Question de M. FÉRAUD Rémi (Paris - SOCR) publiée le 14/03/2018

Question posée en séance publique le 13/03/2018

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, ma question, qui concerne également la situation à Afrine, s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Depuis le 20 janvier dernier, la Turquie s'attaque aux Kurdes de Syrie en bombardant chaque jour le canton d'Afrine. Avec ses alliés islamistes, l'armée turque mène une offensive qui a déjà provoqué la mort de plusieurs centaines de civils.

Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la situation sur place ne cesse de se dégrader : la ville de Jindaris ainsi que plusieurs villages ont été détruits par les bombardements. L'armée turque a coupé l'alimentation en eau et en électricité de la ville d'Afrine, qui abriterait 800 000 personnes. Cette population assiégée, qui manquait déjà de médicaments et de vivres, est aujourd'hui en grand danger.

Je veux rappeler en cet instant que les Kurdes ont été et sont nos plus précieux alliés dans la guerre contre les djihadistes. En leur infligeant une défaite cinglante à Kobané en 2015, en participant à la libération des territoires syriens aux mains de Daech, les Kurdes ont sacrifié leurs vies pour notre liberté. Ils ont eu un rôle déterminant aux côtés de la coalition.

La situation dramatique d'Afrine, comme celle de la Ghouta près de Damas où le régime de Bachar el-Assad ne tient aucun compte de la résolution de l'ONU, nous oblige aujourd'hui à réagir fermement. Il est temps, pour la communauté internationale, de sortir de son silence et, pour notre pays, de faire preuve d'une plus grande fermeté vis-à-vis tant de la Russie que de la Turquie.

Aussi, monsieur le ministre, quelles actions, au-delà de celles qui ont déjà été entreprises, la France compte-t-elle mettre en place pour arrêter cette violation du droit international par la Turquie, pour éviter les massacres de grande ampleur qui s'annoncent et pour empêcher que les Kurdes syriens soient aujourd'hui sacrifiés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 14/03/2018

Réponse apportée en séance publique le 13/03/2018

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Rémi Féraud, je vais compléter la réponse que je viens de faire à l'instant.

Tout d'abord, j'évoquerai la timidité qui nous est reprochée. Je me suis rendu à Moscou et à Téhéran voilà peu de jours pour dire, au nom du Président de la République, à mes interlocuteurs, au plus haut niveau, la manière dont la France concevait la situation en Syrie.

La France a beaucoup œuvré pour la mise en œuvre de la résolution 2401, qui prévoit une trêve de trente jours permettant l'acheminement de l'aide humanitaire et ouvrant la possibilité aux populations les plus touchées de regagner un lieu hospitalier où elles soient en sécurité.

Une réunion du Conseil de sécurité s'est tenue hier soir à New York. La France a parlé fort, comme j'ai pu parler fort à mes interlocuteurs lorsque je les ai rencontrés, et comme le Président de la République parle fort lorsqu'il a au téléphone les différents responsables en Russie, en Turquie ou en Iran.

Toutefois, le bilan dressé par le Conseil de sécurité concernant l'application de la résolution, qui constitue désormais, je l'ai dit tout à l'heure, le droit international, est accablant : il ne s'est pas passé une seule journée sans que cette résolution ait été violée par le régime, qui a poursuivi ses offensives et ses bombardements contre les zones habitées. Des centaines de civils, qui attendent des soins médicaux d'urgence souvent vitaux, n'ont pas pu être évacuées ; les médicaments sont retirés des convois humanitaires.

Cette résolution s'impose à toutes les parties, et plus particulièrement aux États qui sont engagés militairement sur le territoire syrien, à savoir la Russie, qui apporte un soutien aérien aux opérations du régime dans la Ghouta orientale, sans laquelle Bachar el-Assad ne pourrait pas poursuivre son offensive, mais aussi la Turquie, à propos de laquelle je me suis expliqué tout à l'heure. Rien ne justifie que des opérations militaires aboutissent à pénaliser, à victimiser des populations civiles. Je pense également à l'Iran, qui doit assumer ses responsabilités et, donc, ne pas participer aux combats en Syrie, afin que nous puissions enfin engager un processus politique permettant à ce pays de retrouver son intégrité et un peu de sérénité.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous le voyez, monsieur le sénateur, la position de la France, c'est de faire en sorte que le droit international soit respecté. La France choisit le droit international plutôt que la guerre. C'est son objectif permanent, et elle le défend auprès de tous ses interlocuteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)

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