Question de Mme FÉRET Corinne (Calvados - SOCR) publiée le 01/02/2018
Mme Corinne Féret attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la prise en charge des mineurs non accompagnés.
L'aggravation des conflits extra-européens, les famines qui ravagent certains pays, poussent toujours plus d'enfants et d'adolescents sur les routes. Ce faisant, depuis plusieurs années, le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) accueillis dans notre pays ne cesse de croître. À titre d'exemple, dans le Calvados, alors qu'ils étaient 210 à avoir été pris en charge fin 2015, ils étaient 340 fin 2017. Les projections sont encore à la hausse pour 2018, d'où l'inscription de plus d'un million d'euros supplémentaire au budget du conseil départemental. Pour faire face à la situation, un nouveau centre, financé par ce dernier et pouvant accueillir jusqu'à 76 mineurs, vient d'ouvrir ses portes à Missy, au sud-ouest de Caen.
Partout sur le territoire national, le dispositif légal de prise en charge des mineurs étrangers isolés montre ses limites, avec des difficultés qui tournent autour des points suivants : très forte augmentation du nombre de personnes se déclarant mineures ; saturation totale des dispositifs de protection de l'enfance dont les départements ont la charge ; absence de mise à l'abri de plus en plus fréquente d'un certain nombre de personnes se déclarant mineurs non accompagnés ; manque d'harmonisation des pratiques en matière d'évaluation de la minorité ; hausse des recours et des demandes de réévaluation de leur minorité par certains jeunes, qui rend les procédures d'autant plus longues et coûteuses.
L'afflux de mineurs non accompagnés est tel que les départements ont de plus en plus de mal à prendre convenablement en charge ces jeunes. Certes, sur le plan financier, au-delà de l'abondement du Fonds national de financement de la protection de l'enfance à hauteur de 6,5 millions d'euros pour le remboursement de l'évaluation et de la mise à l'abri assumé par les départements, l'État remboursera désormais aux départements 30 % du coût correspondant à la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance des mineurs non accompagnés supplémentaires au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016. Cependant, cela ne couvre pas la réalité de la totalité des dépenses et ne doit pas faire oublier les aspects humains et organisationnels.
Nul ne peut nier aujourd'hui que les départements doivent faire face à une situation qui dépend de politiques plus larges relevant de compétences nationale et européenne en matière migratoire. S'ils ont marqué leur désir de travailler conjointement avec l'État à une amélioration des politiques d'accueil, ils souhaitent fortement qu'elle ne soit pas limitée à la seule question évaluative. En effet, la prise en charge de ces jeunes est primordiale : il est de notre responsabilité de leur assurer une protection totale comme un accompagnement pluridisciplinaire à même de leur offrir des opportunités dans notre pays, avec des conditions de vie décentes. Il apparaît urgent que l'État s'engage davantage, tant du point de vue financier qu'organisationnel, pour la mise en œuvre de cette politique d'accueil fondamentale.
Elle lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les mesures pérennes qu'elle entend mettre en œuvre pour soutenir les départements et assurer que la France accueille les mineurs non accompagnés, autrement dit tous ces jeunes déracinés, dans le respect des conventions internationales de protection des droits de l'enfant dont elle est signataire.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 01/03/2018
Une forte augmentation du flux de personnes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) est constatée depuis la fin du mois de juin 2017. Précisément, au niveau national, le nombre de personnes reconnues MNA est passé de 5590 en 2015 à 8054 en 2016 pour atteindre 14908 en 2017, soit 85 % d'augmentation pour la seule dernière année. La quasi-totalité des départements métropolitains font part de la saturation de leurs dispositifs d'évaluation et de prise en charge. Alerté des difficultés financières engendrées par l'augmentation massive du flux de MNA, le Premier ministre a confirmé que l'État assumerait l'évaluation de l'âge et la mise à l'abri des personnes se déclarant MNA jusqu'à ce que leur minorité soit évaluée. Les principales problématiques mentionnés ont été identifiées (défaut d'harmonisation des évaluations sur le territoire métropolitain, réévaluations, saturation des mises à l'abri, augmentation des recours, coûts trop importants du dispositif actuel ) et sont actuellement expertisées par la mission bipartite nommée en octobre 2017 par le Premier ministre. Composée de représentants des corps d'inspection de l'État et de conseils départementaux, elle proposera très prochainement des solutions opérationnelles permettant d'améliorer l'efficacité, la cohérence et la soutenabilité budgétaire de la phase d'évaluation et de mise à l'abri de la politique publique mise en uvre au profit des MNA. Par ailleurs, les ministres de la justice et des solidarités et de la santé ont réaffirmé leur volonté de travailler conjointement à l'élaboration d'un plan d'action national visant à améliorer l'accueil et la prise en charge des MNA et personnes se présentant comme tels, conformément aux engagements du président de la République. Le projet de plan sera présenté au cours du premier trimestre 2018. L'État demeure conscient de ses devoirs auprès des plus vulnérables que sont les MNA et vient au soutien des départements à qui en incombe la prise en charge, conformément à la politique décentralisée de protection de l'enfance.
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