Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 25/01/2018
Mme Jacqueline Eustache-Brinio interroge M. le secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargé du numérique au sujet de l'annonce faite par le président de la République le 3 janvier 2018 d'un futur projet de loi relatif à la lutte contre les « fausses nouvelles » sur internet.
En effet, la loi prévoit déjà des sanctions contre celles-ci. Ainsi, l'article L. 97 du code électoral sanctionne les fausses nouvelles ayant contribué à détourner des suffrages ou ayant incité à l'abstention. De même, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit, en son article 27, celles qui auraient troublé la paix publique ou ébranlé le moral des armées, tandis que son article 50-1 permet au juge des référés, à la demande du ministère public ou de toute personne ayant intérêt à agir, d'arrêter un service de communication au public dès lors que les messages qu'ils véhiculent constituent un trouble manifestement illicite.
Si des sanctions sont d'ores et déjà prévues pour lutter contre les « fausses nouvelles », l'ouverture d'une nouvelle action en référé dédiée à celles-ci fait courir un risque d'inflation du contentieux dès lors que toute interprétation personnelle d'un fait pourrait être mise en cause devant le juge.
Elle lui demande donc de bien vouloir lui faire connaître les éléments fondant, dans ce contexte, l'opportunité d'un tel projet de loi et, le cas échéant, les mesures pouvant être envisagées afin d'écarter tout risque de dérives.
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Transmise au Ministère de la culture
Réponse du Ministère de la culture publiée le 20/12/2018
Afin de renforcer l'arsenal de la démocratie dans la lutte contre la manipulation de l'information, l'Assemblée nationale a adopté, le 20 novembre 2018, deux propositions de loi, l'une ordinaire, l'autre organique, dont le Gouvernement partage pleinement les objectifs. Certes, le droit en vigueur prévoit déjà un certain nombre de procédures permettant de lutter contre la diffusion de fausses informations, en particulier les articles 27 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse et L. 97 du code électoral. L'article 50-1 de la loi de 1881 précitée, quant à lui, permet au juge des référés de prononcer l'arrêt d'un service de communication au public en ligne au moyen duquel auraient été diffusés des contenus illégaux réprimés par certains articles spécifiques de cette même loi. Ainsi, le champ d'application de ce dispositif est réduit à la provocation directe à la commission d'une infraction et à la négation d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité et ne permet pas de viser l'ensemble des fausses informations. Cependant, comme l'a signalé le Conseil d'État dans son avis du 19 avril 2018 sur ces propositions de loi, l'état actuel du droit, notamment en période électorale, ne permet pas de répondre à l'intégralité des risques induits par les nouveaux phénomènes de diffusion massive de fausses informations par le biais de plateformes numériques, en particulier les réseaux sociaux. L'objectif poursuivi par les propositions de loi n'est pas de punir les auteurs de fausses informations, qui pourront l'être sur le fondement des dispositions précitées, mais de fournir de nouveaux outils pour lutter contre la diffusion artificielle et massive de fausses informations susceptibles d'altérer la sincérité des scrutins. Ce faisant, le dispositif mis en place ne saurait en aucune manière avoir pour effet le retrait d'un contenu consistant en « l'interprétation personnelle d'un fait », mais seulement de contenus procédant à la présentation inexacte ou trompeuse d'un fait, ce qui est différent. Les conditions d'un débat démocratique sain ne peuvent s'établir qu'à partir de faits communément partagés. Sur cette base, l'interprétation personnelle d'un fait à laquelle procède chaque citoyen est constitutive d'une opinion qui ne saurait en aucun cas être visée par la mesure de référé et dont l'expression libre est garantie tant par la Constitution que par les engagements internationaux de la France. À cet égard, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme ».Les propositions de loi adoptées par le Parlement ne restreignent ainsi aucunement la liberté d'expression : elles ne créent aucune interdiction nouvelle et ne visent pas les auteurs de fausses informations. Il est également rappelé que la procédure de référé s'inscrit dans un dispositif d'ensemble, qu'il convient d'apprécier dans sa globalité. Le texte de loi vise également à renforcer les obligations de transparence des plateformes numériques s'agissant des contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général et dont la promotion a donné lieu à rémunération. Lorsque des techniques publicitaires seront utilisées pour promouvoir un contenu d'information, l'internaute en sera ainsi informé. Il saura d'où provient réellement l'information et sera mieux prémuni contre des tentatives de manipulation. La loi met en outre à la charge de ces mêmes plateformes des obligations de coopération en matière de lutte contre la diffusion de fausses informations. Ce faisant, elle met en place un nouveau cadre de régulation adapté aux acteurs du numérique. Ce dispositif laisse les plateformes libres de choisir les modalités les plus adaptées pour lutter contre les fausses informations, tout en les obligeant à en rendre compte auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cette co-régulation est ainsi le meilleur moyen d'éviter les écueils que sont l'inaction des plateformes, qui laisserait la désinformation se propager, et le risque de voir se développer une censure privée résultant du déploiement d'actions potentiellement opaques arbitraires et excessives. Par ailleurs, la loi vise à renforcer l'éducation aux médias et à l'information, qui est le premier rempart contre la désinformation, en la rendant obligatoire dans le cadre scolaire. Enfin, pour lutter contre la manipulation de l'information, la loi n'est qu'une partie de la réponse. Dans ce combat, le soutien à la presse et aux journalistes et la défense de l'information pluraliste et fiable qu'ils produisent sont essentiels. C'est tout le sens du soutien apporté par le Président de la République à l'initiative pour l'information et la démocratie lancée par douze chefs d'État et de Gouvernement lors du forum de Paris pour la Paix le 11 novembre dernier. C'est également le sens des nombreuses actions menées par le Gouvernement pour soutenir le pluralisme de la presse et aider cette dernière à engager les transformations nécessaires, en accompagnant la mutation de la filière de la distribution, la transformation de l'Agence France-presse, ou encore en menant au niveau européen le combat pour la consécration d'un droit voisin des éditeurs et agences de presse. En adoptant ces textes, la France fait uvre d'innovation dans un domaine dans lequel il existe, au sein des démocraties contemporaines, un consensus sur la nécessité d'agir. De ce point de vue, les débats législatifs ont permis d'améliorer substantiellement le texte initial.
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