Question de Mme CONWAY-MOURET Hélène (Français établis hors de France - SOCR) publiée le 05/04/2018

Mme Hélène Conway-Mouret attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères quant à la réforme de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

L'AEFE est un opérateur du ministère des affaires étrangères qui gère un vaste réseau de presque cinq cents établissements, et scolarise plus de 300 000 élèves français et étrangers dans le monde. La suppression de 33 millions d'euros de crédits décidée par le Gouvernement à l'été 2017 a eu de lourdes conséquences sur le fonctionnement des établissements et le coût de la scolarité des élèves. Ainsi ce sont quatre-vingts postes d'expatriés qui seront supprimés dès la rentrée 2018, ainsi que cent postes de résidents (ou agents de centrale) « compensés » par une augmentation du plafond d'emploi des recrutés locaux dans les établissements en gestion directe.

Les effectifs seront également réduits en 2019 et 2020. Aujourd'hui, le désengagement financier de l'État met en danger de nombreuses écoles françaises.

Les parents d'élèves craignent la dégradation de la qualité de la formation avec le recrutement accru d'enseignants en contrat local non formés pour compenser les suppressions de postes. Ils s'attendent aussi à une augmentation des frais de scolarité. Le ministère des affaires étrangères s'est engagé à ce qu'aucune famille française résidant à l'étranger et entrant dans les critères de bourses scolaires ne soit exclue de leur bénéfice faute de crédits.

L'enseignement du français à l'étranger attire chaque année de nombreux étudiants. La réduction budgétaire de l'AEFE affectera la qualité de notre enseignement et donc notre capacité d'influence. Le rayonnement culturel français passe d'abord par ses écoles.

Le déficit existant aujourd'hui à l'AEFE semble lié à l'incapacité de l'État à financer par des ressources publiques le développement d'un réseau qui connaît une hausse de 2 % de ses effectifs d'élèves chaque année. L'État semble également avoir du mal à couvrir les frais des projets immobiliers de construction ou de rénovation des bâtiments. De fait, le réseau est déjà largement financé par des ressources privées : les frais d'écolage des familles et d'autres recettes propres représentent 53 % du budget de l'AEFE. Cependant, l'AEFE repose juridiquement sur des conventions peu solides.

Elle lui demande si la réforme de l'AEFE vise à préserver la gestion de ce réseau par l'opérateur public avec des ressources à la hauteur de ses ambitions et quelle sera sa gouvernance.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 25/07/2018

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2018

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d'État, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, est un opérateur de votre ministère. Elle gère un vaste réseau, comptant près de 500 établissements et plus de 350 000 élèves français et étrangers dans le monde.

La suppression de 33 millions d'euros, que votre gouvernement a décidée l'été dernier, a eu et continue d'avoir de lourdes conséquences sur le fonctionnement de ces établissements et sur le coût de la scolarité qui se déroule en leur sein.

Dès la rentrée de 2018, quatre-vingts postes d'expatrié seront supprimés, ainsi que cent postes de résident, lesquels seront compensés par une augmentation du plafond d'emploi des recrutés locaux dans les établissements en gestion directe, les EGD. Les effectifs seront également réduits en 2019 et en 2020. Aujourd'hui, la décision budgétaire prise en 2017 met donc une terrible pression sur la gestion des établissements scolaires.

Les parents d'élèves craignent la dégradation de l'atmosphère de travail au lycée – cette dernière est déjà marquée par l'augmentation du recrutement d'enseignants en contrat local, lesquels souvent très peu payés, pour compenser les suppressions de postes de résidents. Ils s'attendent à une forte augmentation des frais de scolarité, ce qui aura une incidence directe sur les demandes de bourse.

Votre ministère s'est pourtant engagé à ce qu'aucune famille française résidant à l'étranger et répondant aux critères d'obtention des bourses scolaires ne soit exclue de leur bénéfice par manque de crédits. Je suis donc curieuse de savoir comment vous allez gérer l'augmentation des demandes à enveloppe constante pour les deux ans à venir…

Ce réseau voit ses effectifs d'élèves augmenter de 2 % chaque année. En conséquence, il lui faut mener un assez grand nombre de projets immobiliers de construction et de rénovation. Or l'État semble avoir de plus en plus de mal à couvrir les frais de ces projets immobiliers, qui lui reviennent.

En effet, le réseau AEFE est déjà largement financé par des ressources privées : les frais d'écolage des familles et d'autres recettes propres représentent aujourd'hui 53 % du budget de l'AEFE. À cela s'ajoute l'augmentation de la ponction de six à neuf points, ce qui fragilise d'autant l'intérêt que peuvent avoir les établissements à conserver leur convention.

Alors que l'enseignement du français à l'étranger attire chaque année un nombre croissant d'élèves, le manque d'investissements budgétaires va à l'encontre de la politique que nous devrions mener. En l'occurrence, les choix opérés entrent même en totale contradiction avec la volonté, affichée par le Président de la République, de doubler le nombre d'apprenants de français.

Ce réseau est unique au monde. Aucun autre pays n'a tant investi pour assurer le fonctionnement d'un ensemble de 500 établissements scolaires, pilier de notre francophonie. Il serait dommage de casser ce bel outil !

Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais croire que le rayonnement éducatif de la France reste une priorité ; nous serons bientôt fixés, lorsque nous examinerons les choix budgétaires que vous serez conduit à faire pour votre ministère.

Ma question est simple : entendez-vous continuer à soutenir le réseau AEFE, et quels sont les objectifs de la lettre de mission pour la réforme que vous avez annoncée il y a un an ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice Conway-Mouret, qu'il n'y ait aucune ambiguïté : nous sommes véritablement attachés à l'essor du réseau de l'enseignement français à l'étranger. Vous l'avez rappelé, la demande exprimée à ce titre est de plus en plus forte, et la tendance n'est pas nouvelle – on l'observe depuis une décennie déjà.

Or, à cet égard, on doit en finir avec la vieille technique du rabot budgétaire, que les uns et les autres ont appliquée tour à tour. Dans un rapport daté de 2016, la Cour des comptes relevait déjà que, depuis 2012, les crédits de l'enseignement français avaient baissé de 8 %.

C'est donc une méthode dont vous avez usé, et que nous avons dû employer l'été dernier compte tenu d'un certain nombre d'imprécisions de la loi de finances initiale pour 2017 – il faut dire les choses comme elles sont ; pour ma part, je ne suis pas comptable de ce texte, dans la mesure où je ne l'ai pas voté. Quoi qu'il en soit, il a fallu opérer des ajustements sur tous les postes de l'État, et le Quai d'Orsay a été appelé à contribuer à cet effort.

Pour ce qui concerne les 33 millions d'euros de régulation que vous évoquez, nous avons veillé, avec la plus grande attention, à mener un dialogue très étroit, une analyse précise avec tous les établissements concernés : soit on a supprimé des postes déjà vacants, soit on a tiré les conséquences d'un départ déjà programmé.

Dans le même temps, l'on a dénombré 115 ouvertures de postes : là où les besoins étaient constatés, nous avons donc été présents au rendez-vous.

Pour ce qui concerne les projets immobiliers, je tiens à préciser qu'aucun chantier d'EGD n'a été abandonné. Il y a quelques mois, je me suis rendu au Vietnam, et j'ai visité le nouveau lycée de Hanoï, qui sera inauguré à l'automne prochain. Je puis vous dire qu'il a fière allure. Certains projets ont peut-être été rééchelonnés ou redimensionnés : mais, j'insiste, on n'a renoncé à aucun d'entre eux.

Nous voulons sortir de cette logique du rabot, appliquée année après année, au profit d'une réflexion globale : il faut déterminer les meilleurs moyens de conforter ce dispositif et, dans ce cadre, toutes les contributions sont les bienvenues, dont la vôtre, naturellement.

Les inspections générales des affaires étrangères et de l'éducation nationale travaillent ; la députée Samantha Cazebonne est en mission ; en outre, j'ai demandé que les parents d'élèves soient consultés, et pour cause : comme vous l'avez rappelé, au travers des frais d'écolage, ils sont les premiers contributeurs de ce réseau.

La réflexion est en cours, le travail progresse, et je serai heureux de le poursuivre avec vous comme avec tous les parlementaires représentant les Français établis hors de France.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour répondre à M. le secrétaire d'État.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d'État, il est vrai que, depuis longtemps, on applique en la matière une politique d'économies. Toutefois, alors que vous avez opéré 33 millions d'euros de coupes budgétaires, j'avais, de mon côté, étoffé l'enveloppe des bourses de 30 millions d'euros sur trois ans. Je souhaitais simplement apporter cette précision.

Je vous ai donné l'occasion de clarifier vos intentions réelles, de nous dire ce que vous souhaitiez véritablement faire de l'AEFE, mais vous ne l'avez pas saisie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. Travaillons ensemble !

Mme Hélène Conway-Mouret. Vous nous dites qu'un travail est en cours. Mais, généralement, quand on annonce une réforme,…

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. On ne commence pas par en donner le résultat !

Mme Hélène Conway-Mouret. … c'est pour transformer un système qui ne donne pas satisfaction. Or j'ignore encore quels sont exactement vos objectifs : je m'attendais à ce que vous les définissiez aujourd'hui.

Sans vous contredire, je tiens à vous fournir quelques indications au sujet de ces coupes budgétaires, qui sévissent sur les cinq continents.

Au lycée Chateaubriand de Rome, un poste a été supprimé l'année dernière et un second risque de l'être à la rentrée prochaine. Au lycée de Toronto, trois postes de résident viennent d'être supprimés. Au lycée de Tokyo, les professeurs ont été contraints d'accepter de fortes baisses de salaire au risque d'être licenciés. Au lycée André-Malraux de Rabat, un projet d'agrandissement des locaux pourrait être suspendu faute de moyens. Au lycée de Caracas, la hausse des frais de scolarité, combinée aux effets de l'hyperinflation, contraint les familles à verser près de 3 000 euros par an, outre les frais habituels, pour que leurs enfants puissent poursuivre leur scolarité. Et je ne parle pas du lycée international de Los Angeles !

Je suis sollicitée, non seulement par les parents d'élèves, mais par les professeurs, qui sont inquiets. Soyez-en conscient : les coupes budgétaires décidées par le Gouvernement ont des conséquences très négatives, qui, bien au-delà des lycées, affectent toute la communauté française à l'étranger.

Dans les années quatre-vingt-dix, François Mitterrand a créé cette communauté française, qu'il voulait forte et influente. Bien sûr, il faut faire des économies. Mais, aujourd'hui, on a l'impression qu'elle ne bénéficie plus d'aucun effort ; que l'État n'a plus réellement la volonté de soutenir la francophonie. Nous sommes victimes de décisions comptables, et il est temps que vous clarifiiez vos intentions.

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