Question de M. LE NAY Jacques (Morbihan - UC) publiée le 31/10/2018
Question posée en séance publique le 30/10/2018
M. Jacques Le Nay. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question, à laquelle j'associe notre collègue Nathalie Goulet, à qui ce sujet tient à cœur, s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Le 20 octobre dernier, Qader Daoudzai a été tué dans une attaque suicide à Kaboul. C'était un ancien interprète de l'armée, du temps de sa présence en Afghanistan.
La victime s'apprêtait à demander un visa pour la France, après un premier refus en 2015. En effet, lui et toute sa famille étaient menacés de mort par les talibans du fait de son travail pour la France. Il ne pouvait ni retourner dans son village ni sortir de Kaboul. Ses proches ont rapporté qu'il répétait souvent : « Si je ne vais pas en France, je vais mourir dans une attaque ou quelqu'un me tuera ».
En 2015, il avait fait état de ces menaces dans sa demande de visa pour la France, qui lui avait été refusée, comme ce fut aussi le cas pour 151 autres personnes faisant partie des personnels civils de recrutement local.
Avant sa mort, Qader préparait son dossier pour une nouvelle demande de visa dans le cadre de la procédure dite de « relocalisation » récemment ouverte. Aujourd'hui, ses enfants âgés de deux, trois et quatre ans, désormais orphelins, se trouvent dans un pays en guerre.
Plus de 600 auxiliaires de nos forces armées dans le monde risquent ainsi leur vie pour la France. En Afghanistan, ils étaient les intermédiaires indispensables des militaires français auprès des populations. Avant de quitter le pays, la France s'était engagée à les protéger. Elle avait promis de ne pas les oublier.
Or force est de constater que la France les a, à l'évidence, oubliés. Il a fallu un mort de plus pour que nous les fassions sortir de cet oubli.
Monsieur le ministre, je vous poserai donc deux questions très simples. Quand allez-vous enfin accueillir la famille de Qader Daoudzai ? Que comptez-vous faire pour protéger les auxiliaires locaux de nos armées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 31/10/2018
Réponse apportée en séance publique le 30/10/2018
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Je vous remercie, monsieur le sénateur Le Nay d'avoir posé cette question et rappelé que Qader Daoudzai a été tué dans un attentat suicide, et qu'il était un ancien interprète des forces françaises. Mais il fut aussi, et pendant beaucoup plus longtemps, un interprète des forces américaines.
Il n'a pas été ciblé personnellement, mais a succombé lors d'une attaque terroriste visant l'ensemble des opérations électorales qui se déroulaient à Kaboul.
Il faut dire les choses très clairement : en 2015, la France a mis en place un dispositif spécifique pour rendre hommage au travail des interprètes afghans qui avaient aidé à sa présence. Un certain nombre d'entre eux ont ainsi pu rejoindre la France après que leur demande a été légitimée.
La demande de Qader Daoudzai a été rejetée, à l'instar d'un certain nombre d'autres, pour des raisons de sûreté nationale. Je connais bien le sujet en raison de mes fonctions antérieures Toutefois, comme vous l'avez souligné, le Président de la République a décidé récemment de rouvrir une procédure de relocalisation. À ce titre, la demande de Qader Daoudzai devait donc être réexaminée. Nous instruirons cette nouvelle procédure pour ses enfants et sa famille, afin de leur permettre de bénéficier, si toutes les conditions sont remplies, de l'aide que nous devons aux personnes ayant mis leur vie en jeu pour la défense d'intérêts communs et au service des forces françaises.
La situation nouvelle entraînée par le décès de Qader Daoudzai devrait nous permettre d'accélérer la procédure si tous les critères sont respectés. (Lamentable ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
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