Question de Mme DELATTRE Nathalie (Gironde - RDSE) publiée le 19/07/2018

Mme Nathalie Delattre interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'éventuel signalement aux élus locaux d'habitants figurant au sein du fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Introduit par décret n° 2007-914 du 15 mai 2017 pour application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le FSPRT traite les données à caractère personnel de près de 20 000 individus fichés comme « radicalisés ». Le 22 mai 2018, le président de la République a fait part de son intention de faciliter les « échanges » d'informations entre le préfet et les maires concernant ces données sensibles recueillies par les services de renseignement. L'objectif serait d'informer les élus locaux de la présence d'individus fichés pour radicalisation sur leur commune. Néanmoins elle lui demande si ce « dialogue systématique », à mettre en place, prendrait la forme d'un partage de données stricto sensu ou bien d'un simple accès donné aux maires au cas par cas. Elle l'interroge aussi sur le rôle des édiles, une fois que ces derniers ont reçu le signalement d'un administré radicalisé.

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Transmise au Ministère de l'intérieur


Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 13/12/2018

Face à la menace du terrorisme islamiste, l'État met tout en œuvre pour démanteler les réseaux et sécuriser le territoire national, sur la base d'un dispositif d'anticipation, de détection et de prévention. Il renforce également les moyens humains, juridiques et techniques de prévention et de répression. La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a permis une sortie maîtrisée de l'état d'urgence tout en dotant l'État de nouveaux moyens juridiques de droit commun permettant de mieux prévenir la menace terroriste. Les moyens humains et matériels des services chargés de la prévention et de la lutte contre le terrorisme continuent d'être renforcés, notamment grâce aux 7 000 emplois supplémentaires qui seront créés dans la police nationale au cours du quinquennat, dont 1 900 seront dédiés au renseignement territorial et à la sécurité intérieure. Un nouveau plan d'action contre le terrorisme a également été adopté en juillet 2018. Face aux enjeux de la radicalisation et à l'ampleur du phénomène, l'État ne peut agir seul. Les collectivités territoriales et les acteurs locaux de la société civile (associations, etc.) jouent un rôle important en matière de prévention compte tenu de leur connaissance des territoires et des quartiers, de leurs capacités d'alerte. Tel est le cas, en particulier, des maires, qui doivent être associés à l'action de l'État. Plusieurs dispositifs organisent déjà leur implication en matière de prévention et permettent des échanges d'information, comme par exemple les cellules départementales de suivi pour la prévention de la radicalisation et l'accompagnement des familles (CPRAF), créées en application de la circulaire INTK1405276C du 29 avril 2014 du ministre de l'intérieur relative à la prévention de la radicalisation et à l'accompagnement des familles. Les maires sont également impliqués dans les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD/CISPD). Des conventions de partenariat ont également été conclues par l'État avec des associations d'élus, dont une convention de partenariat sur la prévention de la radicalisation violente signée le 19 mai 2016 avec l'association des maires de France (AMF) et des présidents d'intercommunalités. Le nouveau plan national de prévention de la radicalisation adopté par le Gouvernement le 23 février 2018 prévoit également d'intensifier l'implication et la mobilisation des communes. Il était toutefois nécessaire d'aller plus loin, conformément à l'engagement pris le 23 mai 2018 par le Président de la République dans son discours « La France, une chance pour chacun ». Le ministre de l'intérieur a donc adressé le 13 novembre 2018 une instruction aux préfets relative à la mise en œuvre d'un dialogue renforcé entre l'État et les maires dans le domaine de la prévention de la radicalisation violente. Elle permet d'informer les maires sur trois plans. Le premier est la connaissance générale et régulièrement actualisée, au bénéfice des maires qui le souhaitent ou si la situation le justifie, de l'état de la menace terroriste dans leur commune. Le deuxième est l'information du suivi d'un signalement qui serait fait par les maires. Enfin, les préfets pourront d'initiative adresser aux maires des informations confidentielles sur des situations individuelles dans les cas où ils ont à en connaître au regard de leurs missions, par exemple pour alerter sur le profil d'un employé municipal ou sur les risques associés au subventionnement d'une association. La circulaire prévoit également la désignation, au sein des services locaux de police ou de gendarmerie, d'interlocuteurs de proximité pour permettre aux maires de signaler, en temps réel, des situations de radicalisation présumée. Pour garantir la confidentialité des échanges comme celle des actions menées par les services de police, de gendarmerie et de renseignement, la circulaire inclut une charte de confidentialité, qui sera signée par le préfet, le maire et le procureur de la République. Les échanges nominatifs confidentiels et les décisions qui en résultent ne pourront intervenir que dans le cadre légal des groupes de travail des CLSPD-CISPD. Pour préserver l'efficacité opérationnelle des mesures de surveillance et de suivi que constituent les signalements dans des fichiers tels que le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ou le fichier des personnes recherchées (FPR), les maires ne peuvent avoir un accès direct aux informations que ces traitements contiennent. Des impératifs opérationnels et juridiques s'opposent également à la transmission aux maires d'informations protégées par le secret de la défense nationale ou susceptibles de porter atteinte au secret de l'enquête. Pour ces mêmes raisons, le renforcement des échanges avec les maires ne peut conduire à une systématisation de la transmission d'informations nominatives confidentielles. Pour autant, la nouvelle circulaire du ministre de l'intérieur permettra donc dorénavant que les préfets aient, de manière systématique, un dialogue avec les maires afin de pouvoir échanger sur les situations de radicalisation violente.

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