Question de M. FOURNIER Jean-Paul (Gard - Les Républicains) publiée le 23/06/2016

M. Jean-Paul Fournier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, au sujet des grandes difficultés que rencontre la filière rizicole française depuis la mise en place de la nouvelle politique agricole commune (PAC). En effet, depuis 2014, les aides couplées ne sont plus possibles pour les riziculteurs de Camargue. Cette démarche avait pourtant permis, depuis une trentaine d'année, de faire de la filière rizicole française, née au XIXe siècle et développée après 1945, une filière dynamique et concurrentielle. Ainsi, depuis la mise en place de cette nouvelle politique, la production a été divisée par deux et les surfaces exploitées se sont effondrées, alors que les riziculteurs avaient fait, depuis quelques années, de nombreux efforts pour produire, avec toujours plus de respect pour l'environnement, un riz de qualité, dont une partie est classée en indication géographique protégé (IGP). À la place des aides couplées, a été proposée la mise en place d'une mesure agroenvironnementale et climatique (MAEC) qui ne donne pas satisfaction. Les 300 euros d'aide promise, dans le cadre de cette MAEC, par hectare, sont en réalité plus proches des 100 euros, engendrant une désorganisation totale de la filière. L'impact est donc tout à fait dommageable pour la production de riz, mais aussi, à terme, pour l'écosystème camarguais. La question est de savoir si le Gouvernement veut que la France continue à produire son propre riz et, plus largement, que les paysages de Camargue restent à l'identique. Ainsi, le retour à l'aide couplée dans le cadre de la réforme à mi-parcours de la PAC serait un signe fort de la volonté nationale de soutenir une production de riz française. À titre de comparaison, les autres pays européens producteurs de riz (Grèce, Italie, Espagne) ont préservé l'aide couplée, garantissant ainsi la production rizicole. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir prendre en compte cette problématique pour renforcer le soutien à la filière rizicole française.

- page 2738


Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère de l'économie et des finances, chargé du numérique et de l'innovation publiée le 16/11/2016

Réponse apportée en séance publique le 15/11/2016

Mme Vivette Lopez. Mon collègue Jean-Paul Fournier, auteur de la question que je m'apprête à poser, ne pouvait être présent ce matin, pour raisons de santé. Il m'a demandé de me faire la porte-parole des riziculteurs, qui sont confrontés à de graves difficultés.

La France s'honore de produire son riz, à hauteur d'environ 30 % de la consommation nationale. Installés principalement dans la zone de Camargue, à cheval sur les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône, nos riziculteurs produisent depuis 1947 un riz de qualité, dont une partie est classée en IGP.

Toutefois, depuis 2012 et surtout 2014, les décisions prises par le Gouvernement font douter de la volonté nationale de préserver une riziculture française. La fin de l'aide couplée aux riziculteurs, décidée dans le cadre de la réforme de la PAC et de son application par le Gouvernement français, a déstabilisé toute une filière.

Je tiens d'ailleurs à préciser, au-delà de l'aspect agricole, l'importance de la riziculture en matière environnementale pour préserver les équilibres de notre Camargue. En effet, l'irrigation des parcelles de riz est un bienfait majeur pour l'humidification des sols, et donc le maintien de l'écosystème camarguais, unique en Europe. Je rappelle que la Camargue est une réserve d'oiseaux tout à fait remarquable, qui voit passer chaque année, outre les emblématiques flamants roses, des centaines d'espèces rares.

Pour compenser la fin de l'aide couplée, l'État a décidé d'augmenter sa part de financement dans le cadre des mesures agro-environnementales et climatiques, les MAEC. Ces dernières sont cofinancées par l'État et l'Europe via le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, deuxième pilier de la PAC, et gérées par les conseils régionaux.

Ainsi, la plupart des riziculteurs se sont engagés dans une amélioration agro-écologique de leur production, en supportant d'importants investissements.

La compensation n'a été qu'un leurre : alors que les riziculteurs ont assumé des coûts supplémentaires, ils n'ont pas reçu l'aide associée. En effet, en 2015, seulement un tiers des sommes promises a été versé ; en 2016, aucune aide n'a été encore perçue. De ce fait, en l'espace de quelques mois, l'ensemble du monde rizicole s'est trouvé grandement fragilisé.

Heureusement, au cœur de l'été, les riziculteurs ont reçu la bonne nouvelle de la remise en place de l'aide couplée à partir de 2017. Si je peux saluer cette sage décision prise par le Gouvernement, je regrette profondément les errances de l'État dans ce dossier.

Durant deux ans, la fin de l'aide couplée et le non-paiement des MAEC ont eu pour effet direct une baisse de 40 % des surfaces exploitées, une diminution du nombre des riziculteurs et un recul des investissements productifs.

L'usine de conditionnement de Soufflet Alimentaire a dû procéder à un plan social. Parallèlement, certains riziculteurs ont abandonné l'exploitation.

Enfin, la disparition des parcelles de riz a engendré en Camargue le développement d'une agriculture spéculative n'apportant aucune plus-value pour la biodiversité du territoire.

Aujourd'hui, l'heure est grave. Les riziculteurs envisagent enfin l'avenir de leur exploitation avec peut-être davantage d'optimisme, mais cet avenir ne sera possible que si les MAEC leur sont vraiment versées pour équilibrer leur budget.

Ma question est double, madame la secrétaire d'État : pouvez-vous nous confirmer officiellement la remise en place de l'aide couplée pour ces agriculteurs en 2017 ? Avez-vous des informations sur le paiement, promis par l'État, des MAEC le plus rapidement possible ?

Plus largement, dans ce flou artistique marqué par les décisions incohérentes du Gouvernement, je vous invite à nous préciser quelle est la politique rizicole de la France. Alors que les autres pays producteurs européens, tels que l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce, ont maintenu l'aide couplée et donc accru leur production, la France n'a pas su donner un cap clair à son action politique dans ce domaine.

Mme la présidente. Madame Lopez, vous avez dépassé d'une minute et trente secondes le temps de parole qui vous était imparti. Vous ne disposerez donc que de trente secondes pour la réplique.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, chargée du numérique et de l'innovation. Madame la sénatrice, vous avez souhaité interroger le ministre de l'agriculture au sujet des soutiens à la filière rizicole française. Stéphane Le Foll m'a demandé de vous répondre, étant retenu ce jour à Bruxelles par le conseil des ministres européens de l'agriculture.

Vous l'avez rappelé, la culture du riz en Camargue contribue à la biodiversité de ce territoire, mais également à la lutte contre la salinisation des sols. Elle est donc très importante pour le développement tant économique qu'écologique de ce territoire spécifique.

Pourtant, les surfaces en riz sont effectivement en diminution depuis 2011, notamment en raison des choix qui ont pu être effectués par les agriculteurs eux-mêmes en faveur d'autres cultures, notamment celle de blé dur. Cette baisse de production s'est toutefois ralentie entre 2014 et 2015, près de 14 000 hectares étant recensés.

Tout à fait conscient de l'intérêt environnemental, économique et territorial de cette culture, le Gouvernement a décidé de mettre en place en 2013 une MAEC spécifique pour le riz. Contrairement à ce que vous avez dit, il ne se désintéresse donc pas de la culture du riz en Camargue.

Cette MAEC, construite conjointement avec les services déconcentrés de l'État, les deux conseils régionaux concernés et les professionnels, permet de rémunérer le maintien, mais aussi l'amélioration, des pratiques culturales existantes.

Ainsi, un exploitant qui souscrira à l'ensemble des engagements pour le maintien des pratiques pourra toucher entre 217 euros et 316 euros par hectare, et jusqu'à 456 euros par hectare s'il souhaite s'engager dans un changement de pratiques. Pour mémoire, l'ancienne aide s'élevait à 350 euros par hectare.

Conformément aux engagements pris par le ministre de l'agriculture, un premier bilan de cette MAEC a été conduit avant l'été : près de 70 % des riziculteurs recensés en Camargue ont décidé de s'engager dans cette mesure en 2015, pour une durée de cinq ans. Les budgets mobilisés par l'État et par les deux régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Occitanie, qui représentent un total de 5,4 millions d'euros par an, permettront de couvrir l'ensemble des besoins identifiés.

Enfin, dans le cadre du bilan transversal à mi-parcours de la politique agricole commune, le ministre de l'agriculture a décidé cet été de mettre en place une aide couplée complémentaire pour le riz. Celle-ci est dotée de 2 millions d'euros, soit une aide supplémentaire de 100 euros par hectare – du même ordre de grandeur que les aides espagnoles ou italiennes que vous avez évoquées –, pour une cible de 20 000 hectares.

Ces mesures montrent bien la volonté et la détermination du Gouvernement à soutenir et à accompagner la filière rizicole, notamment en Camargue. La France est un pays du riz, et nous sommes fiers de la production rizicole camarguaise !

Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez.

Mme Vivette Lopez. Madame la secrétaire d'État, je ne suis pas du tout d'accord avec vos propos. De nombreux riziculteurs ont fait ce qu'ils avaient à faire, mais ils attendent aujourd'hui les financements que vous leur aviez promis. Sommes-nous bien dans la même Europe que l'Italie, l'Espagne ou la Grèce ?

- page 17345

Page mise à jour le