Question de M. DELCROS Bernard (Cantal - UC) publiée le 27/07/2017
M. Bernard Delcros attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur sur une problématique ayant émergé à la suite de la réforme de la délivrance des cartes nationales d'identité dans le cadre du programme « préfectures nouvelle génération ».
En effet, cette nouvelle procédure a été généralisée en France au mois de mars 2017 et impose que le recueil de la demande de carte d'identité s'effectue au moyen d'un dispositif technique appelé dispositif de recueil (DR). Déjà utilisé pour les passeports biométriques, ce dispositif de recueil permet de numériser les empreintes digitales du demandeur.
En raison du coût élevé de ce dispositif de recueil, en installation comme en maintenance, seules 2 088 communes en sont actuellement équipées au niveau national. Cette réforme impacte donc de nombreuses mairies qui ne seront plus en mesure de délivrer ces titres à leurs administrés. Si les communes non-équipées de DR pourront mettre à disposition un équipement permettant à l'usager d'effectuer une pré-demande en ligne de carte nationale d'identité, celui-ci devra toutefois se déplacer jusqu'à la commune équipée pour instruire sa demande et récupérer son titre.
Dans le cadre des créations de communes nouvelles, certaines d'entre elles, composées d'anciennes communes de petite taille et qui atteignent désormais un niveau de population conséquent, se voient ainsi privées de tout dispositif de recueil alors même que leur taille justifierait désormais l'installation d'un tel équipement dans la nouvelle mairie.
En outre dans un territoire de montagne comme le Cantal où les déplacements sont parfois rendus difficiles par le relief et la météo, le rallongement des distances et des temps de trajet contribue à l'accroissement des contraintes rencontrées par les citoyens dans les zones de montagne, en particulier pour les plus fragiles d'entre eux.
Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de critères objectifs ni de seuil de population réglementaire pour conditionner la présence d'un tel dispositif de recueil dans les communes françaises. De fait, les mairies sont ainsi laissées dans l'incertitude sur les conditions et la localisation des futures implantations de dispositif de recueil. Cette situation pose un véritable problème de cohérence et de lisibilité pour la mise en place de cette réforme.
Dans le Cantal, cette possibilité sera réservée uniquement à 9 communes sur les 247 que compte le département. Ce changement est mal compris par nos concitoyens, qui y voient un signe de plus de l'éloignement de la présence des services publics dans leurs territoires. La demande de carte d'identité est en effet un marqueur fort de la proximité entre l'État et la commune d'une part et les administrés d'autre part.
Aussi il souhaiterait, en premier lieu, connaître l'avis du Gouvernement sur la mise en place de critères réglementaires clairs concernant l'équipement des mairies en dispositif de recueil et sur l'opportunité de permettre à certaines communes nouvelles récemment créées de bénéficier d'un tel dispositif. Cette implantation pourrait en effet constituer une incitation bienvenue pour les collectivités qui ont fait le choix du regroupement et de la mutualisation afin d'améliorer l'efficacité de leur action au service de la population.
Il souhaiterait recueillir également son avis sur l'opportunité de flécher prioritairement l'installation des nouveaux dispositifs de recueil prévus vers les zones de montagne où ils sont les plus nécessaires. Il lui demande, enfin, de lui indiquer les mesures envisageables dans ces territoires afin de renforcer ce service de proximité essentiel entre les citoyens et leurs communes.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/10/2017
Réponse apportée en séance publique le 24/10/2017
M. Bernard Delcros. Madame la ministre, le nouveau dispositif de délivrance des cartes d'identité, issu de la réforme Préfectures nouvelle génération, a été généralisé au mois de mars 2017. Actuellement, seules 2 088 communes sont dotées du dispositif de recueil le DR et donc habilitées à délivrer les cartes d'identité.
Après plusieurs mois de mise en uvre et d'observations faites sur le terrain, je pense que cette situation ne peut pas rester figée indéfiniment et qu'il convient d'envisager des évolutions pour tenir compte, d'une part, de la spécificité des territoires et, d'autre part, de l'évolution de l'organisation territoriale.
En ce qui concerne la spécificité des territoires, je pense que, dans les zones de montagne, où les déplacements sont parfois rendus difficiles et les temps de trajet plus longs en raison du relief, de l'altitude ou de l'enneigement, l'implantation des points de délivrance des cartes d'identité mériterait d'être révisée.
Dans le département du Cantal, par exemple, 9 communes sur 247 sont actuellement équipées du DR, alors que quelques autres, non équipées, jouent un vrai rôle de bourg-centre, certes sur un territoire à faible densité démographique, mais très vaste.
Une approche objective, prenant en compte les temps de trajet et les difficultés d'accès, justifierait que ces communes soient autorisées à délivrer les cartes d'identité.
Sur la question de l'évolution de l'organisation territoriale, des communes rurales ont fait le choix, parfois difficile, de se regrouper au sein d'une commune nouvelle pour optimiser leurs compétences et mutualiser leurs moyens. Cette courageuse évolution territoriale modifie le contexte local et confère désormais à ces communes nouvelles une vocation d'offre de services, qui justifierait qu'elles délivrent les cartes d'identité.
Madame la ministre, dans un contexte où la ruralité a besoin de messages positifs de l'État, j'espère que vous pourrez répondre favorablement à ma demande, qui est simplement fondée sur le bon sens venu du terrain.
M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur Delcros, sénateur du Cantal, l'évolution des modalités d'instruction des demandes de cartes nationales d'identité dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération vise à sécuriser la procédure de délivrance et à renforcer la lutte contre la fraude. Ainsi, les données personnelles sensibles recueillies lors de la constitution des dossiers doivent transiter par des réseaux informatiques dédiés et sécurisés, comme pour les demandes de passeport.
Dans un rapport publié en juin 2016, l'Inspection générale de l'administration avait calculé le nombre de dispositifs de recueil supplémentaires qu'il convenait d'installer pour assurer une capacité annuelle de production satisfaisante, dans le respect de l'égalité des territoires. À la fin de l'année 2016, 278 stations supplémentaires ont ainsi été déployées avant que le ministère de l'intérieur n'annonce, en mars 2017, le déploiement de 250 nouveaux dispositifs.
Les préfets ont été informés, en juillet, de la répartition par département de ces stations biométriques qui a été décidée en considération du taux d'utilisation des stations existantes et de la fréquence des délais de rendez-vous supérieurs à 30 jours. Dans les départements répondant à ces critères, il appartient aux préfets, en concertation avec les associations départementales des maires, de répartir ces nouveaux dispositifs.
Dans le Cantal, le taux d'utilisation peu élevé des dispositifs installés ainsi que l'existence de délais de rendez-vous dans les mairies satisfaisants ont amené le ministère à reconduire le dispositif existant.
J'entends parfaitement, monsieur le sénateur, les questions que vous avez soulevées de proximité et d'accessibilité du service public, notamment en zone de montagne ou dans les communes nouvelles qui sont amenées à fournir de nouveaux services. Cela dit, à l'heure actuelle, comme je vous l'ai indiqué, le système a été reconduit dans le Cantal.
Toutefois, les mairies qui le souhaitent peuvent permettre aux usagers, à l'aide d'un simple ordinateur équipé d'un scanner et relié à internet, d'effectuer, dans leurs locaux, une prédemande en ligne, ce qui ne retire pas, toutefois, la nécessité d'une prise des empreintes digitales.
En outre, un dispositif de recueil mobile a été mis à la disposition des mairies dans chaque département, afin notamment de recueillir, de manière itinérante, les demandes d'usagers ayant des difficultés à se déplacer, singulièrement les personnes âgées ou hospitalisées. Dans le cadre d'une convention passée avec le préfet, ce dispositif de recueil mobile peut être mobilisé au profit des communes non équipées, ce qui peut naturellement concerner les communes nouvelles.
L'ensemble de ces mesures traduit les efforts du Gouvernement pour faire face aux questions liées au souci de proximité, mais j'ai bien conscience, monsieur le sénateur, de ne pas répondre complètement à votre désir de voir certaines communes équipées. Je pense tout de même que le plan Préfectures nouvelle génération répond à ce souci de proximité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Ce point précis de la délivrance des cartes d'identité touche un sujet de fond plus général, celui des critères de décision en matière de politique publique. On constate malheureusement, depuis de nombreuses années, que ces critères, en l'espèce le taux d'utilisation ou le délai de rendez-vous, sont purement urbains. Ils ne tiennent pas compte des situations en zone rurale. Certes, dans ces zones, il n'est pas besoin d'attendre trois semaines afin d'obtenir un rendez-vous pour demander une carte d'identité, mais sur des territoires à faible démographie, les vastes espaces entraînent des temps de transport très longs et des difficultés d'accès.
Je suis de ceux qui pensent que la seule politique efficace et juste d'aménagement du territoire est celle qui prend en compte la diversité et apporte des réponses différenciées. L'équité territoriale ne consiste pas à apporter la même réponse à tous, mais plutôt à prévoir des adaptations à la réalité du terrain. Toutes les décisions que nous prenons doivent croiser plusieurs critères, fondés à la fois sur la démographie et l'aménagement du territoire. C'est ainsi que nous réussirons à réduire la fracture territoriale et à adresser des messages positifs à la ruralité.
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