Question de M. DURAIN Jérôme (Saône-et-Loire - SOCR) publiée le 02/11/2017
M. Jérôme Durain interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les premiers résultats de l'expérimentation lancée au printemps 2017, en partenariat avec le ministère de la justice, par les cours d'appel de Rennes, en Ille-et- Vilaine, et de Douai, dans le Nord, autour d'une « solution de prévisibilité de la justice ».
Alors que se diffuse parfois une vision prophétique des conséquences de l'intelligence artificielle, vision souvent alimentée par la pop-culture, les « legaltechs » ont commencé à développer un champ de justice prédictive. Une étude universitaire britannique a par exemple été menée sur des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme : un outil créé pour l'occasion avait défini des modèles de jugement et il a pris des décisions similaires à celles de la CEDH dans 79 % des cas qui lui ont été soumis. Certains y ont vu la possibilité de voir des robots remplacer un jour les juges ou les avocats. En réalité, il pourrait davantage s'agir d'un outil permettant de rationaliser certaines étapes de la saisine, utile aux justiciables, aux avocats comme aux juges et finalement assez proche d'outils plus anciens de bases de données. Pour certains champs très engorgés de la justice, cette justice prédictive permettrait peut-être de favoriser des accords à l'amiable plutôt que des procédures longues et coûteuses dont l'intelligence artificielle prédirait qu'elle trouverait une issue facile à deviner.
Partant de la même vision pragmatique, le législateur a voulu appliquer le principe d'ouverture des données publiques aux décisions de justice administrative et judiciaire dans la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. L'expérimentation des cours d'appel de Rennes, en Ille-et-Vilaine, et de Douai, dans le Nord, aurait rencontré une réception très différenciée parmi les avocats et les magistrats. Il lui demande donc de l'éclairer sur la manière dont ces expérimentations progressent et sur la volonté du Gouvernement actuel de poursuivre l'ouverture des données publiques en la matière.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/12/2017
Le champ de l'analyse algorithmique des données issues des décisions judiciaires s'est récemment ouvert à la suite des derniers développements technologiques, encouragés par l'ouverture à venir des décisions de justice prévue aux articles 20 et 21 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Plusieurs sociétés ont élaboré des logiciels innovants exploitant les données judiciaires. Certaines de ces sociétés ont été récompensées le 16 novembre 2016 par un prix public, décerné conformément à l'arrêté du 4 novembre 2016 relatif à la création et dotation du prix de la direction de l'information légale et administrative « DILA - le droit ouvert - jurisprudence ». Parmi les lauréats se trouvait une société qui propose un outil de calcul du montant des indemnités allouées par une juridiction. Dans le prolongement de ce prix, et grâce au concours de plusieurs magistrats des cours d'appel de Rennes et Douai, désireux de s'inscrire dans cette démarche, le logiciel de cette société a fait l'objet d'une expérimentation pendant plusieurs mois au printemps 2017. Au terme de celle-ci, il est apparu que ce logiciel, participant d'une approche dont la modernité était reconnue, méritait d'être sensiblement amélioré, et ne présentait pas en l'état de plus-value pour les magistrats qui disposent déjà d'outils de grande qualité d'analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation et des cours d'appel. Afin de bénéficier d'une analyse approfondie de ces questions, et d'éclairer la rédaction des dispositions d'application des articles 20 et 21 précités, la garde des sceaux, ministre de la justice, a confié une mission d'étude et de préfiguration à Loïc Cadiet, professeur à l'école de droit de la Sorbonne, le 9 mai 2017. Outre son président, cette mission est composée d'un membre du Conseil d'État, d'un membre de la Cour de cassation, d'un représentant du conseil national des barreaux, d'un représentant de la commission nationale de l'informatique et des libertés et de représentants des chefs de cours et de juridictions administratives et judiciaires. Son rapporteur est un membre de la direction des services judiciaires. La mission a finalisé son rapport qui doit être remis à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, dans les jours à venir.
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