Question de M. BIGNON Jérôme (Somme - Les Républicains) publiée le 24/11/2016
M. Jérôme Bignon attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion sur la situation des enfants et jeunes adultes handicapés et de leurs parents, inquiets et dépourvus de solutions d'accompagnement adaptées.
En effet, selon les chiffres de l'union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (UNAPEI), 47 500 personnes handicapées sont toujours en attente d'un accompagnement de proximité et 6 500 autres sont accueillies en Belgique par le biais d'un financement de la sécurité sociale, faute de solution en France.
Le manque de places disponibles au sein d'établissements spécialisés laisse des familles dans un grand désarroi. L'accès, notamment aux instituts médico-éducatifs (IME), dédiés aux enfants et adolescents selon l'orientation évaluée par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en lien avec les familles, est rendu difficile en raison des listes d'attente considérables qui engendrent pour les postulants des difficultés très lourdes, les jeunes adultes handicapés étant contraints de prolonger leur séjour, faute de places dans des établissements adaptés à leur âge et à leur progression (établissement et service d'aide par le travail - ESAT, foyer d'accueil médicalisé - FAM, maison d'accueil spécialisée - MAS), entraînant ainsi la fin des progrès, voire même des cas de régression.
L'IME d'Abbeville en est un exemple concret avec une liste d'attente d'une soixantaine d'enfants qui sont sans réelle prise en charge. Les solutions alternatives, essentiellement tournées vers l'inclusion en milieu scolaire s'avèrent inadaptées et inopérantes pour de nombreuses familles et provoquent des situations dramatiques qui ne peuvent plus être laissées sans réponse rapide.
Aussi, il lui demande quelles dispositions et quels financements d'urgence l'État compte enfin prendre pour permettre aux jeunes adultes handicapés de pouvoir intégrer les établissements appropriés et ainsi libérer les places en IME devenus inadaptés aux jeunes adultes mais indispensables aux enfants et jeunes adolescents handicapés.
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du ministère des affaires sociales et de la santé, chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 22/02/2017
Réponse apportée en séance publique le 21/02/2017
M. Alain Vasselle, en remplacement de M. Jérôme Bignon. Monsieur le président, mon collègue Jérôme Bignon m'a demandé d'interpeller le Gouvernement sur les problèmes que nous rencontrons, d'une manière récurrente en France, en ce qui concerne le nombre de places disponibles pour l'accueil des enfants et adultes handicapés.
Le cas des enfants et jeunes adultes sans solution pour un accueil et un accompagnement adaptés à leur handicap pose la question de l'égalité des chances dans une République sociale et solidaire.
Selon l'UNAPEI, l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis, 47 500 personnes attendent une place en structure, 6 500 autres sont accueillies en Belgique grâce à un financement public sécurité sociale ou département , faute de réponses en France. Les établissements belges sont une alternative, mais ne constituent pas un recours pour tous ; ils sont principalement tournés vers les enfants atteints d'autisme, moins vers ceux qui présentent d'autres formes de handicap.
Un programme visant à éviter ces départs a bien été lancé en 2015, avec un fonds d'amorçage de 15 millions d'euros.
La première question que pose Jérôme Bignon concerne la pérennité de ce fonds et son inscription dans le temps pour la mise en uvre d'actions prioritaires. Qu'en est-il aujourd'hui, madame la secrétaire d'État ?
Le manque de places laisse des familles dans un désarroi abyssal.
L'accès aux IME, les instituts médico-éducatifs, pour des enfants et préadolescents orientés par les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, est aujourd'hui impossible, les listes d'attente étant interminables. Ces listes sont dues à la situation des jeunes adultes handicapés, contraints de prolonger leur séjour en IME, faute de places dans des établissements adaptés à leur âge et à leur évolution. L'allongement de la vie pour nos concitoyens handicapés en est une raison.
L'IME d'Abbeville est un exemple révélateur : plus de soixante enfants restent sans prise en charge adaptée et on annonce aux parents des délais d'admission pouvant aller jusqu'à cinq ans ! Le 10 décembre dernier, un collectif départemental est né pour faire entendre la voix des familles exaspérées.
La solution de l'inclusion scolaire, dont les moyens et les organisations sont d'ailleurs à revoir, s'avère inadaptée pour nombre d'enfants concernés, alors que des situations dramatiques ne peuvent être laissées sans recours.
Madame la secrétaire d'État, quelles dispositions d'urgence l'État compte-t-il mettre en uvre pour permettre à ces enfants, adolescents et jeunes adultes d'intégrer, en temps, des établissements répondant à leur situation, les structures existantes pouvant dès maintenant les accueillir par simple extension de leur autorisation, comme le prévoit la réglementation actuelle ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les difficultés rencontrées par les parents d'enfants et d'adolescents en liste d'attente pour un institut médico-éducatif situé à Abbeville, dans la Somme.
Ces difficultés perdurent depuis de nombreuses années sur l'ensemble du territoire. Pourtant, depuis plus de dix ans, tous les gouvernements successifs ont favorisé l'ouverture, à un rythme soutenu, de places pour les enfants et les adultes en situation de handicap, que ce soit en établissement ou en service. À titre d'exemple, entre 2012 et 2016, 19 000 places ont été ouvertes partout en France. Malgré cela, il y a toujours des situations sans solution.
Quand je suis arrivée dans ce ministère, j'ai d'abord constaté que nous ne disposions pas réellement de chiffres, tant sur le nombre de places éventuellement disponibles que sur les besoins. En effet, les systèmes d'information des maisons départementales des personnes handicapées n'étaient pas uniformes et ne permettaient ni d'avoir des chiffres agrégés au niveau national ni de suivre les enfants et les adultes une fois qu'ils étaient orientés. Concrètement, personne ne savait combien de personnes orientées, par exemple en foyer d'accueil médicalisé ou en IME, trouvaient effectivement une place adaptée à leur situation.
Nous avons donc travaillé avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, et l'association des MDPH pour la mise en place d'un système d'information idoine. Nous avons fait de même avec les agences régionales de santé. Un dispositif appelé ViaTrajectoire a ainsi été développé pour connaître l'état de l'offre en temps réel, dispositif qui va être généralisé.
Enfin, nous avons mis en place une nouvelle disposition permettant aux personnes qui n'ont pas de solution, alors qu'elles ont été orientées, de se retourner vers la MDPH. Grâce à la loi de modernisation de notre système de santé, promulguée en janvier 2016, celle-ci pourra, à compter du 1er janvier 2018, rassembler l'ensemble des acteurs concernés et mettre en uvre un plan d'accompagnement global. Environ quatre-vingt-dix départements, dont la Somme, appliquent par avance cette démarche.
En ce qui concerne spécifiquement Abbeville, pour désengorger l'IME, qui est géré par l'ADAPEI, un service d'éducation spéciale et de soins à domicile de dix places a été créé pour accompagner des enfants vivant avec des troubles du spectre autistique.
En 2016, un travail spécifique sur l'ensemble des enfants en liste d'attente a été réalisé pour leur proposer des solutions individualisées. Je demande bien évidemment à l'ARS de faire le même travail pour 2017.
Pour améliorer les sorties d'IME pour les jeunes adultes, des extensions ont été faites pour des établissements adultes afin de libérer des places : quatre places dans le foyer d'accueil médicalisé de Nouvion-en-Ponthieu et six dans la maison d'accueil spécialisé de Saint-Valery-sur-Somme. Il faut aussi noter la création d'un foyer d'accueil médicalisé de quinze places de semi-internat dans l'agglomération d'Amiens.
Enfin, je veux vous rassurer : le fonds de 15 millions d'euros dédié aux places en Belgique est pérenne. En outre, l'ARS des Hauts-de-France pourra engager 3 millions d'euros dès 2017sur l'enveloppe de nouveaux crédits de 180 millions d'euros annoncée par le Président de la République en mai dernier.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il y a peut-être eu quelques progrès en matière d'accueil d'enfants et de jeunes adultes handicapés, mais beaucoup reste à faire !
Certes, les quelques mesures d'extension dans des établissements du département de la Somme vont répondre à une partie de l'attente des parents, mais on est loin de la satisfaction de la totalité des besoins.
Madame la secrétaire d'État, je prends acte des informations que vous nous avez données et j'espère que l'absence, que vous avez dénoncée, de connaissance à la fois des besoins et de l'offre va vous amener à prendre des actions décisives.
Pour les familles concernées, il n'est pas vivable de se trouver dans l'attente d'une place dans tel ou tel établissement. J'ose espérer que la réunion de tous les acteurs au sein des MDPH permettra de faire avancer ce sujet et que nous n'aurons plus à questionner, de nouveau, le Gouvernement dans les années qui viennent.
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