Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UDI-UC) publiée le 06/07/2017
M. Hervé Maurey interroge M. le ministre de la cohésion des territoires sur l'état des déploiements des réseaux numériques fixe et mobile sur le territoire français.
La France a pris un retard considérable dans le déploiement des réseaux, alors même qu'ils représentent un enjeu fort de compétitivité et d'accès à des services essentiels. Notre pays est ainsi classé au 27ème rang des pays européens pour le très haut débit selon la Commission européenne.
Les perspectives sont préoccupantes. Dans un rapport publié récemment, la Cour des comptes évalue à 15 Mds d'euros l'investissement manquant afin de financer le plan France Très Haut Débit en l'état actuel des projets de déploiement. L'objectif d'une couverture du territoire en 2022 ne devrait pas être tenu, tablant sur 2030.
Dans les territoires relevant de l'initiative privée, les collectivités s'inquiètent d'une couverture qui reste largement partielle. Selon l'Agence du numérique, à la fin 2016, le déploiement a commencé dans seulement 652 communes sur les 3 405 qui constituent la zone AMII. Sur 480 de ces communes, moins de la moitié du territoire était couvert. L'état des déploiements sur la zone très dense n'est pas plus rassurant.
Ce constat est le résultat des stratégies des opérateurs qui raccordent prioritairement les zones les plus rentables laissant de côté les zones moins denses, mais aussi des règles de répartition des territoires en zone AMII qui, en l'absence d'obligations assez fortes de couverture , conduisent à une « course » entre les opérateurs pour préempter les territoires, pas pour les couvrir.
Des conventions formalisant les engagements de déploiement devaient être signées entre les opérateurs et les collectivités avant la fin 2015. Force est de constater que deux ans après, celles-ci n'ont pas toutes été signées. Lorsqu'elles ont été entérinées, les sanctions en cas de non respect sont inexistantes. Il en résulte qu'un grand nombre de locaux non fibrés se retrouve « gelé ».
Enfin, dans les zones publiques, si les déploiements s'accélèrent grâce aux efforts des collectivités territoriales (1,1 M. de prises), la commercialisation, elle, tarde.
Le déploiement des réseaux mobiles n'est pas en reste en matière d'engagements non tenus. En particulier, la résorption des zones blanches est le sujet le plus problématique. Ce sont plus de 570 centres-bourgs (15 %), recensés en 2015 et 2016, qui attendent encore d'être couverts en 2G aujourd'hui, alors même que le Gouvernement avait annoncé la fin des zones blanches en fin 2016. La conséquence de ce retard est directement liée à l'abandon par l'État de sa promesse d'installer les pylônes accueillant les antennes.
Au-delà, c'est la stratégie pour la couverture mobile du territoire qui doit être révisée en profondeur, impliquant la redéfinition d'une zone considérée comme « couverte » avec un degré de précision infra-communal.
Il lui demande ce que compte faire le Gouvernement sur ces sujets.
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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires publiée le 26/07/2017
Réponse apportée en séance publique le 25/07/2017
M. Hervé Maurey. Ma question porte sur l'état du déploiement des réseaux numériques dans notre pays, sur lequel il convient de faire un point en ce début de quinquennat.
Le classement de la France au vingt-septième rang des pays européens pour le très haut débit par la Commission européenne témoigne du retard considérable que nous avons pris.
Dans les zones d'appel à manifestation d'intérêt d'investissement, les zones AMII, les opérateurs n'ont commencé à procéder au déploiement des réseaux que dans 652 communes, seules 480 d'entre elles disposant d'une couverture supérieure à 50 %. Ces chiffres traduisent le non-respect du principe de complétude et un phénomène d'écrémage.
Pour ce qui est des réseaux d'initiative publique, les RIP, les collectivités territoriales, malgré la baisse des dotations, font un effort d'investissement considérable pour répondre aux attentes de leurs administrés.
En matière de déploiement des réseaux mobiles, les objectifs fixés par la loi dite « Macron » n'ont pas été tenus. Selon les derniers chiffres, plus de 550 centres-bourgs attendent encore d'être couverts en 2G, alors que cela devait être fait au 31 décembre 2016. Le même constat s'impose pour la 3G, avec une échéance qui était fixée au 30 juin 2017.
Au mois de juin en Haute-Vienne, et la semaine dernière encore lors de la Conférence nationale des territoires, le Président de la République a annoncé que l'ensemble du territoire serait couvert en 3G et en 4G d'ici à deux ans, en matière de téléphonie mobile, et en haut et très haut débit d'ici à la fin 2020, s'agissant des réseaux fixes, en faisant appel à un plus large mix technologique.
Comment faut-il interpréter ces annonces ? L'échéance de 2022 est-elle avancée à 2020 ou 2020 n'est-il qu'une étape avant la couverture en très haut débit prévue en 2022, comme l'a indiqué le directeur de l'Agence du numérique ? Le recours à davantage de technologies alternatives à la fibre n'est-il pas un marché de dupes en termes de débit ? Que faut-il penser des annonces de SFR, qui dit vouloir déployer le très haut débit sur l'ensemble du territoire sans argent public ? Pour ce qui concerne la téléphonie mobile, comment comptez-vous arriver à une couverture en 3G et en 4G dans les deux ans ? Enfin, le Président de la République a évoqué le recours à des mesures contraignantes à l'égard des opérateurs, comme le Sénat le préconise depuis longtemps : pouvez-vous nous en dire plus à cet égard ?
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Deux minutes et trente secondes pour répondre à autant de questions : c'est un défi !
C'est parce que le Gouvernement a conscience du retard tout à fait significatif de notre pays dans le déploiement du très haut débit et de la téléphonie mobile que le Président de la République a pris la décision d'accélérer les choses.
C'est comme cela qu'il faut comprendre l'annonce qu'il a faite la semaine dernière devant la Conférence nationale des territoires. Garantir le haut et le très haut débit à tous les Français dès 2020, c'est en réalité poser un jalon intermédiaire au regard de l'objectif d'assurer la couverture en très haut débit soit 30 mégabits par seconde pour tous en 2022, objectif qui demeure.
En d'autres termes, nous accélérons le processus et fixons une échéance plus proche pour être certains d'atteindre cet objectif. Telle est la feuille de route fixée par le Gouvernement.
Dans les zones les plus enclavées, là où le déploiement de la fibre est extrêmement coûteux, nous n'aurons d'autre choix que d'utiliser d'autres technologies, au moins pendant une certaine période : le satellite, la boucle locale radio, la 4G fixe. La couverture en téléphonie mobile 4G est donc un moyen de parvenir à ces fins. Nous n'avons pas de préférence a priori pour une technologie ou pour une autre, dès lors que l'accès à un très bon débit est garanti dès 2020.
La fibre pour tous doit rester un objectif de long terme, mais il serait irréaliste de la promettre dans les cinq ans qui viennent sur tout le territoire. Il faut être clair sur ce point.
Ces dernières semaines, nous avons entamé des discussions avec les opérateurs, à qui nous avons demandé quelles étaient leurs intentions en matière de déploiement sur le fixe et le mobile, et quelle était selon eux la meilleure solution pour atteindre les objectifs fixés par le Président de la République. SFR a été le premier à répondre, par voie de presse, en promettant de déployer la fibre sur tout le territoire sans argent public. C'est une bonne nouvelle, mais il faudra voir comment cela peut se concrétiser. Nous devons être vigilants sur le respect de ces annonces.
À la rentrée, nous arrêterons les grandes lignes d'un plan d'action. Nous voulons donner de la visibilité à tous les acteurs, nous assurer que les engagements déjà pris ou devant l'être seront bien respectés. Soyez certain, monsieur le sénateur, que nous serons particulièrement fermes s'agissant de l'utilisation des moyens de l'État.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Je vous remercie de ces éléments de réponse, monsieur le ministre. J'ai bien noté que 2020 représente un « jalon intermédiaire », pour reprendre votre expression, et qu'il ne s'agit pas, comme certains journalistes l'avaient compris, d'anticiper l'échéance de 2022.
Je me permettrai de souligner que cela n'est pas très nouveau : la feuille de route du précédent gouvernement, présentée en février 2013, prévoyait déjà que tous les Français disposeraient d'un débit minimal de 3 à 4 mégabits par seconde à la fin de l'année 2017. Ici même, en 2012, le Sénat avait voté une proposition de loi prévoyant que l'ensemble des Français bénéficient d'un débit de 2 mégabits par seconde à l'échéance du 31 décembre 2013 et de 8 mégabits par seconde à celle du 31 décembre 2015 En 2017, on nous fait les mêmes promesses pour 2020 : j'espère que, cette fois, elles seront tenues.
J'espère également que, en matière de téléphonie mobile, la situation sera considérée comme prioritaire. C'est sur ce point que les annonces du Président de la République sont le plus floues. Il s'agit d'un problème encore plus prégnant, pour nos concitoyens, que celui de l'internet fixe, pour lequel des solutions se mettent en place, grâce aux réseaux d'initiative publique notamment. Il importe vraiment que l'échéance annoncée par le Président de la République soit respectée, car cela fait trop longtemps que, dans ce domaine, les promesses ne sont pas tenues. Patrick Chaize et moi-même avons présenté, il y a deux ans, un rapport intitulé « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions » : ce titre n'a rien perdu de son actualité ! Nos territoires ont vraiment besoin de pouvoir disposer d'une véritable couverture numérique, fixe et mobile.
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