Question de M. MÉDEVIELLE Pierre (Haute-Garonne - UDI-UC) publiée le 23/06/2016

M. Pierre Médevielle attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. L'autorité de la concurrence a présenté le 9 juin 2016 son avis 16-A-13 proposant aux ministres de la justice et de l'économie une carte d'implantation de nouveaux offices de notaire.

L'autorité de la concurrence a choisi de déterminer la possibilité d'installation des nouveaux offices en fonction des zones d'emploi. Ce choix induit des disparités surprenantes sur les territoires. On constate que deux communes voisines, appartenant au même établissement public de coopération intercommunale (EPCI), qui présentent les mêmes caractéristiques (emploi, démographie, potentiel fiscal…), ne sont pas classées dans la même zone (zone d'installation contrôlée, zone d'installation libre) alors que la seule caractéristique qui les différencie est leur nom.

De plus, il est étonnant de constater que des communes classées en zone de revitalisation rurale sont proposées en zone d'installation libre.

Aussi, il lui demande quelles mesures il envisage de prendre afin que le zonage arrêté soit représentatif des territoires et des situations, logique et compréhensible.

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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire publiée le 12/10/2016

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2016

M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d'État, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite loi Macron, est destinée, entre autres objectifs, à libéraliser et à moderniser l'accès à la profession de notaire et à assurer une offre plus étoffée sur certains territoires.

L'Autorité de la concurrence a présenté, le 9 juin dernier, un avis proposant au ministre de l'économie et des finances, ainsi qu'au ministre de la justice, une carte d'implantation de nouveaux offices de notaire, après quoi M. le ministre de l'économie et des finances a cosigné avec le garde des sceaux l'arrêté établissant la carte d'implantation des nouveaux offices. Cet arrêté, publié au Journal officiel le 20 septembre dernier, définit 247 zones dites « d'installation libre » et 60 autres dites « d'installation contrôlée ».

L'Autorité de la concurrence a choisi de déterminer la possibilité d'installation des nouveaux offices en fonction des zones d'emploi. Or ce choix engendre sur certains territoires des disparités surprenantes et incompréhensibles.

Ainsi, alors que la liberté d'installation doit permettre une localisation de l'offre notariale plus adaptée à la réalité, on constate que deux communes voisines, appartenant au même établissement public de coopération intercommunale et qui présentent les mêmes caractéristiques d'emploi et de démographie, ainsi que le même potentiel fiscal, ne sont pas classées dans la même zone. Il n'y a pourtant que leurs noms pour les différencier…

De même, il est étonnant que des communes dotées d'offices notariés et classées en zone de revitalisation rurale soient proposées en zone d'installation libre, quand des communes plus importantes non classées en zone de revitalisation rurale sont en zone contrôlée.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour que le zonage arrêté soit représentatif des territoires et des situations, logique et compréhensible, et que certaines études classées dans des territoires difficiles, qui connaissent déjà des problèmes sérieux, ne soient pas mises en péril.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur Médevielle, l'établissement de la carte des zones de libre installation des notaires prévue par la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques nécessitait de définir une partition géographique adaptée à l'activité de ces professionnels.

C'est ce qu'ont fait le garde des sceaux et le ministre de l'économie et des finances par un arrêté du 16 septembre dernier, pris sur le fondement d'une étude très approfondie de l'Autorité de la concurrence, dont les conclusions sont exposées dans l'avis rendu par cette instance le 9 juin dernier.

Cette expertise a montré que les zones d'emploi étaient la subdivision territoriale la plus adaptée. Définies par l'INSEE, ces zones correspondent à l'espace géographique où une entreprise trouve l'essentiel de sa main-d'œuvre. Cette maille géographique est celle qui correspond le mieux aux déplacements de l'essentiel de la clientèle d'un notaire lorsqu'elle fait appel aux services de celui-ci. Elle a fait largement la preuve de sa pertinence comme outil de zonage des politiques publiques dans plusieurs domaines : la santé, où elle est appliquée pour les sages-femmes, l'emploi, où elle est utilisée pour le reclassement des salariés, et la redynamisation économique, s'agissant notamment des zones de restructuration de la défense.

L'éventualité d'un recours à la subdivision administrative des établissements publics de coopération intercommunale a été examinée très attentivement, mais elle a dû être écartée. En effet, si ces établissements exercent des compétences économiques, leurs périmètres géographiques procèdent avant tout d'une logique politico-administrative qui ne correspond pas bien aux besoins du zonage de l'activité notariale. En tout état de cause, cette subdivision ne permettrait pas de couvrir l'intégralité du territoire national, puisque, dans seize départements, il existe des communes ne relevant d'aucun établissement public de coopération intercommunale.

Monsieur le sénateur, que deux communes de la même intercommunalité relèvent de deux zones différentes ne crée aucune disparité. Ces cas reflètent le fait que, du point de vue des critères économiques de la zone d'emploi, en particulier du flux des trajets domicile-entreprise, deux communes sont dans des situations sensiblement différentes. Ces différences sont jugées suffisamment importantes pour justifier l'inclusion des communes dans deux zones d'emploi différentes. En d'autres termes, le continuum économique ne suit pas nécessairement la délimitation administrative.

Enfin, il n'est en rien critiquable que certaines communes classées en zone de revitalisation rurale relèvent d'une zone d'installation libre. Ce classement signifie que la présence des notaires y est insuffisante au regard de la demande. En effet, dans son étude, l'Autorité de la concurrence a veillé très attentivement à ne pas bouleverser la profession dans chacune des zones d'installation, en analysant finement la demande adressée aux études notariales.

Nos concitoyens résidant dans des zones de revitalisation rurale ont eux aussi le droit de bénéficier d'une offre de services renforcée par de nouveaux offices, si cela est objectivement justifié. En tout état de cause, le nombre de créations d'office recommandé peut être relativement limité dans ces zones, et tient compte de la faible densité démographique. Souvent, la création d'un seul office est recommandée ; parfois, il s'agit de deux offices.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d'État, je vous entends, mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous.

Que les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale ne soient pas pertinents, c'est entendu, surtout à un moment où ils sont aussi mouvants. En revanche, dès l'entretien que j'ai eu avec M. Macron, je lui ai fait part des doutes que m'inspirait la mission confiée à l'Autorité de la concurrence. Je ne voyais pas très bien ce que l'Autorité de la concurrence venait faire s'agissant des notaires. Ne serait-il pas plus judicieux de s'appuyer sur les études des chambres de notaires, qui quadrillent les territoires et, partant, connaissent parfaitement leurs besoins ?

Avec le système qui a été adopté, des études de la même importance font l'objet de classements différents ; j'ai à l'esprit des exemples concrets près de chez moi. Or le classement en zone de libre installation risque de mettre en péril certaines études rurales qui subissent déjà de plein fouet les baisses de transactions consécutives à la crise. Il me semble qu'il serait plus pertinent, même si l'on garde l'Autorité de la concurrence, de travailler en partenariat avec les chambres de notaires, les professionnels et, pourquoi pas, les élus, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur territoire.

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