Question de M. FORTASSIN François (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 16/12/2016
Question posée en séance publique le 15/12/2016
M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne le respect d'un principe auquel nous sommes tous ici, du moins je l'espère, très attachés, parlementaires comme membres du Gouvernement.
Ce principe est celui de la séparation des pouvoirs, séparation entre l'exécutif et le législatif bien sûr, mais aussi séparation entre le pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire, celle qui garantit l'État de droit dans une démocratie.
Or, monsieur le ministre, vous savez l'inquiétude du monde judiciaire, pour ne pas dire davantage, que suscite le décret du 5 décembre dernier réformant l'inspection générale des services judiciaires, en d'autres termes le contrôle par votre administration des juridictions.
Alors qu'auparavant ce contrôle se limitait aux juridictions « du premier et du second degré », tribunaux de grande instance et cours d'appel, ce décret fait entrer la Cour de cassation dans le champ de ce contrôle.
Sans tarder, le premier président et le procureur général de la Cour de cassation ont écrit au nouveau Premier ministre. Ils ont finalement été reçus à la Chancellerie, à leur demande, samedi dernier. Ils ont été reçus, mais ils n'ont pas été convaincus ni même rassurés par l'explication donnée, à savoir que cette inspection unique était une « proposition de la Cour des comptes » et qu'elle « n'avait pas compétence pour se prononcer sur l'acte de juger ». Si on n'en attendait pas moins, on pouvait en attendre un peu plus !
Monsieur le ministre, en soumettant la Cour de cassation, garantie ultime de la liberté individuelle, au contrôle d'un service placé sous l'autorité du Gouvernement, comprenez-vous que l'on puisse considérer que ce décret porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs ?
Pourquoi ne pas rattacher cette inspection générale au Conseil supérieur de la magistrature, seul garant de l'indépendance de la justice ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
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Réponse du Secrétariat d'État, auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement publiée le 16/12/2016
Réponse apportée en séance publique le 15/12/2016
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le décret du 5 décembre 2016 portant création de l'inspection générale de la justice applique à la Cour de cassation le régime appliqué depuis des années à toutes les autres juridictions judiciaires. (M. Jacques Mézard fait un signe de dénégation.)
Jusqu'à présent, ni le Conseil supérieur la magistrature ni la Cour de cassation n'y avaient perçu une volonté des gouvernements successifs de porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs, et ce pour une raison très simple : les contrôles de fonctionnement des juridictions sont en réalité des audits effectués par des magistrats, dont l'indépendance est renforcée par la loi organique du 8 août 2016.
Cette loi a notamment créé l'inspection générale de la justice, sur proposition de la Cour des comptes, et elle avait fait l'unanimité lors de son adoption par le Parlement cet été.
Cette loi a également renforcé l'indépendance de ses membres et consacré explicitement leur appartenance au corps judiciaire, avec toutes les garanties statutaires qui s'y rapportent.
Il résulte de la Constitution que l'inspection n'a évidemment pas compétence pour se prononcer sur l'acte de juger. Depuis 2012, monsieur Fortassin, toute la politique des gouvernements Ayrault, Valls et aujourd'hui Cazeneuve a permis de restaurer le respect dû à l'institution judiciaire, notamment par un suivi scrupuleux des avis du Conseil supérieur de la magistrature en matière de nominations, par la défense d'une réforme constitutionnelle du statut du parquet, qui n'a pu aboutir à cause de l'opposition et, enfin, par l'inscription dans loi de l'interdiction faite au ministre de la justice de donner des instructions individuelles.
Vous voyez donc, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est attaché à faire respecter et à renforcer la séparation des pouvoirs (M. Jacques Mézard fait de nouveau un signe de dénégation.) et l'indépendance de la justice. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour la réplique.
M. François Fortassin. Monsieur le secrétaire d'État, l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs est une question de principe. Nous ne pouvons donc nous contenter de déclarations d'intention. Aujourd'hui, au travers de votre réponse, nous ne sommes pas parfaitement rassurés !
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