Question de M. DAUDIGNY Yves (Aisne - SOCR) publiée le 01/02/2018
M. Yves Daudigny attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'incertitude dans laquelle se trouvent certains professionnels de santé regroupés dans une maison de santé pluridisciplinaire labellisée par les autorités régionales de santé.
Les maisons de santé pluri-professionnelles (MSP) offrent des conditions d'exercice susceptibles de répondre aux aspirations des praticiens, notamment des plus jeunes, du fait du travail en équipe et de la mutualisation des moyens. Le nombre de MSP est passé d'une vingtaine en 2008 à 910 en 2017. Elles permettent ainsi d'améliorer l'offre de soins primaires dans les zones sous-dotées.
Ces projets bénéficient de financements publics à l'investissement. Ils sont toutefois lourds à monter, leur succès reposant sur la rencontre entre l'engagement d'un praticien et celui d'une collectivité, donc sur la confiance. Or il apparaît qu'un doute subsiste sur le traitement fiscal dont sont redevables certains professionnels de santé, notamment ceux, déjà en activité sur une commune située en zone de revitalisation rurale (ZRR) et qui auraient rejoint ou créé une MSP, édifiée au sein de la même commune, avant le 1er janvier 2016. L'administration fiscale du département de l'Aisne leur refuse la faveur de cette exonération prévue par l'article 44 quindecies du code général des impôts.
La direction générale des finances publiques considère, en effet, que le transfert d'une activité médicale au sein d'une maison de santé située dans la même commune s'analyse comme une reprise par soi-même, exclue du dispositif d'exonération car le professionnel de santé conserve une partie de sa patientèle.
Ce n'est pourtant pas l'analyse faite par l'administration fiscale dans d'autres départements. Ce n'est pas non plus l'analyse issue du rapport d'information n° 468 (2007-2008), fait au nom de la délégation à l'aménagement du territoire du Sénat, sur le nouvel espace rural français. Ce n'est pas davantage l'analyse qui avait été délivrée par la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR).
Aussi, face à cette situation, de nombreux professionnels de santé se voient pris à revers sur leur fiscalité professionnelle au terme de plusieurs exercices.
Il lui demande donc quel dispositif fiscal est applicable pour les professionnels de santé intégrant, au 1er janvier 2015, une MSP localisée en ZRR. Il lui demande s'ils sont susceptibles de bénéficier d'une exonération d'impôt sur les bénéfices sur la base de l'article 44 quindecies du code général des impôts ou d'un autre texte. L'application de ce dispositif dans un département en grande difficulté économique et sociale contribuerait à l'efficacité des dispositifs de lutte contre les déserts médicaux.
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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics publiée le 07/03/2018
Réponse apportée en séance publique le 06/03/2018
M. Yves Daudigny. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question a trait aux dispositifs fiscaux applicables aux professionnels de santé regroupés en maison de santé pluridisciplinaire labellisée par les autorités régionales de santé.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles, les MSP, offrent des conditions d'exercice susceptibles de répondre aux aspirations des praticiens, notamment les plus jeunes, du fait du travail en équipe et de la mutualisation des moyens. Leur nombre est passé d'une vingtaine en 2008 à 910 en 2017. Elles permettent ainsi, et c'est l'essentiel, d'améliorer l'offre de soins primaires dans les zones sous-dotées.
Ces projets bénéficient de dispositifs publics d'aide à l'investissement. Ils sont toutefois lourds à monter, leur succès repose sur la rencontre entre l'engagement d'un praticien et celui d'une collectivité, donc, sur la confiance.
Or un doute subsiste sur le traitement fiscal dont sont redevables certains professionnels de santé. Je pense notamment à ceux qui sont déjà en activité dans une commune située en ZRR et qui auraient rejoint ou créé une MSP, édifiée au sein de la même commune, avant le 1er janvier 2016. L'administration fiscale du département de l'Aisne leur refuse la faveur de l'exonération prévue par l'article 44 quindecies du code général des impôts.
La direction générale des finances publiques considère que le transfert d'une activité médicale au sein d'une maison de santé située dans la même commune s'analyse comme une reprise par soi-même, exclue du dispositif d'exonération, car le professionnel de santé conserve une partie de sa patientèle.
Telle n'est pas, semble-t-il, monsieur le secrétaire d'État, l'analyse faite par l'administration fiscale dans d'autres départements.
Telle n'est pas non plus l'analyse issue du rapport d'information n° 468 de MM. Jean François-Poncet et Claude Belot, fait au nom de la délégation à l'aménagement du territoire du Sénat et intitulé Le nouvel espace rural français.
Telle n'est pas davantage l'analyse qui leur avait été délivrée par le site de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR.
Aussi, face à cette situation, de nombreux professionnels de santé se voient pris à revers sur leur fiscalité professionnelle au terme de plusieurs exercices.
J'en viens à ma question : monsieur le secrétaire d'État, quel est le dispositif fiscal applicable pour les professionnels de santé intégrant, au 1er janvier 2015, une MSP localisée en ZRR ? Ceux-ci sont-ils susceptibles de bénéficier d'une exonération d'impôt sur les bénéfices au vu de l'article 44 quindecies du code général des impôts ou d'un autre texte ?
L'application promise de cette exonération a contribué, dans un département en grande difficulté économique et sociale, à l'efficacité des dispositifs de lutte contre les déserts médicaux. Il serait aujourd'hui particulièrement injuste de la remettre en cause.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Yves Daudigny, vous avez attiré l'attention du Gouvernement sur la situation des professionnels de santé qui se regroupent au sein d'une commune dans des maisons de santé pluriprofessionnelles, au regard du dispositif d'allégement d'impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR.
Je veux vous apporter les précisions suivantes : l'article 44 quindecies du code général des impôts prévoit une exonération de cinq ans d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés, puis l'application d'un abattement dégressif pour les trois années suivantes, au profit des entreprises qui sont créées ou reprises dans les ZRR jusqu'au 31 décembre 2020.
Ce dispositif a été instauré par la loi de finances pour 2011 non seulement pour favoriser le développement économique et l'emploi des territoires ruraux en difficulté, mais aussi pour faciliter la cession des entreprises existantes. Ainsi, il s'applique notamment aux professionnels de santé qui s'implantent pour la première fois en ZRR ou reprennent le cabinet d'un confrère situé en ZRR, sous réserve de n'avoir jamais bénéficié auparavant d'aucun autre dispositif d'allégement fiscal.
En revanche, lorsqu'un professionnel de santé déjà implanté en ZRR décide de déplacer son cabinet médical ou de se regrouper avec d'autres praticiens dans une maison de santé pluriprofessionnelle sans changer de commune, en restant donc dans la même ZRR, cette démarche s'analyse comme la simple poursuite de l'activité réalisée dans l'établissement en ZRR. À ce titre, le professionnel ne peut prétendre à une nouvelle période de cinq ans d'exonération. Néanmoins, si ce dernier bénéficiait déjà du dispositif de faveur avant le déménagement ou le regroupement au sein de la maison de santé, le régime d'exonération entamé n'est pas remis en cause. Il se poursuivra pour les années restant à courir.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, des précisions que vous avez bien voulu apporter et qui étaient, pour leur plus grande part, largement connues.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que le débat ne soit pas définitivement clos à l'issue de cette question. En effet, des professionnels de santé consultent des sites internet tout à fait sérieux d'origine gouvernementale ou sénatoriale. Ils peuvent y lire : « A été instaurée une exonération d'impôt sur les bénéfices et de taxe professionnelle, lors de la création de l'entreprise. Il en va de même pour les professionnels de santé en cas de regroupement d'activités en ZRR. »
Monsieur le secrétaire d'État, ce que ressentent aujourd'hui ces professionnels, c'est une situation de leurre, de tromperie dont les conséquences sont importantes : inégalités au sein d'une maison pluridisciplinaire de santé, et même injustices, avec de graves conséquences financières et humaines. Il arrive que ces professionnels de santé, qui se sont fortement impliqués pendant plusieurs années dans la création d'une maison de santé pluridisciplinaire, se voient sanctionnés et privés de cet avantage. Or ils doivent assumer des remboursements parfois importants, alors que les collègues nouvellement arrivés dans la même maison, qui ne sont pas impliqués dans sa constitution, bénéficient dudit avantage.
Je souhaite vraiment, monsieur le secrétaire d'État, que vous puissiez, avec vos services, vous pencher à nouveau sur le sujet. Je le souhaite d'autant plus que les informations actuellement en ma possession donnent à penser que les services fiscaux des différents départements de France n'ont pas tous la même analyse que celle que vous avez exposée ce matin.
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