Question de M. PIERRE Jackie (Vosges - Les Républicains) publiée le 15/03/2018
M. Jackie Pierre attire l'attention de M. le Premier ministre sur la revalorisation des retraites agricoles et les conditions d'exercice du débat parlementaire. Une proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer (proposition n° 368, 2016-2017 ; texte de la commission n° 316, rapport n° 315, 2017-2018) votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale il y a plus d'un an et adoptée aussi à l'unanimité par la commission des affaires sociales du Sénat, était à l'ordre du jour de la Haute assemblée le mercredi 7 mars 2018. La proposition prévoyait notamment de faire passer le minimum garanti pour les anciens chefs d'exploitation de 75 % à 85 % du smic net agricole, soit de 871 euros à 987 euros par mois. Le texte, à l'initiative du groupe communiste, avait réussi à faire consensus (cas assez rare pour être souligné !) au Parlement, rendant son adoption quasiment acquise. C'était sans compter sur l'intervention du Gouvernement qui au dernier moment a décidé de déposer un amendement repoussant son application à 2020, considérant que « l'amélioration des petites retraites agricoles ne peut être envisagée indépendamment des autres évolutions qui affectent notre système de retraites ». Comble d'un certain cynisme ou, au minimum, d'une impréparation compte tenu de la faiblesse notoire des pensions de retraites agricoles. Pour faire passer son projet, le Gouvernement a décidé de demander in extremis un « vote bloqué » sur le texte, obligeant les sénateurs à se prononcer, par un seul vote, sur le texte, amendement compris. Recourir à l'article 44, alinéa 3, de la Constitution est une manœuvre rarissime sur une proposition de loi qui montre le peu de cas que le Gouvernement fait du Parlement. En effet, voter contre l'amendement revient à rejeter tout le texte et interrompre la navette parlementaire ; voter pour l'amendement permet de continuer la navette parlementaire tout en acceptant que la revalorisation soit reportée à 2020, conformément à la volonté du Gouvernement. Ce processus de rationalisation du parlementarisme (rarement utilisé) permet de mettre un terme à une discussion lorsqu'elle s'éternise. En l'espèce, l'utilisation de cette arme avant toute discussion du texte témoigne du mépris exercé à l'égard des parlementaires en ce qu'ils se retrouvent d'emblée privés d'une liberté essentielle, la liberté d'amendement. Lors de son intervention en séance, alors qu'il s'apprêtait à voter le texte, il a dénoncé à ce titre l'attitude du Gouvernement et son « coup de force » contribuant à « dégrader encore la situation des agriculteurs ». Il n'a pas manqué de rappeler « leurs difficultés extrêmes » et l'injustice qui les empêche de disposer d'une vie décente malgré « une vie de dur labeur ». Face à la menace qui pesait sur l'adoption du texte, celui-ci a été retiré pour être réintroduit à l'ordre du jour réservé du 16 mai 2018. Dans cette perspective, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles dispositions il envisage de prendre pour que s'exerce un débat parlementaire réel et serein sur ce texte, et le cas échéant, pour s'associer, dès 2018, au mouvement de revalorisation des petites retraites agricoles sachant que la pension minimum de cette catégorie de travailleurs demeure, encore à ce jour, inférieure au seuil de pauvreté et au montant du minimum vieillesse.
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Réponse du Premier ministre publiée le 12/04/2018
Le 7 mars dernier, au Sénat, était inscrite à l'ordre du jour la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer (n° 368, 2016-2017). Le Gouvernement est pleinement conscient de la faiblesse du niveau des retraites agricoles, et ce, en dépit de la mobilisation de la solidarité nationale et des efforts consentis notamment en 2009 et en 2014. Il s'agit d'un sujet grave et sérieux, auquel la proposition de loi n'apporte malheureusement qu'une réponse parcellaire et non financée. En effet, ce texte comporte des gages financiers qui auraient pour effet une hausse de 400 millions d'euros de la fiscalité. Ceux-ci reposent sur des ressources qui ne sont pas affectées au financement des retraites comme la taxe sur les transactions financières, consacrée à l'aide au développement, et les droits sur les tabacs affectés à l'assurance maladie. En outre, la proposition de loi intervient à un moment où le Gouvernement s'apprête à engager une réforme globale des régimes de retraites. Cette dernière doit permettre de poser les bases d'un système plus équitable et de bien préciser la place accordée aux dispositifs de solidarité. C'est dans ce cadre et afin d'échanger sur ce sujet que le Premier ministre a demandé à M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et à M. Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, de recevoir les représentants du monde agricole. Compte tenu de l'importance du sujet mais également des limites de cette proposition de loi, énumérées précédemment, le Gouvernement avait proposé au Sénat un amendement décalant de 2018 à 2020 l'entrée en vigueur de l'article 1er. Il avait, à cette occasion, exprimé son intention de recourir au vote bloqué, prévu par l'article 44 alinéa 3 de la Constitution et l'article 42 alinéa 7 du Règlement du Sénat, afin que la discussion ne se termine pas par l'adoption d'un dispositif d'affichage qui ne reposait sur aucun financement crédible. Il a donc fait usage des prérogatives que lui reconnaissent la Constitution et le Règlement du Sénat, comme cela a déjà été fait à 226 reprises au total depuis le début de la Vème République, y compris sur des propositions de loi. Le groupe Communiste républicain citoyen et écologiste a préféré retirer son texte. Le Gouvernement en a pris acte et renouvelle son engagement d'évoquer la situation particulière des agriculteurs dans le cadre de la préparation de la réforme globale du régime des retraites.
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