Question de M. BAILLY Gérard (Jura - Les Républicains) publiée le 14/07/2016
M. Gérard Bailly appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la procédure de demande de permis de construire pour les exploitations agricoles.
Les exploitants agricoles qui souhaitent réaliser une construction doivent faire appel à un architecte pour l'instruction de leur dossier de permis de construire afin d'établir le projet architectural de leur future construction. En effet, ce recours à un architecte est rendu obligatoire par l'article L. 431 du code de l'urbanisme qui toutefois prévoit une exception à cette obligation dans son troisième alinéa (article L. 431-3) en autorisant les personnes physiques ou exploitations agricoles à édifier ou modifier, elles-mêmes, une construction de faible importance, dont les caractéristiques et notamment la surface maximum de plancher, sont fixées par décret. Actuellement pour les exploitations agricoles, le seuil de surface maximum est fixé à 800 m2. Pour les agriculteurs, ce seuil est beaucoup trop bas au regard de la situation et des contraintes économiques actuelles, principalement pour les filières d'élevage.
Le recours obligatoire à l'architecte, outre le fait qu'il accroît de 5 à 10 % le coût des projets, complexifie les démarches sans apporter l'expertise réellement nécessaire à la construction de bâtiments agricoles pour lesquels, il serait beaucoup plus approprié de conforter à la fois l'expertise technique (sanitaire, hygiène, sécurité et zootechnie) et l'intégration paysagère.
En effet, un bâtiment agricole constitue un enjeu paysager puisqu'il façonne, à sa façon, le paysage. Il doit donc à la fois répondre à des impératifs concrets pour l'exploitation tout en s'intégrant bien dans le paysage rural. Or à cet égard, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) des départements ont une démarche d'accompagnement plus globale que celle portée par les architectes, en s'intéressant tout particulièrement aux enjeux paysagers et à l'impact visuel qu'aura le futur bâtiment agricole. Quant à l'expertise technique, dont le but est aussi de faciliter le travail de l'exploitant, elle est souvent beaucoup plus présente dans les bureaux d'études des organisations de producteurs que chez les architectes.
C'est pourquoi il lui semble nécessaire de revoir l'actuelle procédure de délivrance des permis de construire pour les exploitations agricoles afin de la moderniser et de l'adapter aux nouveaux enjeux : des bâtiments à la fois adaptés à une agriculture moderne et à ses exigences mais aussi parfaitement insérés dans le paysage. Il souhaiterait donc que le recours obligatoire aux architectes soit remplacé par recours obligatoire aux CAUE départementaux, recours moins coûteux pour les agriculteurs et plus global puisqu'outre le bâtiment à proprement dit, les CAUE pourraient aussi conseiller sur le choix du site, les accès et abords du bâtiment, son entretien, les possibilités d'extension, la bonne gestion des ressources en eau, énergie, etc. À titre d'exemple, il ne peut que lui recommander la lecture du guide pratique conçu par le CAUE du Jura, à partir d'une longue expérience d'accompagnement des agriculteurs dans leur projet de bâtiments d'élevage, guide qui lui semble particulièrement pertinent.
En conséquence, il le remercie de bien vouloir lui indiquer premièrement s'il entend rehausser nettement les seuils de surface plancher et d'emprise au sol pour lesquels le recours à l'architecte est obligatoire, et, deuxièmement, son appréciation sur sa proposition de confier les bâtiments agricoles de plus de 800 m2 aux CAUE départementaux plutôt qu'aux architectes.
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Transmise au Ministère de la culture et de la communication
Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 19/01/2017
L'article 3 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture et l'article L. 431-1 du code de l'urbanisme posent le principe du recours obligatoire à l'architecte pour l'élaboration du projet architectural d'une construction faisant l'objet d'une autorisation. Aux termes de l'article L. 431-3 du code de l'urbanisme, seuls les projets architecturaux des constructions de faible importance sont dispensés du recours obligatoire à l'architecte. Tel est le cas pour ce qui concerne les constructions à usage agricole ayant une surface de plancher et d'emprise au sol inférieure à 800 m2. Ces dispositions sont prévues par l'article R. 431-2 du code de l'urbanisme et l'article 1er du décret n° 77-190 du 3 mars 1977 relatif aux dispenses de recours à un architecte. L'article 112 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a élargi cette dérogation à toutes les exploitations agricoles quelle que soit leur nature, alors qu'une telle dérogation était auparavant limitée aux seules exploitations agricoles à responsabilité limitée à associé unique. Le seuil en deçà duquel il peut être dérogé au recours obligatoire à l'architecte n'a quant à lui pas varié. Le recours à l'architecte constitue une garantie de la qualité des constructions et de leur insertion harmonieuse dans le paysage et plus globalement de l'ensemble des objectifs visés par l'article 1 de loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture. Les milieux ruraux sont particulièrement concernés et sensibles à ces problématiques. Le Gouvernement n'a en conséquence pas souhaité que les constructions qui prennent place dans ces milieux soient privées de l'expertise et des propositions des architectes. Dans leurs variétés, les paysages ruraux sont aussi le socle d'une architecture locale aux typologies traditionnelles. La question de la bonne insertion d'une nouvelle construction dans ces paysages, celle de sa robustesse, est une question d'architecture et c'est pourquoi les architectes en portent la responsabilité en signant le projet architectural des permis de construire. Le recours à l'architecte représente également une garantie de compétence pour la gestion d'un projet tant pour sa conception que pour sa réalisation et pour la maîtrise de son économie et des phases de chantier. En fonction des problématiques, l'architecte, avec ses compétences de généraliste, est à même de dialoguer avec les bureaux d'études techniques, avec les services instructeurs et avec les entreprises de construction et les artisans. Enfin, lors de l'examen de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, le Parlement a souhaité limiter les dérogations au recours obligatoire à l'architecte pour les personnes physiques qui déclarent édifier pour elles-mêmes une construction en abaissant le seuil de 170 m2 à 150 m2, signifiant ainsi son souhait de voir les architectes plus largement associés à l'élaboration du cadre de vie des concitoyens. Le seuil spécifique aux constructions agricoles a pour sa part été maintenu à son niveau actuel de 800 m2. Pour ce qui concerne le rôle des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), celui-ci a été renforcé par la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le CAUE fournit gratuitement, à toute personne qui le désire, les informations, les orientations et les conseils propres à saisir les enjeux paysagers des sites urbains et ruraux concernés et à assurer la qualité architecturale des constructions. Toutefois, il n'entre pas expressément dans les compétences du CAUE de réaliser des missions de maîtrises d'uvre, comme le dispose l'alinéa 3 de l'article 7 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture.
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