Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 25/10/2018
M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les conséquences de la sécheresse estivale de 2018 pour les agriculteurs, sécheresse particulièrement importante dans les Hauts-de-France et dans le département de l'Aisne. La sécheresse a d'abord touché les prairies, avec des pertes économiques importantes pour les éleveurs obligés d'utiliser leurs stocks début juillet pour alimenter leurs animaux. Les pommes de terre de consommation, les fécules, les betteraves sont très affectées. Pour ces dernières, la récolte est très hétérogène en fonction des pluies d'orages, de 100 tonnes à 35 tonnes l'hectare, soit une chute moyenne de 25 %. Fin août, les nouveaux semis de colza soit n'ont pu être plantés dans une terre trop dure, soit n'ont pas levé faute d'une pluviométrie suffisante. Certains céréaliers vont devoir retourner leurs terres. Parallèlement, on fait le même constat pour les plantes intermédiaires, les surfaces d'intérêt écologique (SIE) et ce qu'on nomme communément « les pièges à nitrates », ces cultures rendues obligatoires par l'Europe. C'est ainsi qu'en sus de la sécheresse, qui aura un impact économique très important sur le revenu des agriculteurs, ces derniers sont surveillés par l'administration qui, par ses contrôles obligatoires dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) constate des défauts de cultures qui, ne pouvant pousser, engendreraient des pénalités ! Alors que la situation financière des agriculteurs est déjà mise à mal, cet aléa climatique fait suite à quatre années de difficultés liées à la météorologie et à des cours mondiaux très bas. Or plusieurs pays européens ont déjà obtenu des dérogations pour les surfaces d'intérêt écologique, ce qui n'est pas le cas de la France. Alors que la pluie n'est toujours pas au rendez-vous, les agriculteurs demandent donc légitimement cette même possibilité ainsi que le relèvement des taux d'avance des aides européennes pour soutenir les trésoreries. Au niveau national, des aides sont également attendues comme, par exemple, la mise en place accélérée de la procédure des calamités. Alors que l'Allemagne a débloqué 340 millions pour ses agriculteurs, il souhaite connaître les aides directes que le Gouvernement envisage d'accorder aux agriculteurs français.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 05/12/2018
Réponse apportée en séance publique le 04/12/2018
M. Antoine Lefèvre. La sécheresse estivale a des conséquences particulièrement importantes dans les Hauts-de-France, et dans le département de l'Aisne en particulier.
En ce qui concerne les fourrages, les éleveurs ont dû utiliser leurs stocks dès le début de juillet pour alimenter leurs animaux.
En ce qui concerne les pommes de terre de consommation, la récolte est très hétérogène, de 35 tonnes à 100 tonnes à l'hectare en fonction des pluies d'orage, soit une chute moyenne du rendement de 25 %.
Pour les parcelles de betteraves récoltées en novembre, la baisse de rendement est de 34 %, soit environ 31 tonnes par hectare, ce qui représente un manque à gagner de 775 euros par hectare ou 48 % du bénéfice de la parcelle.
La culture des colzas, quant à elle, est « mort-née » : à peine levée, elle a brulé par manque d'eau.
Le même constat vaut pour les plantes intermédiaires, les surfaces d'intérêt écologique et ce que l'on nomme communément les « pièges à nitrates », ces cultures rendues obligatoires par l'Europe.
C'est ainsi que, en plus de la sécheresse, les agriculteurs sont surveillés par l'administration qui, par ses contrôles obligatoires au titre de la PAC, constate des défauts de cultures dus à l'absence de pousse, susceptibles d'engendrer des pénalités !
Cet aléa climatique fait suite à quatre années de difficultés liées à la météorologie et à des cours mondiaux très bas.
Alors que l'Allemagne a mis en uvre des plans d'urgence et que de nombreux pays ont obtenu de Bruxelles des dérogations pour les surfaces d'intérêt écologique, seule la France a demandé à ses agriculteurs d'effectuer des dépenses inutiles en semant malgré la canicule.
L'Allemagne a très vite débloqué 340 millions d'euros pour ses agriculteurs, si bien que ceux-ci achètent aujourd'hui le fourrage qui nous manquera cet hiver
Fin octobre, vous avez annoncé, monsieur le ministre, différentes initiatives, comme un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ou des reports et allégements de cotisations sociales dues à la Mutualité sociale agricole, la MSA. Les agriculteurs souhaiteraient que le bénéfice de ces mesures aille aux exploitations les plus touchées, au lieu d'être réparti en fonction du nombre d'exploitations par département, sans fléchage particulier.
Le préfet vous a fait remonter l'état des lieux dans notre département de l'Aisne, pour qu'enfin des décisions puissent être prises en matière de dérogations.
Vous avez annoncé ici même, samedi dernier, le déblocage de 400 millions d'euros au titre de la sécheresse. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire comment cette somme sera ventilée et quelles aides directes les agriculteurs sont en droit d'attendre ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur, notre pays a connu cet été une sécheresse dramatique. Elle a été tardive, après des épisodes de pluie au printemps. La première coupe a été assez fournie, puis la sécheresse s'est installée jusqu'à l'automne, ce qui est assez exceptionnel.
Je me suis rendu dans les Ardennes, les Vosges, la Meuse et plusieurs autres départements. J'ai d'abord demandé aux préfets d'organiser la solidarité entre agriculteurs pour l'approvisionnement en fourrage. Ensuite, pour permettre une indemnisation rapide des agriculteurs sinistrés, j'ai décidé la tenue de trois réunions exceptionnelles du Comité national de gestion des risques en agriculture, le CNGRA, en décembre, en janvier et en février. Douze dossiers, pour soixante-dix départements concernés environ, sont déjà remontés en vue de la réunion du CNGRA du 12 décembre prochain.
Une fois la reconnaissance accordée, un acompte exceptionnel de 50 % sera versé aux agriculteurs éligibles ayant utilisé la télédéclaration pour déposer leur dossier.
Plusieurs dispositifs peuvent être mobilisés : le recours à l'activité partielle pour les salariés des exploitations, un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti pour les parcelles touchées, les aides au paiement des cotisations sociales.
L'ensemble de ces mesures, sans comparaison avec ce qui a été mis en place dans les autres pays européens touchés par cette sécheresse, représente un apport de trésorerie exceptionnel pour les exploitants et des souplesses administratives leur permettant d'anticiper l'hiver et d'acheter les compléments nécessaires à l'alimentation des cheptels.
À l'avenir, il conviendra de mieux gérer la ressource en eau, pour que nos agriculteurs n'aient plus à subir de tels dommages. Sur ce sujet aussi, vous pouvez compter sur mon engagement, monsieur le sénateur. Comme je l'ai annoncé ici même, je vais commencer à travailler sur l'utilisation des retenues d'eau en cas de sécheresse.
Vous avez évoqué le cas de l'Allemagne, monsieur le sénateur. Sachez que le ministère allemand de l'agriculture a annoncé un grand plan, doté de moyens importants, mais aucun argent n'est mis à la disposition des agriculteurs, et ceux-ci sont fort mécontents. Seule la France a mis en uvre un plan efficace, permettant aux agriculteurs de toucher des aides.
Nous sommes toutefois confrontés à une autre difficulté. Les aides sont versées par département ; or la situation des agriculteurs est très variable au sein d'un même département. Je souhaite donc faire évoluer les règles d'attribution afin que les préfets et les directions régionales de l'agriculture et de la forêt, les DRAF, puissent cibler les indemnisations sur les exploitations les plus touchées.
Quoi qu'il en soit, l'État sera au rendez-vous : quelque 400 millions d'euros seront versés au titre de cette sécheresse.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. J'ai pris note de vos propos concernant l'Allemagne, monsieur le ministre ; je vérifierai ce qu'il en est.
Je profite de cette occasion pour vous alerter sur la gestion des aléas climatiques par l'État, la réserve prévue à cet effet se trouvant amputée d'un tiers dans le PLF pour 2019. La baisse annoncée du budget de la PAC est également inquiétante. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a rejeté les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
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