Question de Mme PEROL-DUMONT Marie-Françoise (Haute-Vienne - Socialiste et républicain) publiée le 08/09/2016
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'aggravation de la fracture sanitaire.
Une étude de l'association de consommateurs UFC-Que choisir publiée à l'été 2016 sur l'accès aux soins de ville et les dépassements d'honoraires démontre que, entre 2012 et 2016, l'accès à un médecin généraliste à moins de 30 minutes du domicile s'est dégradé pour plus du quart de la population. En 2016, 14,6 millions de personnes, soit 23 % de la population métropolitaine, ont des difficultés pour rencontrer un médecin de famille à moins de trente minutes de leur domicile et 5 % d'entre eux (3,2 millions) vivent dans un désert médical, marqué par une densité médicale inférieure de 60 % à la moyenne nationale.
Le constat est encore plus préoccupant concernant l'accès à un spécialiste à moins de 45 minutes. En quatre ans, l'accès à un ophtalmologiste a diminué pour 38 % des Français, à un pédiatre pour 40 % et à un gynécologue pour 59 %.
La situation se dégrade encore plus vite si on prend en compte l'accès à des spécialistes ne pratiquant pas de dépassements d'honoraires (secteur 1) : au tarif de la sécurité sociale, l'offre a reculé pour plus de la moitié des usagers, quelle que soit la spécialité étudiée (hors généralistes). 80 % de la population vit dans une zone déficitaire en gynécologues et en ophtalmologistes de secteur 1.
Selon cette même étude, non seulement de plus en plus de médecins facturent des dépassements d'honoraires, mais le montant moyen des dépassements d'honoraires en quatre ans a lui aussi progressé : de 5 % pour les gynécologues, soit un taux moyen de dépassement par rapport au tarif de la sécurité sociale de 104 %, de 3,5 % pour les ophtalmologistes (soit un taux moyen de dépassement de 84 %), et enfin de 8 % pour les pédiatres pour atteindre une moyenne de dépassement de 82 %.
Pour l'association de consommateurs, ces chiffres démontrent « le dispendieux échec » du contrat d'accès aux soins (CAS) destiné à réguler les dépassements d'honoraires, qui « attire trop peu de médecins », estime-t-elle.
Face à ces constats, l'association propose de fermer l'accès au secteur 2 (honoraires libres) et de ne laisser aux nouveaux installés que le choix entre le secteur 1 (tarif de la sécurité sociale), sur lequel les aides publiques seraient recentrées, et le CAS. Elle souhaite également que les médecins libéraux ne puissent s'installer dans des zones déjà surdotées qu'à la condition d'exercer en secteur 1 et que l'installation en CAS demeure possible en dehors de ces territoires.
Elle lui demande donc son opinion sur ces propositions.
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Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée le 01/12/2016
Depuis 2012, le Gouvernement s'est fortement engagé pour améliorer l'accès aux soins de proximité, réduire les inégalités entre les territoires et lutter contre les déserts médicaux. Cet engagement a été traduit dès fin 2012 par la mise en uvre du « Pacte territoire santé ». Composé de 12 engagements, ce pacte repose sur le pragmatisme et mobilise tous les leviers, de la formation aux conditions d'exercice. Trois ans après son lancement, le « Pacte territoire santé » affiche des résultats positifs qui démontrent qu'une nouvelle dynamique est bel et bien lancée. L'un des axes fondamentaux de ce Pacte concernait les projets d'exercice coordonné. Les maisons et les centres de santé renforcent l'attractivité des territoires pour les professionnels de santé et améliorent la qualité des soins et du suivi médical, grâce à une prise en charge complète des patients dans un lieu central et adapté. L'essor de ces projets est significatif depuis le lancement du Pacte, ce qui confirme qu'ils répondent aux attentes des professionnels de santé et notamment des plus jeunes : il y avait 174 maisons de santé pluri-professionnelles en 2012, il y en a plus de 800 aujourd'hui. Le Gouvernement a fixé lors du comité interministériel aux ruralités du 20 mai 2016 de nouveaux objectifs plus ambitieux : fin 2017, 1 200 MSP seront réparties sur tout le territoire, notamment dans les zones fragiles et 1 400 en 2018. Pour encourager l'installation de nouveaux praticiens dans les zones sous-denses, a été créé le Contrat d'engagement de service public (CESP) qui s'adresse aux jeunes en formation (futurs médecins ou dentistes). Il leur permet de bénéficier d'une bourse en contrepartie d'une installation en zone fragile, pour une durée équivalente à celle de l'aide. 1 750 jeunes se sont engagés dans le dispositif depuis sa création, près de 450 contrats nouveaux ont été signés rien que sur la campagne 2014-2015. Le Gouvernement s'est engagé sur une nouvelle cible de 2 100 contrats signés en 2017 et 2 550 en 2018. Les contrats de praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG) permettent eux de sécuriser l'installation des jeunes médecins au cours de leurs deux premières années d'installation. Ce contrat a permis l'installation de près de 600 professionnels dans des territoires manquant de médecins. Fort de ce succès, ce contrat a été étendu en 2015 aux autres spécialités médicales avec la création de praticiens territoriaux de médecine ambulatoire (PTMA). Pour assurer l'accès aux soins urgents sur l'ensemble du territoire, il a été décidé de mettre en place de manière prioritaire des médecins correspondants du SAMU (MCS). Une véritable dynamique s'est créée autour des fonctions de MCS : 150 en 2012 et désormais plus de 580. Les fonctions de MCS séduisent notamment les jeunes médecins grâce à des conditions d'exercice sécurisées, une formation adaptée et attractive grâce au lien accru avec l'hôpital et le SAMU ainsi qu'un accompagnement juridique et financier. Les MCS interviennent dans des territoires où le délai d'accès à des soins urgents était supérieur à 30 minutes. Cet accès aux soins urgents en moins de 30 minutes est devenu une réalité pour un million de personnes en plus. Le succès des différentes mesures initiées depuis 2012 confirme la pertinence et la cohérence du « Pacte territoire santé ». Afin de poursuivre dans cette voie et conforter ces résultats, il convient de l'approfondir. C'est l'objectif du « Pacte territoire santé 2 » annoncé le 26 novembre 2015. Ce pacte se décline en 10 engagements, qui s'appuient sur 2 axes volontaristes : amplifier les actions menées depuis 2012 et innover encore dans la formation et les conditions d'exercice, pour renforcer l'attractivité de la médecine libérale sur tous les territoires. Parmi les mesures du Pacte 2 figure l'augmentation du numerus clausus dans les régions en tension afin de renforcer le passage de relais entre les futurs médecins et les professionnels qui partiront en retraite dans quelques années. Cette hausse est à prise d'effet immédiat et représente 6,4 % du numerus clausus dans 10 régions manquant de médecines soit 131 étudiants en plus sur l'ensemble du territoire national. Elle est combinée à un programme de fidélisation des étudiants dans ces territoires en tension. Par ailleurs, le nombre de spécialistes formés en accès direct a été augmenté entre 2011 et 2015 (pédiatrie : + 17 %, gynécologie : + 22 %, ophtalmologie : + 42 %). À la suite de la « Grande conférence santé », le comité interministériel aux ruralités a également intégré l'objectif de modulation régionale du numérus clausus pour les études de médecine, afin d'améliorer la répartition territoriale des médecins par une action sur la formation initiale avec une meilleure prise compte des besoins sur les territoires. Figurent également dans le Pacte 2 des objectifs ambitieux d'ici 2017 : 1 000 installations de généralistes et spécialistes soutenues par des contrats de praticiens territoriaux de médecine générale ou ambulatoire ; 700 médecins correspondants des urgences, formés et équipés, prêts à intervenir pour des soins urgents dans des territoires isolés ; 1 000 maisons de santé en fonctionnement Le Pacte 2 porte également la mise en uvre de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, en particulier le renforcement du « virage ambulatoire » : un rééquilibrage entre les soins de ville et l'hôpital, une prise en charge renforcée des patients par les professionnels de santé libéraux. La convention médicale signée cet été entre les syndicats représentatifs des médecins libéraux et l'union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) participe de cette volonté politique en orientant ses mesures vers l'égalité d'accès aux soins. Afin de renforcer l'attractivité de la médecine générale, la consultation a été majorée de 23 à 25 euros et des nouveaux tarifs ont été créés pour valoriser les actes complexes et permettre une prise en charge plus adaptée aux besoins des patients. Pour favoriser l'accès rapide à un médecin spécialiste, la convention incite financièrement les praticiens à prendre en charge sous 48 heures un patient adressé par un de leur confrère. La nouvelle convention va également renforcer la lutte contre les déserts médicaux en instaurant une aide pouvant aller jusqu'à 50 000 euros pour les professionnels qui décide de s'installer dans ces zones. Enfin, pour diminuer la charge administrative et recentrer les professionnels vers leur activité de soins, les médecins seront accompagnés financièrement dans la mise à jour des logiciels compatibles avec l'automatisation du tiers-payant. Au final, c'est donc un ensemble de mesures incitatives cohérent qui doit permettre progressivement, avec l'action déterminée des agences régionales de santé en lien avec les différents acteurs des territoires, d'apporter des réponses à la problématique d'accès aux soins dans les territoires en tension. Par ailleurs, si la question des dépassements d'honoraires reste naturellement importante, il est faux de dire que ceux-ci continuent d'augmenter. En effet, le dernier rapport de la direction de la recherche, des études de l'évaluation et des statistiques (DREES) sur les dépenses de santé en 2015 a été présenté à la Commission des comptes de la santé le 5 septembre 2016. Il constate que la part des dépenses de santé supportée par les ménages a diminué, pour la quatrième année consécutive, de 0,2 point : alors qu'en 2011, 9,3 % des dépenses de santé restaient à leur charge, cette part a diminué à 9,1 % en 2012, à 8,8 % en 2013, à 8,6 % en 2014. Elle s'établit à 8,4 % en 2015, soit un niveau historiquement bas. La baisse depuis 2011 atteint près de 1 point (0,9), soit environ 1,7 Md. Malgré la progression continue des dépenses de santé, les dépenses à la charge des ménages ont diminué en valeur absolue. Par ailleurs, la part des dépenses à la charge des complémentaires ayant également poursuivi son recul, ces résultats sont atteints grâce à la progression de la prise en charge solidaire des dépenses de santé, par la Sécurité sociale (ainsi que l'État et la CMU-c) : elle couvre 78,2 % des dépenses en 2015 contre seulement 77,1 % en 2011. Cette augmentation concerne la plupart des types de soins, et notamment les soins réalisés en ville, y compris les soins dentaires et l'optique. S'agissant de ce dernier poste, les prix ont diminué en 2015 (de 0,3 %), pour la première fois depuis 2001. La baisse du reste à charge traduit une politique de santé résolument tournée vers l'accès aux soins, qui a refusé de recourir aux mesures de franchises, forfaits et déremboursements qui avaient abouti à transférer des charges de l'assurance maladie vers les complémentaires et les ménages, et s'était traduite par une nette progression du reste à charge entre 2007 et 2011. Enfin, il faut noter concernant les dépassements d'honoraires que la baisse est constatée chez tous les médecins de secteur 2 mais plus marquée chez les médecins de secteur 2 signataires du contrat d'accès aux soins (CAS). Ainsi, entre 2012 et 2015, le taux de dépassement a diminué globalement de 7 points pour les spécialistes signataires du CAS et parallèlement leur taux d'actes à tarif opposable a lui augmenté de 8 points. À noter également que parmi les nouveaux médecins qui choisissent d'exercer en secteur 2, le choix du secteur 2 en CAS représente 27 % en 2015. La détermination du Gouvernement pour permettre un accès aux soins de qualité et de proximité pour tous est totale. Elle nécessite également la mobilisation de l'ensemble des acteurs locaux concernés : agences régionales de santé, collectivités territoriales et professionnels de santé.
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