Question de Mme MORIN-DESAILLY Catherine (Seine-Maritime - UDI-UC) publiée le 29/04/2016
Question posée en séance publique le 28/04/2016
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, Mme Najat Vallaud-Belkacem. Elle porte sur l'enseignement des langues vivantes étrangères, dans le contexte de la réforme du collège.
J'aurais préféré, madame la ministre, vous interroger à ce sujet devant la commission de la culture. Votre agenda ne l'a pas permis et je le regrette. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Sans doute ne vous a-t-il pas non plus permis de répondre aux nombreuses questions écrites qui vous ont été adressées à ce sujet par des parlementaires. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Vous avez présenté votre stratégie en faveur des langues vivantes : vous la dites ambitieuse. Nous aimerions y croire, mais il est de notre devoir de vous alerter au sujet de l'effet dévastateur de la suppression, à la rentrée prochaine, des sections européennes et de la majorité des classes bilangues ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Alors que se prépare la rentrée 2016, cette mesure suscite dans nos territoires une inquiétude et une incompréhension, que vous ne sauriez minimiser, chez les parents, les enseignants et les élèves.
Vous le savez, ces sections, injustement taxées d'élitisme, permettent de maintenir une certaine mixité dans les établissements, notamment dans le secteur de l'éducation prioritaire. Au nom de l'égalité, vous les avez supprimées. Mais l'égalité ne consiste pas à offrir moins à tous ; elle permet à chacun de trouver sa voie et son parcours de réussite.
En vérité, votre réforme, comme celle des rythmes scolaires, tend à accroître les inégalités territoriales. (Mais non ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Comprenez-vous donc que nos compatriotes soient choqués d'apprendre que toutes les classes bilangues seront maintenues à Paris, quand 95 % d'entre elles devaient disparaître dans l'académie de Caen et 75 % dans l'académie de Rennes, pour ne citer que quelques exemples ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.) Ce n'est pas notre conception de l'égalité !
M. Jean-Louis Carrère. Oh là là ! Que c'est vilain !
Mme Catherine Morin-Desailly. Ce n'est pas en proposant l'apprentissage d'une deuxième langue vivante dès la classe de cinquième plutôt qu'en quatrième que l'on compensera la perte de la maîtrise des langues et de l'aisance dans leur usage que permettaient ces classes spécifiques. L'apprentissage des langues autres que l'anglais allemand, espagnol, italien, arabe est condamné à être fragilisé et la diversité linguistique, menacée.
Madame la ministre, il est encore temps de faire machine arrière ! Ne serait-il pas plus sage de renoncer à détruire ce qui a fait ses preuves ? En tout état de cause, que ferez-vous pour résorber les inégalités que votre réforme va créer ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 29/04/2016
Réponse apportée en séance publique le 28/04/2016
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Morin-Desailly, honnêtement, quand je vous écoute, je me demande si nous vivions bien dans le même pays ces dernières années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Exclamations et huées sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Je me pose cette question, car, à vous entendre, jusqu'à présent, pour ce qui concerne l'apprentissage des langues vivantes étrangères par nos jeunes collégiens, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ! C'est que vous venez de nous démontrer ! Et les réformes que nous conduisons risqueraient de mettre à mal ce meilleur des mondes. (Protestations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Vous êtes là depuis quatre ans !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Eh bien, je vous invite à vous adresser aux parents : ils vous diront s'ils estiment, eux, que tout allait pour le mieux, s'ils trouvent, eux, que le fait que les jeunes Français soient parmi les pires collégiens de tous les pays qui nous entourent en langues vivantes étrangères était une bonne chose. Et pourquoi une telle situation ? Parce que l'apprentissage n'était pas bon, parce qu'il n'était pas suffisamment précoce, sauf pour les 15 % des élèves qui étaient en effet dans les classes bilangues. C'est cela que vous regrettez de toute votre force aujourd'hui, sans prendre le temps de considérer cette réforme, qui offre à 100 % des collégiens l'avantage de commencer plus tôt l'apprentissage des langues vivantes étrangères. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Non, c'est faux !
M. Christian Cambon. Pas 100 % !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mais je l'assume totalement ; je le répète pour la énième fois devant la Haute Assemblée, j'assume d'avoir voulu donner à tous les élèves français les mêmes chances de réussite (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) plutôt que de réserver celles-ci à quelques-uns. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Maintenant, parlons des classes bilangues. Vous affirmez que nous creusons les inégalités territoriales. Je vous dis de nouveau que la réforme du collège a conduit à mettre fin à des dispositifs dits « de contournement » - les classes bilangues non justifiées, pour une minorité d'élèves à partir de la classe de sixième -, mais à préserver voire à développer les dispositifs dits « de continuité », c'est-à-dire la possibilité pour des élèves qui ont commencé l'apprentissage d'une autre langue vivante que l'anglais à l'école primaire...
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. ... de poursuivre avec celui d'une deuxième langue vivante dès la classe de sixième. Je le sais, cela paraît un peu compliqué, mais il faut se pencher sur le détail des dispositifs quand on veut les juger ou les critiquer.
Dans ce contexte, sachez que nous avons veillé à développer, sur tout le territoire français, les dispositifs de continuité...
M. Jean-Claude Lenoir. Non, ce n'est pas vrai !
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. ... et que cela profitera à tous les élèves, à Rouen comme à Paris, à Amiens, à Marseille ou à Strasbourg. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
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