Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Républicains) publiée le 29/11/2018
Mme Laure Darcos attire l'attention de M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales sur la profonde désespérance des élus locaux, dans l'Essonne comme dans la très grande majorité des départements de France. Un récent sondage de l'association des maires ruraux de France atteste leur découragement face aux difficultés d'exercice de leur mandat, qui incitent près de quatre maires sur dix à ne pas vouloir se représenter à l'occasion des élections municipales de 2020. Les transferts de compétences aux structures intercommunales, la prolifération normative et l'instabilité législative, les contraintes budgétaires excessives ainsi que l'absence de véritable politique favorable au maintien des services publics locaux contribuent à alimenter le sentiment que les pouvoirs publics n'ont pas pris toute la mesure de la fracture territoriale qui se dessine. La consultation conduite par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat auprès des élus locaux a en outre mis en exergue quatre problématiques majeures parmi lesquelles leur régime indemnitaire, leur régime social, la formation et leur reconversion ainsi que leur responsabilité pénale. Dans l'Essonne, département sud-francilien confronté aux problématiques à la fois urbaines et rurales, se pose notamment la question de la conciliation d'un mandat local avec la vie professionnelle, à travers des sujets très concrets comme les pertes de revenus professionnels liées aux journées d'absence pour exercer un mandat électif, la faiblesse du régime indemnitaire, l'imposition des indemnités, le régime de retraite perfectible des élus locaux ou encore une protection sociale insuffisante. Dans un contexte délétère qui pousse de nombreux édiles à renoncer à leur mandat, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les mesures fortes que le Gouvernement entend prendre afin de rendre les mandats locaux attractifs et valorisants pour ceux qui les exercent avec dévouement et un sens aigu de l'intérêt général comme pour ceux qui envisagent, dans un proche avenir, de se mettre au service de leurs concitoyens.
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Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales publiée le 23/01/2019
Réponse apportée en séance publique le 22/01/2019
Mme Laure Darcos. Madame la ministre, je vous pose d'emblée la question : connaissez-vous, aujourd'hui, un maire qui ne soit pas soucieux ? Pour ma part, je côtoie, dans mon département, des maires admirables de courage et de dévouement, sincèrement attentifs à servir leurs concitoyens, mais malheureux de voir les conditions d'exercice de leur mandat se dégrader chaque jour davantage.
Le malaise des élus locaux ne date pas d'hier. Les maux sont anciens et profonds, et le Sénat a produit, ces dernières années, d'excellentes propositions sur les moyens d'y remédier, dont aucun gouvernement ne s'est, hélas, emparé.
J'ose espérer qu'il en ira différemment du rapport remarquable que vient de rendre public notre délégation aux collectivités territoriales, car la démission récente d'un certain nombre de maires, notamment en Essonne, et le souhait exprimé par la moitié des autres de ne pas se représenter en 2020 sont très préoccupants.
La crise des « gilets jaunes » met en lumière, une fois encore, la nécessité de ces médiateurs compétents que sont les élus locaux dans notre vie démocratique, implantés au cur des territoires. Ils sont les garants de la République, solides, disponibles, rigoureux et, surtout, à l'écoute de leurs concitoyens.
Je vous pose donc, madame la ministre, la question suivante : quand le Gouvernement prendra-t-il enfin toute la mesure de la détresse des élus locaux et mettra-t-il en débat les questions essentielles ? Vous êtes bien satisfaits de pouvoir compter sur eux pour faciliter le grand débat national ; il sera judicieux de ne pas les oublier à l'issue de cette consultation.
Le chantier de la rénovation est en effet immense. Vous aurez à repenser l'organisation territoriale, source de complexité, les compétences des collectivités et leur enchevêtrement, le régime indemnitaire des élus locaux, démantelé par le précédent gouvernement, la protection sociale, largement perfectible, la formation tout au long du mandat et la reconversion des élus au terme de celui-ci et, enfin, la question de la responsabilité pénale, qui paralyse l'action publique en suscitant la crainte d'une mise en cause personnelle.
Nos élus attendent des réponses précises, des moyens d'agir, mais aussi de la considération. Notre démocratie a besoin de respirer et ceux qui la servent de retrouver espoir. (M. Édouard Courtial applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice Laure Darcos, d'abord, sachez-le, je n'ai pas attendu d'être ministre pour avoir de la considération pour les élus locaux ; je l'ai été pendant de très longues années et ma considération pour eux est réelle.
Par ailleurs, je ne suis pas « satisfaite », comme vous dites, de les retrouver pour le grand débat ; je trouve très légitime que les élus y soient associés et qu'ils y prennent toute leur place, puisqu'ils représentent la démocratie locale.
Vous parlez de la « détresse » des maires. Je me permets de vous le signaler, si certains maires sont, effectivement, en détresse, il faut aussi éviter de dramatiser les choses, afin de protéger la démocratie représentative ; il convient toujours d'équilibrer ses propos quand on parle des élus locaux, de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, sans quoi on s'oriente vers des crises que plus personne ne pourra maîtriser.
Considérez ce qui a été fait dans le passé ; bien des lois et des réglementations ont été adoptées pour accompagner les élus locaux dans l'exercice de leur mandat ; ici même, au Sénat, sous les précédents gouvernements, quels qu'ils soient, il y a eu des avancées ; j'y ai moi-même participé.
Sans doute, il y a encore des choses à faire et, dans le cadre du grand chantier de la Conférence nationale des territoires sur le statut des élus locaux, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, présidée par Jean-Marie Bockel, a conduit une étude approfondie sur les conditions d'exercice des mandats. Ses conclusions ont été présentées à la fin de septembre 2018 ; la délégation y fait notamment le constat de l'amélioration continue de l'exercice des mandats locaux, mais elle estime nécessaire d'en rajouter clarifications, complément et adaptation de leur régime social, ou autres.
Depuis la remise de ce rapport, je poursuis les travaux de réflexion afin d'agir par la voie législative ou réglementaire, car tout ne se règle pas par la loi.
Toutefois, je veux rappeler certaines mesures d'ores et déjà prises en faveur de l'amélioration du régime social : les élus locaux bénéficieront d'un formulaire d'affiliation au régime général de la sécurité sociale spécifique, d'une rubrique dédiée aux élus locaux sur le site ameli.fr, d'une information donnée à leur médecin pour les autoriser, lorsque c'est possible, à exercer leur mandat durant leur congé maladie cela était réclamé avec insistance , d'une clarification des modalités d'assujettissement des cotisations des collectivités aux régimes de retraite facultatifs par rente des élus, ou encore d'une application simplifiée des dispositions en matière de retraite complémentaire.
Je n'oublie pas non plus ce qui a été adopté, ici, au Sénat, au travers de la loi de finances, à propos de l'imposition des revenus des élus, sur la partie représentative des frais de mandat ; cela allégera la fiscalité des élus.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Beaucoup de choses ont été faites et d'autres suivront peut-être ; on ne peut donc pas dire que nous ne faisons rien.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour répondre à Mme la ministre.
Mme Laure Darcos. Madame la ministre, je ne remets nullement en cause le fait que vous soyez proche des élus, et je suis d'ailleurs ravie que ce soit vous qui me répondiez. Néanmoins, sans vouloir dramatiser, je vous assure que le malaise est beaucoup plus profond qu'on ne le dit, et je ne voudrais pas que cela soit oublié lors de ce grand débat.
Le président Larcher le soulignait très justement hier matin, lors de ses vux aux grandes associations d'élus, réunies au Sénat sous la bannière des Territoires unis, il faut restaurer un serment de confiance avec les élus. Les collectivités doivent être de vrais partenaires et non simplement des services de l'État. Il est urgent de réaffirmer les énergies des territoires en consolidant la légitimité des élus.
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