Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 19/04/2018

M. Pierre Laurent attire l'attention de Mme la ministre, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes sur les insuffisances des mécanismes qui luttent contre les détournements d'armes au niveau européen et français notamment.
Selon les conclusions d'une étude de terrain menée par l'organisation britannique Conflict Armament Research publiée en décembre 2017, les États-Unis et l'Arabie saoudite, qui sont par ailleurs les deux principaux clients de l'industrie européenne de l'armement, ont transféré des armes légères et de petit calibre et des munitions européennes à des acteurs non étatiques impliqués dans une guerre civile particulièrement meurtrière, et cela en contradiction avec les engagements pris par Washington et Riyad dans les certificats d'utilisateur final (CUF) fournis aux deux pays exportateurs.
En septembre 2017, le Parlement européen a adopté une résolution exhortant les États membres de l'Union européenne (UE) à améliorer la mise en œuvre de la position commune de l'UE sur les exportations d'armes. Il a également exprimé une forte préoccupation au sujet de détournements d'exportations vers l'Arabie saoudite et le Qatar en direction d'acteurs armés non étatiques, en Syrie notamment, qui commettent de graves violations des droits de l'homme et du droit humanitaire.
Au vu de ce contexte ne serait-il pas nécessaire que la France soit à l'initiative d'une modification du texte de la position commune concernant le critère sur le risque de détournement pour, à l'image d'autres critères (comme celui sur la situation dans le pays de destination finale ou celui sur la stabilité régionale), appeler explicitement à un refus de délivrer une licence d'exportation s'il existe un risque de détournement ?
Par ailleurs ne faudrait-il qu'elle propose une modification des textes légaux en vue d'arriver à une formalisation du partage d'informations concernant les détournements d'armements européens ?
En outre et au vu du fait qu'il apparaît que les Etats-Unis, l'Arabie Saoudite et le Qatar ont détourné des armes européennes en contravention de leurs engagements en matière de non-réexportation, il lui demande s'il ne faudrait pas que la France propose aux États membres de l'UE d'évaluer la pertinence de la mise en place de sanctions envers ces trois pays ?
Enfin, il lui demande s'il ne serait pas, enfin, nécessaire, au vu des éléments évoqués, que la France mette à jour sa liste des pays dont les certificats de non-réexportation d'armes (appellation consacrée du CUF en France) sont exemptés d'authentification par les ambassades françaises. Il est à noter qu'aussi bien les États-Unis que l'Arabie Saoudite et le Qatar figurent sur cette liste.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes publiée le 21/06/2018

La France applique une politique de contrôle des exportations reposant sur une analyse rigoureuse et au cas par cas dans le cadre de la Commission interministérielle pour l'exportation de matériels de guerre (CIEEMG). La décision est prise par le Premier ministre, après avis de la CIEEMG, dans le strict respect des engagements internationaux de la France. Elle prend en compte la stabilité régionale et la lutte contre le terrorisme, mais aussi la nature des matériels, les questions liées au respect des droits de l'Homme ou encore la sécurité des civils. La procédure d'examen a été rehaussée au niveau de vigilance maximum des demandes de licence d'exportation vers la coalition arabe compte tenu de la crise au Yémen. Le risque de détournement fait partie des principaux critères d'évaluation des demandes de licence, et repose sur une analyse prenant en compte plusieurs facteurs, notamment le destinataire final, les éventuels intermédiaires, ainsi que les éléments de contexte de l'opération de transfert. Le 7ème critère de la position commune 2008/944/PESC mentionne de manière explicite les éléments devant être pris en compte dans toute demande d'exportation en matière de lutte contre le détournement. Plusieurs outils sont par ailleurs à la disposition des autorités françaises pour se prémunir du risque de détournement après autorisation d'exportation. Il s'agit notamment d'engagements en matière d'utilisation finale des biens (certificats d'utilisateur final) et de non-réexportation sans l'autorisation préalable du gouvernement français. Enfin, dans le cadre du Traité sur le commerce des armes, la France a formulé des propositions concrètes en matière de coopération dans la lutte contre le détournement des armes classiques, visant notamment à stimuler les échanges entre Etats sur ce sujet, à mieux identifier les mesures pertinentes, et enfin à favoriser la conduite de programmes d'assistance visant à renforcer la capacité des États à prévenir et lutter contre le détournement des armes légalement transférées.

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