Question de M. KARAM Antoine (Guyane - Socialiste et républicain) publiée le 28/04/2016
M. Antoine Karam appelle l'attention de M. le Premier ministre sur l'augmentation sensible des violences par armes à feu constatée sur certains sites du parc amazonien de Guyane, l'une des régions les plus riches du monde en matière de biodiversité et particulièrement touchée par l'orpaillage illégal.
Les orpailleurs clandestins s'organisent, saccagent et pillent les ressources au vu et au su des habitants du Haut-Maroni ou du Haut-Oyapock mais également des autorités qui luttent tant bien que mal contre ce véritable fléau social, sanitaire et environnemental.
Autour de l'orpaillage illégal se structurent de véritables filières d'immigration clandestines, des réseaux de prostitution, de délinquance, de trafics d'armes et de drogues. Les échanges de tirs et les assassinats ces dernières années viennent cruellement rappeler que dans ce parc pourtant protégé, l'insécurité est réelle et le climat tendu.
Tout récemment, la justice brésilienne a lancé des mandats d'arrêt contre deux habitants de Camopi qui auraient fait usage de leur arme à l'encontre d'un garimpeiro. Si nos concitoyens ne peuvent être encouragés à se défendre eux-mêmes, il faut souligner le sentiment d'injustice qu'ils peuvent légitimement ressentir au regard des exactions dont ils sont les victimes quotidiennes.
Derrière cette affaire sensible, c'est bien de la lutte contre l'orpaillage illégal dont il est question.
Les résultats de l'opération « harpie » sont incontestables, mais il est désormais illusoire de prétendre que celle-ci suffise aujourd'hui à contenir l'afflux massif d'orpailleurs illégaux sur le sol guyanais.
La France doit mettre en œuvre des solutions complémentaires pour endiguer ce phénomène.
Le développement de la traçabilité de l'or est souvent évoqué, et cette possibilité, aussi coûteuse soit-elle, doit être impérativement étudiée.
Par ailleurs, le renforcement des officiers de police judiciaire ou l'élargissement de leurs compétences à d'autres personnels semblent nécessaires afin d'effectuer davantage de saisies et de destructions de matériels.
Enfin, il est indispensable que la France poursuive la coopération transfrontalière avec le Brésil et le Surinam. Sur le plan militaire, des premières opérations conjointes ont été menées avec succès en 2015 avec les forces brésiliennes et doivent se poursuivre en 2016. Cependant, la France doit surtout insister sur la nécessité d'une meilleure coopération judiciaire avec ses voisins, actuellement peu efficace.
M. le Premier ministre l'avait encore affirmé en octobre 2015 devant la représentation nationale : « la Guyane c'est la France donc nous lui devons soutien et solidarité ! ».
Les territoires isolés comme celui de Camopi ne peuvent rester plus longtemps oubliés de la République. Nos concitoyens doivent y être protégés. Il en va de l'avenir de la Guyane et de l'honneur de la France.
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Transmise au Ministère des affaires étrangères et du développement international
Réponse du Ministère des affaires étrangères et du développement international publiée le 01/09/2016
La lutte contre l'orpaillage illégal s'est intensifiée depuis 2013, et la France a mis en place une nouvelle stratégie. Les opérations de police administrative et de police judiciaire « Harpie », placées sous la double autorité du préfet de la région Guyane et du procureur de la République, constituent le volet coercitif de la lutte contre l'orpaillage illégal. Elles permettent à 120 gendarmes et à 320 militaires des Forces armées en Guyane (FAG) d'occuper durablement les sites les plus importants, et de lutter contre les flux logistiques. Leur bilan opérationnel est très encourageant : le nombre de sites et chantiers illégaux en activité est passé de 380 au 1er janvier 2015 à environ 200 fin mars 2016, soit une baisse de plus de 45 %, et près de 720 sites ont été démantelés au cours de l'année 2015. Les grands sites illégaux comptant plusieurs centaines de personnes, qui existaient il y a encore quelques années, ont désormais disparu de Guyane. Les orpailleurs illégaux sont contraints d'être plus mobiles et de se doter de matériel plus léger et donc de moindre capacité. Le développement de l'activité économique en forêt, par le biais de la procédure accélérée de réinstallation d'opérateurs légaux mise en place en 2013, a en effet eu un impact important en 2014 et 2015. La présence pérenne d'opérateurs miniers en lien avec les forces de sécurité, et leur accompagnement par la gendarmerie et les FAG, ont permis de réduire significativement l'orpaillage illégal dans plusieurs zones (Dorlin, lac de Petit-Saut, Citron par exemple). Enfin, une coopération étroite avec l'Office national des forêts (ONF) et le Parc amazonien de Guyane (PAG) permet de mesurer l'impact de la lutte contre l'orpaillage illégal sur l'environnement. Le nouveau cadre opérationnel a permis d'intensifier la coopération opérationnelle avec les pays frontaliers de la Guyane, Suriname et Brésil. Les FAG ont développé une coopération opérationnelle avec l'armée brésilienne, et les gendarmes ont renforcé les liens avec la police de l'État de l'Amapa. Au printemps 2015, l'opération conjointe Tavara, première du genre, a mobilisé 300 militaires de chaque pays pendant six semaines, pour un résultat très positif. Toutefois, ces succès opérationnels doivent être pérennisés par le renforcement de la coopération institutionnelle et judiciaire avec nos voisins. Le poste de magistrat de liaison à Brasilia est à nouveau pourvu depuis le 1er juillet 2016, ce qui devrait permettre un saut qualitatif. De son côté, l'accord de coopération franco-brésilien signé en 2008 et entré en vigueur le 16 février 2015 prévoit que les autorités françaises et brésiliennes s'engagent à mieux encadrer les activités aurifères légales, à approfondir la prévention et la sanction de l'orpaillage illégal, et à coopérer pour définir un cadre commun de valorisation des filières aurifères légales (méthodes, standards, formations au sein des entreprises). Les autorités françaises vont proposer aux autorités brésiliennes la tenue, dans les prochains mois, d'une réunion bilatérale sur le thème de l'orpaillage, à laquelle seront associés l'ensemble des acteurs de la lutte contre l'orpaillage illégal et de la filière aurifères légale.
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