Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 26/04/2018
M. Daniel Gremillet interroge Mme la ministre du travail sur les menaces qui pèsent sur les centres de formations des apprentis (CFA) situés en zone rurale suite à la réforme de l'apprentissage présentée récemment par le Gouvernement et qui confie au patronat la gouvernance et le financement du système d'apprentissage.
En France, en 2016, on dénombre plus de 1 200 centres de formation d'apprentis, tous secteurs confondus. Sur le territoire vosgien, les communes de Liffol-le-Grand, Mirecourt, Roville-aux-Chênes, Saint-Dié-des-Vosges, Sainte-Marguerite, Gérardmer, Remiremont, Bains-les-Bains, Arches, Epinal, Thaon-les- Vosges abritent des CFA qui maillent ainsi l'ensemble du territoire proposant aux jeunes âgés de 15 à 24 ans une offre de formations variées dans les métiers de bouches, de l'esthétique, de l'industrie, de l'agriculture, de la restauration, des métiers d'art, des services à la personne, du bâtiment, du commerce
Ainsi, 1 734 élèves vosgiens sont inscrits dans ces centres. Cette filière affiche des résultats satisfaisants en matière d'accès à l'emploi puisque sept jeunes sur dix accèdent à une activité professionnelle dans les six mois qui suivent l'obtention de leur diplôme. Or, cette réforme laisse à penser qu'elle risque de compromettre l'avenir de certains métiers rares pour lesquels on maintient des sections à faible effectif parce qu'il y a un besoin dans ce secteur et parce qu'ils sont nécessaires à l'activité économique de nos départements. La menace pèse, d'une part, sur les petits CFA dont les moyens de fonctionnement sont souvent faibles rendant plus fragiles leur maintien et, d'autre part, sur les formations en déficit d'image comme par exemple l'artisanat, le commerce, l'agriculture et les métiers de bouche (boucherie, boulangerie etc...)
Outre l'impact sur les CFA, la réforme risque aussi d'avoir des conséquences sur les jeunes apprentis, notamment ceux qui étudient dans les zones éloignées des métropoles et des grandes villes. Les apprentis de niveaux 4 et 5, s'ils n'avaient pas la possibilité de faire un apprentissage, arrêteraient leur scolarité ou seraient dans la catégorie « décrocheur ». Parce que l'école les a démotivés d'une scolarité classique, parce que ces jeunes vivent une précarité économique qui les oblige à gagner leur vie pour assurer le minimum pour eux et leurs familles, parce que certains jeunes ont soif de devenir autonomes en apprenant concrètement un métier, notre devoir est de pérenniser le maillage de ces formations. Avec cette réforme, un prix national sera fixé pour chaque formation pour tout le territoire national. Ainsi, l'avantage sera donné aux centres de formation suffisamment dotés là où la démographie est forte et, inversement, dans les milieux ruraux et semi-ruraux, les établissements accueillant moins d'élèves risquent d'être condamnés, renforçant la fracture territoriale.
Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour assurer le maintien des centres de formations des apprentis dans les territoires ruraux.
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Réponse du Ministère du travail publiée le 12/07/2018
L'apprentissage constitue une promesse solide d'insertion professionnelle puisque environ 70 % des apprentis trouvent un emploi dans les sept mois qui suivent la fin de leur formation. Pourtant, notre pays comptait au 31 décembre 2016 seulement 400 000 apprentis, soit 7 % des jeunes, contre 15 % en moyenne dans les pays européens qui ont réussi à endiguer le chômage de masse des jeunes. Or, la France compte plus de 1,3 million de jeunes qui ne sont ni à l'école, ni à l'université, ni en apprentissage et ni en emploi. Cela ne saurait être une fatalité. Cette situation s'explique par le fait que les jeunes et les entreprises se heurtent à de nombreux obstacles. En effet, outre un frein culturel, notre système de l'apprentissage se caractérise par la complexité tant de sa gouvernance, que de son financement et de son opérationnalité, si bien que les jeunes sont privés de formations adaptées à leurs besoins et ne trouvent pas d'entreprises alors de des dizaines de milliers de places ne sont pas pourvues. C'est pourquoi le Gouvernement, avec tous les acteurs concernés, les régions, les branches professionnelles et les partenaires sociaux, ont décidé de s'engager conjointement dans une mobilisation nationale sans précédent pour une meilleure orientation et une transformation profonde de l'apprentissage. Une large concertation, lancée le 10 novembre 2017, a réuni l'ensemble des acteurs de l'apprentissage autour de Mme Sylvie Brunet, Présidente de la section travail et emploi du Conseil économique social et environnemental, dont le rapport a été transmis aux ministres du travail, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Les propositions retenues par le Gouvernement figurent dans le titre premier du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, présenté en Conseil des ministres le 27 avril 2018 et actuellement en cours d'examen parlementaire, qui en est la traduction législative. Cette transformation en profondeur de l'apprentissage repose sur trois axes : 1) instaurer un nouveau statut de l'apprenti plus attractif pour les jeunes ; 2) adapter le système pour permettre aux entreprises de s'engager dans l'apprentissage ; 3) rendre le financement plus simple, plus transparent et plus incitatif. 1) Car l'apprentissage mérite d'être reconnu comme une voie de passion et d'excellence, cette réforme entend la rendre plus attractive pour les jeunes. Ainsi, l'apprentissage sera ouvert aux jeunes jusqu'à 30 ans au lieu de 26 ans aujourd'hui. Par ailleurs, la rémunération des jeunes de 16 à 20 ans sera augmentée de 30 net par mois. En outre, une aide publique forfaitaire de 500 sera attribuée aux jeunes d'au moins 18 ans pour financer leur permis de conduire. Tous les apprentis dont le contrat de travail est interrompu en cours d'année ne perdront plus leur année et auront le droit de prolonger pendant six mois leur formation au sein du CFA (sauf en cas d'exclusion du CFA) qui recevra un financement dédié à cet effet. Tous les jeunes qui souhaitent s'orienter vers l'apprentissage, mais ne disposent pas des connaissances et des compétences requises, auront accès à des prépa-apprentissage. De plus, ils bénéficieront avec leur famille d'une information transparente sur la qualité des formations ainsi que de plusieurs journées d'information sur les filières et les métiers qui seront organisées, par les régions avec le monde professionnel et les départements pour les collèges, en classes de 4ème, 3ème, 2nde et 1ère. Enfin, 15 000 jeunes apprentis pourront bénéficier du programme Erasmus de l'apprentissage, soit deux fois plus qu'aujourd'hui, afin d'effectuer plusieurs mois de formation dans un autre pays d'Europe. De même, dans les outre-mer, une expérimentation est prévue pour favoriser les mobilités « régionales océaniques » dans le cadre de la réalisation d'une partie du contrat d'apprentissage. 2) Pour les employeurs et les maitres d'apprentissage en entreprises, les formalités juridiques, administratives et financières seront simplifiées et assouplies Les partenaires sociaux des branches professionnelles au plus près des réalités socio-économiques des métiers co-écriront les diplômes professionnels avec l'État. Les aides des entreprises pour embaucher des apprentis seront unifiés et ciblées sur les TPE et PME ainsi que sur les niveaux bac et pré-bac. La procédure d'enregistrement du contrat d'apprentissage sera réformée. La durée du contrat d'apprentissage pourra facilement et rapidement être modulée en fonction du niveau de qualification déjà atteint par le jeune. L'embauche d'apprentis pourra se faire tout au long de l'année et sera moins dépendante du rythme scolaire. Les ruptures de contrat d'apprentissage pourront s'effectuer après 45 jours sans passage préalable et obligatoire devant les Prud'hommes. Par ailleurs les CFA pourront développer rapidement et sans limite administrative les formations correspondant aux besoins de compétences des entreprises et la qualité de la formation sera renforcée par un système de certification. Par ailleurs, le projet de loi susmentionné, dans sa rédaction issue de l'Assemblée nationale, introduit un nouveau dispositif puissant de « reconversion et promotion par l'alternance ». Baptisé « Pro A », il vise à permettre aux salariés, tout en gardant leur contrat de travail et leur rémunération, d'accéder à une formation qualifiante en alternance, soit pour une promotion interne, soit pour une reconversion. Il permettra aussi de répondre aux besoins spécifiques des certains secteurs d'activité et d'anticiper les reconversions liées aux mutations, tout en conservant l'emploi. Ce dispositif est un élément clé qui s'inscrit en complément du plan de formation de l'entreprise, désormais, plan de développement des compétences, et du droit individuel, via le compte personnel de formation (CPF), qui, par le projet de loi, devient un véritable outil d'émancipation sociale à la main des actifs, avec la protection d'une garantie collective. 3) Le financement de l'apprentissage sera profondément rénové pour que le système soit plus simple, plus transparent et plus incitatif. Tout contrat en alternance sera financé : chaque jeune et chaque entreprise qui signent un contrat en alternance ont la garantie de bénéficier d'un financement. Les CFA seront financés au contrat : financement du CFA = nombre de contrats × financement par contrat. Les CFA seront ainsi fortement incités à développer un meilleur accompagnement pour les jeunes et à proposer de meilleurs services aux entreprises pour se développer et accueillir davantage de jeunes. Par ailleurs, les branches détermineront le coût du contrat de chaque diplôme ou titre professionnel en fonction des priorités de recrutement des entreprises et de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) de branche. Un système de péréquation interprofessionnelle garantira que toutes les entreprises qui accueillent un apprenti voient leur contrat financé. Enfin, les régions disposeront, pour tenir compte des spécificités de l'aménagement du territoire et pour améliorer la qualité et l'innovation pédagogique, d'une capacité de subvention complémentaire au financement au contrat Elles conservent ainsi leur fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont les recettes sont dynamiques. Elles favoriseront, en lien avec les branches, l'éducation nationale et l'enseignement supérieur, la création de campus des métiers qui facilitent les passerelles entre les différentes formations (CFA, lycée professionnel, université, formation continue). Enfin, les régions siègeront au sein du conseil d'administration de France Compétences, agence de régulation quadripartite où se retrouveront également l'État, et les partenaires sociaux. Cette agence assurera des missions de péréquation financière : répartition entre les branches et les opérateurs de compétences auxquels elles adhérent, versement des montants financiers aux Régions au titre de l'apprentissage ; versement des fonds aux opérateurs du conseil en évolution professionnelle choisis par appels d'offres ; péréquation entre opérateurs de compétences au profit du développement des compétences des entreprises de moins de cinquante salariés. Cette agence contribuera au suivi et à l'évaluation de la qualité des actions de formation dispensées, à l'observation des coûts et des niveaux de prise en charge des formations s'agissant des fonds publics ou mutualisés. Elle établira et actualisera le répertoire national des certifications professionnelles. France compétences pourra émettre des recommandations auprès des pouvoirs publics et des représentants des branches professionnelles et les rendre publiques. La transformation de l'apprentissage engagée par le Gouvernement ne constitue donc ni un acte de recentralisation, ni de privatisation. Guidée par l'intérêt général, elle permettra à nos concitoyens d'accéder plus facilement à cette voie d'excellence, de passion, et d'insertion professionnelle durable grâce à un système lisible, régulé, de qualité, où les acteurs sont responsabilisés, au service tant de l'égalité des chances et de l'émancipation par la formation et le travail, que du dynamisme de notre économie, facteurs indissociables de l'attractivité de nos territoires.
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