Question de M. GONTARD Guillaume (Isère - CRCE-R) publiée le 23/11/2017

M. Guillaume Gontard demande à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation de bien vouloir préciser les grandes lignes du déploiement de l'enveloppe de 200 millions d'euros promise par le président de la République pour financer la transition agricole.

Au mois de septembre 2017 était annoncée la fin des aides au maintien de l'agriculture biologique. Ce désengagement de l'État obligera les régions à assumer l'intégralité de la quote-part nationale au risque de ne plus pouvoir bénéficier des subventions du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Ce sont ainsi plusieurs dizaines de millions d'euros de financement des jeunes exploitations biologiques qui sont menacés. Or les aides à la conversion ne couvrent que les cinq premières années d'exploitation, alors qu'il faut en moyenne six ou sept ans à une nouvelle exploitation « bio » pour se stabiliser.

C'est un très mauvais signal envoyé au développement de l'agriculture biologique. Dans certaines régions comme Auvergne-Rhône-Alpes, le conseil régional ne se substituera pas à l'État ce qui entraînera une disparition pure et simple des aides au maintien.

Il souhaite dès lors lui demander de bien vouloir préciser les grandes lignes du déploiement de l'enveloppe de 200 millions allouée à la transition agricole afin de s'assurer que les moyens prévus par l'État pour le développement de l'agriculture biologique sont en adéquation avec l'objectif fixé de parvenir à 8 % de surface agricole utilisable exploitée en « bio » à l'horizon 2020.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 06/12/2017

Réponse apportée en séance publique le 05/12/2017

M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, vous annonciez le 20 septembre dernier la fin des aides au maintien de l'agriculture biologique, précisant qu'il revenait désormais « au marché de soutenir le maintien à ce type d'agriculture. Nous aurions pu croire à une annonce du porte-parole de la FNSEA !

C'est un très mauvais signal envoyé à un secteur dynamique de notre économie, dont les bienfaits pour l'environnement ne sont pas à démontrer.

Cette annonce est contradictoire avec votre volonté de parvenir à 8 % de surface agricole utilisable exploitée en bio à l'horizon 2020. Vous me répondrez que cet argent est intégralement transféré aux aides à la conversion. Mais ces aides ne couvrent qu'une période de cinq ans, alors qu'il faut en moyenne six à sept ans pour qu'une nouvelle exploitation bio se stabilise et devienne rentable. C'était tout l'objet des aides aux maintiens que vous supprimez.

Cela est d'autant plus incompréhensible que les aides au maintien de l'agriculture conventionnelle sont conservées. Elles concentrent 96 % des aides à l'agriculture. De surcroît, ce financement de l'État permettait de débloquer l'aide européenne du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, avec un mécanisme particulièrement avantageux, puisque chaque euro dépensé par Paris correspondait à 3 euros dépensés par Bruxelles. Ainsi, ce ne sont pas 6 à 8 millions d'euros d'aides au maintien que ne verront pas les jeunes exploitations biologiques, mais potentiellement quatre fois plus.

En effet, avec ce désengagement de l'État, vous confiez aux seules régions, et aux agences de l'eau, déjà exsangues, la responsabilité d'apporter l'intégralité de la contribution publique nationale au FEADER.

Même dans les régions en pointe sur le bio, cet effort financier semble impossible. Dans ma région Auvergne-Rhône-Alpes, c'est une catastrophe qui s'annonce. La région ne contribuait pas au FEADER et ne compensera certainement pas le désengagement de l'État. Ainsi, c'est une perte sèche de plusieurs millions d'euros pour la deuxième région qui compte le plus d'exploitations bio dans le pays.

Monsieur le ministre, le Président de la République a annoncé, dans le cadre des États généraux de l'alimentation, la mise en place d'une enveloppe de 200 millions d'euros pour financer la transition agricole. Quels en sont les objectifs ? À quelles interprofessions ces sommes seront-elles confiées ? Avec quel pluralisme syndical ? Et enfin, quelle proportion sera allouée directement à l'agriculture biologique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, vous laissant la responsabilité de votre propos introductif, je veux vous répondre précisément, et essentiellement sur le fond, comme il se doit.

Les aides à l'agriculture biologique sont des dispositifs du second pilier de la politique agricole commune, la PAC, qui permettent d'accompagner les agriculteurs dans la transition vers des systèmes agricoles conciliant performance économique, sociale, environnementale.

L'État mobilise des moyens particulièrement importants pour le financement de ces dispositifs. Ainsi, le budget total sur 2014-2020 pour les aides au bio a été multiplié par trois par rapport à la programmation 2007-2013.

Ces soutiens à l'agriculture biologique ont été particulièrement efficaces et ont permis un fort développement, vous le savez, de ce mode de production ces dernières années, avec 1,5 million d'hectares en bio, 32 000 exploitations et 15 000 transformateurs et distributeurs recensés en 2016.

Le soutien doit maintenant porter en priorité sur la conversion à l'agriculture biologique, afin que la production française soit au rendez-vous de la forte demande des consommateurs. L'enjeu est aussi de relever le défi de proposer 50 % d'alimentation biologique ou sous signes officiels de qualité dans la restauration collective, conformément aux engagements du Président de la République.

Pour autant, l'aide au maintien n'est pas supprimée – en quelle langue dois-je le dire… – ; ce dispositif pourra continuer à être mobilisé par les régions, en fonction des enjeux spécifiques à chaque territoire.

À compter de 2018, l'État va ainsi recentrer son intervention sur l'accompagnement des conversions, afin de répondre à la forte dynamique observée ces dernières années. Au final, il y aura ainsi davantage de crédits disponibles consacrés à l'agriculture biologique.

L'État continuera bien évidemment de financer les engagements en maintien souscrits avant 2018 jusqu'à leur terme, ces aides étant attribuées pour une durée de cinq ans. Les autres financeurs, en particulier les collectivités et les agences de l'eau, pourront continuer à financer de nouveaux engagements en maintien.

En complément de ces aides, le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique est prorogé et revalorisé, afin d'assurer un soutien simple, pérenne et uniforme sur l'ensemble du territoire.

Le Fonds Avenir Bio est par ailleurs maintenu, qui permet aussi de soutenir des projets de structuration des filières bio, avec un important effet de levier.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, l'État restera attentif à la dynamique de développement de l'agriculture biologique dans les prochains mois et les prochaines années.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.

M. Guillaume Gontard. Je suis d'accord sur le constat que vous faites au début de votre intervention, monsieur le ministre. Permettez-moi en revanche d'émettre quelques doutes sur votre développement, puisque vous confirmez que les aides sont bien attribuées sur une durée de cinq ans.

M. Stéphane Travert, ministre. Oui !

M. Guillaume Gontard. Or, pour ce type d'agriculture, le soutien doit être beaucoup plus long.

Ensuite, vous fléchez les aides sur les régions, ce qui risque d'entraîner une vraie distorsion entre elles, car certaines ne souhaiteront pas ou ne pourront pas abonder les crédits et se substituer à l'État.

S'agissant de l'agriculture bio, qui est le fond du problème, c'est aujourd'hui la Journée mondiale des sols : il faut revoir notre manière de penser notre lien avec la terre. Le glyphosate et de nombreux produits néfastes dont on a parlé sont en train de tuer nos sols, juste pour les enrichir. Nous sommes dans un cercle qui ne fonctionne plus.

Il y a urgence en la matière, à la fois pour les consommateurs, mais également et surtout pour les agriculteurs, car, au bout de la chaîne, c'est eux qui subissent directement les conséquences, à la fois financièrement, car ils s'endettent, mais aussi sur le plan de la santé.

Il est temps d'agir. J'ai entendu vos propos, monsieur le ministre, mais je vous encourage vivement à aller encore plus loin. C'est la seule solution !

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