Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 01/03/2018

Mme Laurence Cohen interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le statut des psychologues en France.

En effet, deux expérimentations relatives à la prise en charge par l'assurance maladie de suivis psychologiques sont en cours : l'une pour la prise en soins des jeunes de 11 à 21 ans, et l'autre pour les adultes de 18 à 60 ans. Or, les professionnels concernés, à savoir les psychologues, ne sont pas associés à ces démarches. De plus, il leur est demandé de se soumettre à un pilotage médical qui détermine, prescrit et contrôles leurs actes mêmes.
Ce procédé choque, à juste titre, la profession qui y voit un acte de mépris, un manque de reconnaissance, comme si les psychologues n'étaient pas légitimes pour évaluer, par eux-mêmes, la souffrance psychique et proposer des solutions.
Elle lui demande quels moyens seront accordés afin d'avoir une évaluation des expérimentations en cours et comment elle compte associer les psychologues à l'offre de soins en sortant d'une vision médico-centrée de la prise en charge psychologique, afin d'assurer une meilleure prise en charge des populations.

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Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée le 20/06/2018

Réponse apportée en séance publique le 19/06/2018

Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, comme vous le savez, deux expérimentations sont en cours dans plusieurs de nos départements pour évaluer la possibilité d'un remboursement par l'assurance maladie des suivis psychologiques hors des centres médico-psychologiques, ou CMP.

L'une de ces initiatives, appelée « Écout'Émoi », permet la prise en charge de consultations psychologiques offertes aux enfants et adolescents de 11 à 21 ans. L'autre a pour objet la prise en charge des thérapies non médicamenteuses des troubles en santé mentale d'intensité légère à modérée chez l'adulte de 18 à 60 ans. Ce dispositif, prévu pour quatre ans, devrait permettre aux pouvoirs publics d'évaluer l'intérêt et la faisabilité d'une prise en charge par la sécurité sociale des actes des psychologues libéraux.

Si je ne peux que partager cet objectif, permettez-moi, d'une part, de regretter fortement que les professionnels concernés, à savoir les psychologues, n'aient pas été associés à ces démarches et ne le soient toujours pas, malgré la lettre ouverte qu'ils vous ont adressée en janvier dernier, et, d'autre part, de ne pas partager les raisons qui vous poussent à soumettre ces professionnels de santé à un pilotage médical qui détermine, prescrit et contrôle les actes mêmes des psychologues.

Mes remarques font écho à celles des psychologues eux-mêmes. En effet, ce procédé choque à juste titre la profession, qui y voit un acte de mépris, un manque de reconnaissance, voire une mise sous tutelle médicale. Les psychologues ne seraient-ils donc pas assez légitimes pour évaluer par eux-mêmes la souffrance psychique et proposer des solutions ?

Cette situation apparaît en contradiction avec le code de la santé publique : son article L. 3221–1, issu de la récente loi de modernisation de notre système de santé, reconnaît clairement la place des psychologues.

Enfin, autre problème, vous conviendrez que le taux de remboursement proposé pour ces consultations, entre 22 et 32 euros, est bien trop bas au regard du prix d'une consultation et ne peut permettre à ces professionnels d'exercer correctement leur métier.

C'est pourquoi je voudrais savoir, madame la ministre, comment vous comptez, d'une part, associer les psychologues à ces expérimentations de façon à sortir d'une vision médico-centrée de la prise en charge psychologique et, d'autre part, écouter les craintes et les demandes qu'ils ont notamment exprimées dans une pétition qui a recueilli plus de 9 000 signatures.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Cohen, effectivement, l'assurance maladie ne rembourse actuellement que les consultations chez un médecin psychiatre, sur prescription médicale. Nous innovons aujourd'hui en expérimentant d'autres modalités de prise en charge.

L'expérimentation Écout'Émoi vise à diminuer l'éventuelle souffrance psychique de jeunes âgés de 11 à 21 ans et à faciliter leur parcours de santé mentale en améliorant la coordination et la collaboration entre les professionnels qui interviennent auprès des jeunes. Ainsi, on pourra améliorer l'information générale des jeunes et de leur entourage en matière de santé mentale, repérer plus précocement les troubles et évaluer la souffrance psychique pour prescrire, si besoin est, des consultations chez des psychologues cliniciens libéraux à des jeunes en situation de mal-être ne présentant pas de troubles sévères. Ces consultations seront prises en charge par l'assurance maladie dans le cadre de l'expérimentation.

Pour des troubles plus importants, les psychiatres resteront en première ligne. Tous les professionnels au contact des jeunes seront impliqués dans ces expérimentations, qu'il s'agisse des professionnels de santé, des professionnels de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, ou des maisons des adolescents, qui coordonneront le dispositif sur le terrain. Cette expérimentation sera menée en Île-de-France, dans le Grand Est et dans les Pays de la Loire.

Une seconde expérimentation est portée par l'assurance maladie en Haute-Garonne, dans le Morbihan et dans les Bouches-du-Rhône. Elle porte sur la prise en charge des thérapies non médicamenteuses en médecine de ville pour les troubles en santé mentale d'intensité légère à modérée. Elle s'adresse aux adultes de 18 à 60 ans souffrant de trouble dépressif ou anxieux, de trouble de l'adaptation, d'intensité légère à modérée, ou de syndrome médical inexpliqué.

Cette expérimentation propose aux patients de mener, après évaluation par un médecin, des séances de psychothérapie avec un psychologue clinicien ou un psychothérapeute ; ces séances seront prises en charge par l'assurance maladie dans le cadre du dispositif expérimental.

Ces deux dispositifs expérimentaux vont faire l'objet d'évaluations scientifiques avec l'ensemble des acteurs impliqués ; les résultats de ces évaluations permettront d'élaborer des recommandations en cas de généralisation.

En conclusion, l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 permet également, dans un cadre expérimental, d'impliquer des actes de psychologues au sein des parcours de santé des patients, avec des tarifications adaptées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour répondre à Mme la ministre.

Mme Laurence Cohen. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir détaillé les expérimentations en cours, ce qui est toujours utile pour celles et ceux qui ne les connaissaient pas.

Je veux cependant attirer votre attention sur les revendications des psychologues : malheureusement, ils ne se sentent pas associés à ces expérimentations et à ces démarches. Je vous demande simplement de les recevoir : il faut que les évaluations scientifiques et les collectifs qui pourront être mis sur pied associent les professionnels concernés. Bien trop souvent, beaucoup d'entre eux se sentent rejetés des commissions d'experts réunis par le ministère de la santé.

Je veux en outre rappeler que la profession de psychologue n'est pas reconnue à sa juste valeur, et ce à tous les niveaux. Une très grande majorité des 36 000 psychologues qui exercent en France sont des femmes, et leurs statuts sont très précaires. Je le répète : il faut que cette profession soit reconnue et soit associée au diagnostic, sans être placée sous une tutelle médicale.

Plus largement, les psychologues, dont les CMP et les hôpitaux manquent cruellement, ont besoin d'une revalorisation de leur métier, c'est-à-dire non seulement de leur salaire, mais aussi de leur statut. Ils attendent et demandent cette reconnaissance.

Je profite enfin de cette occasion, madame la ministre, pour vous appeler à rester attentive et à progresser vers la titularisation urgente de ces professionnels afin de valoriser ce métier, qui en a fortement besoin ; je vous en remercie par avance.

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