Question de M. LAURENT Pierre (Paris - CRCE) publiée le 15/11/2018
M. Pierre Laurent attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le débat autour des propositions d'amendements de la Commission européenne pour le renouvellement de l'accord commercial entre l'Union européenne (UE) et le Maroc.
La Commission européenne prévoit que la modification actuellement proposée de l'accord d'association UE-Maroc, visant à intégrer le Sahara occidental dans le champ d'application territorial, ne s'appliquera qu'à la zone sous contrôle de l'État marocain.
De nombreux acteurs se préoccupent de certains aspects de cet accord. Ainsi, ils se demandent ce qui est prévu pour permettre le commerce de l'UE avec et dans la partie du Sahara occidental contrôlée par le Front Polisario. Par ailleurs, ils s'interrogent aussi sur la façon dont la Commission européenne fait correspondre la couverture partielle de l'accord avec son engagement déclaré de ne pas porter atteinte au processus de paix engagé par les Nations unies à ce sujet et l'obligation de respect du principe de l'intégrité territoriale.
Il lui demande comment la France compte répondre à ces préoccupations.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 20/06/2019
Dans l'affaire C-104/16 P, le Front Polisario a contesté la validité de l'accord de libéralisation des produits agricoles, conclu entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc en 2012, qui est un protocole à l'accord d'association de 2000. Dans son arrêt en pourvoi du 21 décembre 2016, la Cour de justice (CJUE) a notamment jugé que les principes d'autodétermination et de l'effet territorial des traités s'opposent à ce qu'un accord s'applique au Sahara occidental si une telle application n'est pas expressément prévue. En l'espèce, l'accord d'association ne prévoyait qu'une application au « territoire du Maroc » et ne comportait aucune référence au Sahara occidental. Dans ces conditions, la CJUE a considéré que l'accord ne s'applique pas au Sahara occidental, de sorte que la question de la validité d'une telle application ne se pose pas. Afin de répondre à l'ensemble des points soulevés par la Cour de justice, la Commission, sur mandat du Conseil, a conduit avec le gouvernement du Maroc une négociation visant à amender l'accord. En effet, le droit international ne s'oppose pas à la conclusion par l'Union et ses États membres d'accords avec le Royaume du Maroc qui s'appliquent au Sahara occidental, à condition que les populations locales aient été consultées et qu'elles bénéficient de ces accords. À l'issue de plusieurs mois de négociations, un accord sous forme d'échange de lettres étendant l'application des protocoles 1 et 4 de l'accord d'association au Sahara occidental a été paraphé par le Maroc et la Commission européenne le 31 janvier 2018, et adopté par le Conseil le 16 juillet 2018. Cet accord s'appuie sur les informations recueillies au cours des consultations conduites pendant plusieurs mois par la Commission auprès des autorités locales et de la société civile dans la région, qui permettent de démontrer que les populations concernées bénéficient de la mise en uvre de cet accord et sont associées à sa renégociation. Ces informations figurent dans un rapport annexé au projet de décision qui a été soumis au vote du Conseil et du Parlement européen. Le Parlement européen a approuvé ce texte en session plénière le 16 janvier 2019. La conclusion de tels accords ne vaut pas reconnaissance par l'Union européenne des revendications de souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, qui est un territoire non autonome au sens de l'article 73 de la Charte des Nations unies. La France demeure mobilisée en vue de la recherche, sous l'égide des Nations unies, d'une solution juste, durable et mutuellement agréée au Sahara occidental, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. À cet égard, la tenue de la table ronde préliminaire entre le Maroc, le Front Polisario, l'Algérie et la Mauritanie, organisée à Genève, les 5 et 6 décembre 2018, à l'initiative de l'Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies (EPSGNU) pour le Sahara occidental, Horst Köhler, a constitué une première étape constructive. La France continuera de soutenir les efforts en ce sens de la personne que le Secrétaire général des Nations unies désignera pour prendre sa succession.
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