Question de Mme MORHET-RICHAUD Patricia (Hautes-Alpes - Les Républicains-A) publiée le 06/04/2016

Question posée en séance publique le 05/04/2016

Mme Patricia Morhet-Richaud. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Les magistrats français sont confrontés à toujours plus de missions avec toujours moins de moyens. L'insécurité croissante dans laquelle le pays est plongé aggrave la situation des tribunaux.

Devant le nombre d'affaires à traiter, la Conférence nationale des procureurs de la République a annoncé le désengagement du parquet dans des procédures jugées « non prioritaires ». Voilà qui ouvre encore plus largement la voie à l'impunité !

On observe une grande disparité de délais de jugement sur le territoire. La justice n'est plus la même pour tous sur l'ensemble du territoire français. Dans les Hautes-Alpes, on compte en théorie trois magistrats – un procureur et deux substituts –, puisque le vice-procureur exerce à temps partiel. C'est pourtant cette même équipe, amputée de 20 % de ses effectifs, qui doit assumer toutes les audiences, l'ensemble des permanences, les réunions à l'extérieur et, bien sûr, les déplacements dans un département qui n'a pas été épargné, avec 45 personnes décédées en montagne au cours de l'année 2015.

Alors que notre société se judiciarise, que la délinquance augmente, le ministère public est happé par la lutte contre la radicalisation, sans aucun moyen supplémentaire. Certaines juridictions sont asphyxiées.

Nous l'avons bien compris, monsieur le garde des sceaux, vous estimez que la justice est à bout de souffle. Vous venez de faire un terrible héritage. Or quelles mesures concrètes allez-vous mettre en place pour que l'institution judiciaire reprenne une activité normale, pas seulement à Bobigny où vous avez fait des annonces, mais dans tout l'Hexagone ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC. – M. Philippe Adnot applaudit également.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/04/2016

Réponse apportée en séance publique le 05/04/2016

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Je ne vais pas faire de polémique. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Je pourrais, mais j'ai choisi de considérer la justice comme un élément de rassemblement.

Aujourd'hui, 480 postes de magistrat ne sont pas pourvus. La raison en est simple : en 2008, en 2009, en 2010 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)...

Ce n'est pas de la polémique, ce sont les faits. Je ne cherche pas à faire des effets, mais simplement à ce que chacun comprenne. (Mêmes mouvements.)

En trois ans, 105 postes ont été ouverts au concours, contre 368 cette année.

Mme Sophie Primas. Ça fait quatre ans que vous êtes là !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Ces années-là, moins de 200 greffiers ont été recrutés.

Quand un ministre de la justice ouvre 105 postes en trois ans, alors que tout le monde sait que 1 400 personnes vont partir à la retraite dans les quatre ans à venir, on construit la paupérisation de la justice. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous me forcez à dire la vérité, je vous la dis ; vous voulez des chiffres, je vous les cite !

Mme Sophie Primas. Quatre ans !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Madame la sénatrice, votre juridiction est préservée : les trois postes au parquet sont occupés, de même que les neuf postes au siège. Il manque deux fonctionnaires, des adjoints administratifs ; leur absence sera comblée au mois de septembre. À Gap, pas un effectif ne manquera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Malheureusement, toutes les juridictions ne peuvent pas en dire autant, car les efforts que nous réalisons mettront du temps à se concrétiser.

En attendant, je vous invite à vous rendre avec moi à l'École nationale de la magistrature et à l'École nationale des greffes et à saluer les 368 fonctionnaires et les 761 greffiers que nous allons embaucher ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour la réplique.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le garde des sceaux, voilà quatre ans que votre majorité gouverne ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Le budget de la justice, par habitant, classe désormais la France au trente-septième rang en Europe, juste derrière l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Il y a donc urgence à se consacrer aux vrais problèmes des Français, aux vrais problèmes de la justice. Il n'y a pas de temps à perdre dans d'hypothétiques réformes constitutionnelles.

Soyez concret : sans réorganisation, sans moyens, sans révision des règles qui régissent la procédure pénale, nous nous éloignerons d'une justice sereine et efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)

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