprise, puis une autre à Robert Badinter sur les principes essentiels du droit du travail. Bon nombre d'éléments figurant dans leurs rapports respectifs ont été intégrés au texte.

À la suite de l'adoption par le Parlement du principe du compte personnel d'activité, une négociation s'est engagée, qui est dans la main des partenaires sociaux. Nous devrons sans aucun doute enrichir ce dispositif, en particulier au niveau du Parlement, à l'issue de la discussion avec ces derniers.

Par ailleurs, des avancées incontestables ont déjà été rendues possibles en matière de médecine du travail, de détachement de travailleurs, sujet qui suscite beaucoup d'inquiétudes, de négociation dans l'entreprise... Je fais en effet confiance à l'ensemble des partenaires sociaux.

C'est dans cet esprit que nous allons travailler. J'entends évidemment les slogans, les accusations des uns et des autres. Ma conviction est qu'il faut réformer, non pour le plaisir de le faire, mais pour donner plus de liberté aux entreprises. Qui d'entre vous n'a reçu, dans sa permanence, des responsables de petites ou moyennes entreprises qui expriment leurs réticences à embaucher en raison, notamment, des craintes que leur inspirent les procédures prud'homales ? Partons aussi de la jurisprudence dans ce domaine, marquée d'ailleurs par des disparités selon les départements.

Parallèlement, il faut assurer un certain nombre de protections aux salariés. Je récuse évidemment toutes les caricatures relatives à un retour au XIXe siècle. De quoi s'agit-il ? De donner aux entreprises davantage de liberté, de souplesse, de flexibilité et de renforcer la négociation en leur sein. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Cela était d'ailleurs au cœur du pacte de responsabilité et de solidarité que, pour votre part, vous n'approuvez pas, madame la sénatrice, et c'est tout à fait votre droit, mais qui a reçu le soutien du MEDEF, ainsi que celui des syndicats réformistes.

Par conséquent, il n'y aura pas de retrait du texte, mais nous sommes ouverts à son amélioration. Nous en maintenons bien sûr les principes et les axes, parce que c'est nécessaire pour le pays : il s'agit d'offrir plus de liberté aux entrepreneurs, plus de protection aux salariés, dans un monde économique qui a changé, avec l'« ubérisation » d'une partie de notre économie.

Voulons-nous oui ou non apporter des réponses aux jeunes qui sont au chômage, aux précaires qui ne trouvent pas d'emploi stable, aux chômeurs de longue durée ? Là est le débat de fond, que nous devons mener sereinement, tranquillement, mais avec beaucoup de détermination et de conviction.

M. Jean-Pierre Bosino. Pas de cette manière !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous voulons protéger les salariés, mais ma conviction est que nous devons aussi être capables, madame la sénatrice, de répondre aux attentes de tous ceux qui ne trouvent pas d'emploi. C'est le sens de ce projet de loi, que je suis déterminé à faire aboutir, dans un esprit d'écoute et de responsabilité. Le pays a besoin de cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre réponse, mais de quel dialogue parlons-nous ? Pourquoi n'avoir pas engagé plus tôt le dialogue social avec les organisations syndicales et pourquoi opposer la jeunesse aux salariés ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ce n'est pas ainsi, monsieur le Premier ministre, que vous allez moderniser notre code du travail. Oui, le code du travail a besoin d'être modernisé pour prendre en compte la révolution numérique en cours, qui bouleverse le monde du travail. Cette révolution numérique doit amener des progrès sociaux pour les salariés et non pas profiter seulement aux actionnaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

- page 3187

Page mise à jour le